Page:Le Tour du monde - 14.djvu/36

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ensuite vint le dieu créateur, haut élevé sur la création ; puis le dieu créateur qui est le sublime esprit.

Chacun de ces trois dieux primitifs avait son existence propre, mais ils ne s’étaient pas encore révélés hors de leur nature spirituelle.

Alors il s’opéra peu à peu un travail de séparation dans le chaos.

Les atomes subtils roulant dans diverses directions formèrent le ciel.

Les atomes plus grossiers s’attachant et adhérant les uns aux autres produisirent la terre.

Les atomes subtils constituèrent très-promptement la voûte céleste arrondie au-dessus de nos têtes.

Les atomes grossiers s’agrégeant plus lentement en corps solide, la terre ne fut faite que longtemps après le ciel.

Quand la matière terrestre flottait encore comme un poisson qui s’ébat à la surface des eaux, ou comme l’image de la lune qui tremble dans une onde limpide, il apparut entre le ciel et la terre quelque chose de semblable à une branche d’épine douée de mouvement et susceptible de transformation.

Elle fut changée en trois dieux, qui sont :

Kouni-toko-datsi, no Mikoto,

Kouni-satsou-tsi, no Mikoto,

et Toyo-Koumou-Sou, no Mikoto.

Après ces trois premiers dieux, il y eut quatre couples de dieux et de déesses, savoir :

Wou-hidsi-ni, no Mikoto, et sa compagne,

Oo-to-tsi, no Mikoto, et sa compagne,

Omo-tarou, no Mikoto, et sa compagne,

enfin Izanaghi, no Mikoto, et sa compagne Izanami.


La légende d’Izanaghi et d’Izanami.

« Un jour, dit la légende, Izanaghi, le septième des dieux célestes, résolut d’appeler à l’existence un monde inférieur.

« Quand il l’eut vu s’élever au-dessus des flots de l’Océan, il se sentit attiré vers cette nouvelle création, et s’adressant à sa divine compagne Izanami, il lui proposa de descendre sur la terre.

« La déesse accepta avec plaisir cette aimable invitation, et les deux célestes époux, appuyés sur la balustrade de leurs demeures éthérées, se demandèrent quel serait le lieu qu’ils choisiraient pour but de leur pérégrination.

« Leurs regards parcourant les gracieux bassins de la mer intérieure du Japon, ils décidèrent, d’un commun accord, de se diriger vers la belle île d’Awadsi : elle repose, comme une corbeille de feuillages et de fleurs, sur les eaux calmes et profondes que protégent d’un côté les rochers de Sikoff et de l’autre les fertiles rivages de Nippon.

« Lorsqu’ils y furent arrivés, ils ne pouvaient se rassasier des charmes de cet asile solitaire. Tantôt ils parcouraient les campagnes émaillées de fleurs, qui s’étendent au bord de la mer, sur la côte septentrionale ; tantôt gravissant les collines, ils respiraient les parfums des bosquets de myrtes et d’orangers, ou s’asseyaient au bord d’une fraîche cascade dont le murmure se mêlait au gazouillement des oiseaux. Le centre de l’île leur offrait, sur les croupes des hautes montagnes, le vaste ombrage des pins, des camphriers et d’autres arbres aromatiques, ou la mystérieuse retraite de grottes tapissées de mousse et voilées d’un rideau de lianes ondoyantes.

« En voyant cette île qui était leur ouvrage, cette belle nature dont ils avaient eux-mêmes évoqué les éléments, ces oiseaux qui suspendaient gaiement leurs nids aux branches des bocages, il leur sembla que l’existence terrestre n’était pas indigne des dieux mêmes. Les jours, les saisons, les années s’écoulèrent, et un temps vint où le couple divin n’errait plus solitaire dans les prairies et sur les collines : une troupe de gais enfants s’ébattaient sous ses yeux, au seuil de sa demeure, dans une riante vallée de la belle Awadsi.

« Cependant, à mesure qu’ils grandissaient, un voile de tristesse obscurcissait parfois les regards de leurs parents.

« Le céleste couple, en effet, ne pouvait ignorer que tout ce qui naît sur la terre est assujetti à la mort. Ses enfants, tôt ou tard, devaient donc subir l’impitoyable loi du trépas.

« Cette pensée faisait frémir la douce Izanami. Il ne lui était pas possible de se représenter qu’un jour elle dût fermer les yeux de ses enfants, et continuer de jouir elle-même de l’immortalité. Il lui semblait préférable de descendre avec eux dans la tombe.

« Izanaghi résolut de mettre fin à une situation qui devenait toujours plus angoissante. Il persuade son épouse de remonter avec lui aux célestes demeures, avant que le spectacle de la mort ait attristé leur bonheur domestique :

« Il est vrai, » lui dit-il, « que nos enfants ne pourront pas nous suivre au séjour de la félicité immuable ; mais je saurai, en les quittant, adoucir la douleur de la séparation par un legs qui leur donnera le moyen de se rapprocher de nous, autant que le permet leur condition mortelle. »

« Il dit, et l’heure des adieux étant arrivée, il invita ses enfants à essuyer leurs larmes et à prêter une oreille attentive à ses dernières volontés.

« Il commença par leur dépeindre, en des images pour lesquelles la parole humaine n’a pas d’expressions, cet état d’immuable sérénité, qui est l’apanage incorruptible des habitants du ciel. Il le fit resplendir à leurs yeux comme la pure lumière d’un astre, inaccessible sans doute, mais que déjà l’on croit pouvoir atteindre du sommet de la montagne qui borde l’horizon :

« Ainsi, » ajouta-t-il, « sans posséder ici-bas cette félicité réservée seulement à un monde supérieur, il ne tiendra qu’à vous d’en avoir, dès votre vie terrestre, comme la contemplation, la jouissance anticipée, pourvu que vous suiviez religieusement mes recommandations. »

« À ces mots, élevant de la main droite le disque