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L’an 1597, il appuya sa menace par l’envoi d’une seconde armée de cent trente mille hommes. Mais la mort le surprit avant l’issue de cette nouvelle campagne, et les deux empires, également las d’une guerre que rien ne justifiait, s’empressèrent de se réconcilier et de rappeler leurs armées.

Ces deux expéditions de Chine, que l’on serait tenté de prendre pour de folles aventures, paraissent avoir été pour Fidé-Yosí, aussi bien que son édit de persécution, des actes mûrement prémédités pour atteindre le double but de ses rêves ambitieux : écraser la noblesse féodale et fonder sur ses débris une dynastie monarchique.

Déjà les vassaux de l’empire s’étaient épuisés dans de stériles luttes intestines : il fallait achever de les ruiner par des guerres lointaines et dispendieuses.

Sous prétexte de protéger les femmes et les enfants des daïmios appelés au service militaire, Fidé-Yosi contraignit les familles et les principaux serviteurs de ces princes à venir habiter des maisons qu’il leur avait préparées dans l’enceinte de ses châteaux forts. Quand les princes revinrent de la Chine, il ne les remit en possession de leurs terres qu’à la condition d’y résider dorénavant seuls, sans leurs familles, mais en leur fixant une époque de l’année pendant laquelle ils pourraient les rejoindre temporairement à sa cour, où elles continueraient de rester en otage.

Le supplice du feu. — Dessin de Feyen-Perrin d’après une gravure japonaise.

Exemple unique et merveilleux, s’écrie Kæmpfer, qu’un si grand nombre de puissants princes aient été mis sous le joug par un simple soldat, de vile extraction !

Mais ce n’était pas assez pour tenir les provinces sous la domination du nouveau pouvoir central. Jusqu’alors les villes de résidence avaient seules été reliées les unes aux autres par une route militaire. Fidé-Yosi profita de l’absence des seigneurs pour jeter sur leurs terres et jusqu’aux extrémités de l’empire, une route ou chaussée indépendante de toute autre garde, police, ou juridiction, que celle du Siogoun. On l’appelle le Tokaïdo.

A. Humbert.

(La suite à une autre livraison.)