Page:Le Tour du monde - 14.djvu/331

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de lui attribuer. Faut-il se représenter le nirwâna, but suprême des aspirations bouddhistes, comme l’absorption de l’âme du juste dans la divine essence de l’esprit universel, ou doit-on réellement en faire le synonyme d’anéantissement ? La doctrine du Bouddha est très-obscure sur ce point. Cependant les autorités les plus respectables se prononcent en faveur de la dernière alternative. L’interprétation que M. Barthélemy Saint-Hilaire donne, d’après M. E. Burnouf, du nirwâna bouddhiste, se résume presque textuellement comme suit :

Le Bouddha prend pour point de départ de sa doctrine un fait incontestable, l’existence de la douleur, dont l’homme est atteint, sous une forme quelconque, dans toutes les conditions sociales. Recherchant les causes de la douleur, il les attribue aux passions, au désir, à la faute, à l’ignorance, à l’existence même.

Bonzerie et bosquets de bambous (voy. p. 311). — Dessin de H. Clerget d’après une aquarelle de M. Roussin.

Cela étant, la douleur ne peut avoir d’autre terme que la cessation de l’existence. Mais il faut que cette fin, pour être réelle, soit le néant, le nirwâna. Il n’y a pas d’autre moyen de sortir du cercle des renaissances perpétuelles, de se soustraire définitivement à la loi des transmigrations. Ce composé d’âme et de corps, que l’on appelle l’homme, ne saurait être réellement délivré que par l’anéantissement absolu ; car pour peu qu’il restât le moindre atome de son âme, l’âme pourrait encore renaître sous une de ces apparences sans nombre que revêt l’existence, et sa libération prétendue ne serait qu’une illusion comme les autres. Le seul asile et la seule réalité, c’est le néant, car on n’en revient pas.

Si l’opinion que je viens de citer exprime réellement