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On doit aussi faire rentrer dans la catégorie des innovations de date plus ou moins récente l’introduction des objets qu’il me reste à mentionner.

Ce sont d’abord, a l’entrée de quelques mias, deux statues d’animaux mythologiques, coulées en bronze, représentant, sous des formes fantastiques, la première une sorte de chien, l’autre une sorte de daim unicorne, tous deux accroupis sur leurs jambes de derrière et symbolisant, dit-on, les deux éléments purificateurs, l’eau et le feu.

C’est ensuite la présence, au pied de l’autel, d’un coffre de bois destiné à recevoir les offrandes des fidèles. Tantôt il a un couvercle de la forme d’un gril, afin que les pièces de monnaie que l’on y jette passent à travers les barreaux, et une fois au fond de la caisse, ne puissent plus en être retirées, excepté par les prêtres qui en gardent la clef ; tantôt la planche du couvercle est unie comme le dessus d’une table, mais entourée d’un rebord, et alors les dévots jettent bruyamment sur cette table leur petite monnaie de fer, des szénis, après les avoir enveloppés d’un morceau de papier roulé : l’on croirait voir de loin un plateau de dessert, chargé de petits cornets de pastilles de chocolat.

Paysage de l’île de Kiousiou. — Dessin de Eug. Cicéri d’après une photographie.


Enfin l’on trouve quelquefois, suspendus au frontispice de la chapelle, comme dans les temples bouddhistes, des instruments mis à la disposition des visiteurs, pour appeler les bonzes lorsqu’ils ne sont pas à l’autel, savoir : un gong ou bouclier de métal avec la corde à gros nœuds qui sert à le frapper, ou un paquet de grelots avec le cordon au moyen duquel on les agite.

Ce qui prouve bien que les objets dont il vient d’être question se sont introduits tardivement dans le culte kami, c’est la circonstance, remarquable à tous égards, que cette religion originairement n’avait pas de sacerdoce.

Les mias n’étaient d’abord, on l’a vu, que des chapelles commémoratives élevées en l’honneur des héros nationaux, comme en Suisse la chapelle de Tell au bord du lac des Quatre-Cantons. Le seigneur de la contrée favorisée d’un pareil monument veillait à sa conservation ; mais aucun prêtre ne desservait l’autel du Kami, aucune caste privilégiée ne s’interposait entre l’adorateur et l’objet de son pieux hommage. D’ailleurs l’acte d’adoration qui s’accomplissait devant le miroir d’Izanami, ne s’arrêtait pas au Kami de la chapelle commémorative, mais remontait aux dieux dont le Kami était l’intermédiaire. Ainsi la chapelle était ouverte à tout le monde, abandonnée en toute liberté à l’usage des adorateurs, et le culte dépourvu de tout cérémonial.