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qui puissent distraire l’attention et nuire au recueillement.

Enfin, la couverture de la chapelle n’en est pas la partie la moins originale. Elle peut consister en chaume, en bardeaux, ou en tuiles : cela n’importe guère. Mais ce qui est le propre des toitures des mias, c’est la forme de leur charpente. Celle-ci s’abaisse graduellement de chaque côté, et s’infléchit vers la base, où elle s’avance au point de faire saillie sur les solives de la vérandah ; il en résulte que de cette large base au sommet, elle présente une élévation relativement considérable, et disproportionnée à la hauteur du bâtiment. En outre, elle se termine, aux deux angles supérieurs du toit, par deux poutres mises a nu et offrant la figure d’un X, soit d’une croix de saint André. Or, le niveau du toit ne dépasse pas le point d’intersection des deux poutres, en sorte que des quatre branches de la croix, deux sont adhérentes à la toiture et deux la dominent en s’écartant librement dans les airs ; ces dernières offrent aussi cette particularité, que l’une et l’autre sont évidées ou percées d’une longue entaille au sommet, ce qui n’a probablement d’autre but que de leur donner un aspect aérien. Enfin, pour compléter ce bizarre assemblage, de petites poutres taillées en fuseau sont fixées de distance en distance en travers de l’arête du toit. J’avoue que je n’ai pu me rendre compte des intentions qui ont présidé à cette singulière architecture.

Paysage de l’île de Kiousiou. — Dessin de Eug. Cicéri d’après une photographie.

Tel a dû être, selon toute apparence, le type de la mia dans sa pureté primitive.

Faut-il encore y ajouter cette ornementation dont parle Kæmpfer, et qui consiste en bandes de papier blanc ? C’est possible, car on retrouve dans tout le Japon et parmi toutes les sectes dont ce pays abonde, l’usage symbolique, mais encore peu éclairci, de ces rubans de papier suspendus aux murailles des temples, aux linteaux des maisons, aux cordes de paille tressée que l’on tend dans le voisinage de certains lieux sacrés, ou dans les rues les jours de fêtes religieuses. Cependant je serais plutôt tenté de croire que cet emploi du papier bénit est une importation du bouddhisme. Les bonzes de cette religion se servent d’un petit bâton de bois, surmonté d’une touffe de rubans de papier, en guise de goupillon. Ils l’agitent devant eux pour faire des exorcismes et spécialement pour purifier l’air des malignes influences lorsqu’ils entrent dans le temple et s’approchent de l’autel.

De là provient sans doute dans certains temples kamis la coutume de planter cette sorte de goupillon, que l’on appelle go-heï, sur une marche de l’autel, en avant du miroir sacré.