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bolero avec force contorsions, et on y lit des légendes naïves dans le genre de celle-ci :

Bailan con zalameria
Bolero en Andalucia.

Le rôle du danseur est bien moins important dans le bolero que celui de sa partenaire ; tous deux, il est vrai, exécutent à peu près le même pas, mais les mouvements de la femme sont plus expressifs, plus passionnés, et tandis que ses bras se tordent avec mollesse, ses pieds agiles ne restent pas un instant en repos.

Si les Espagnols sont passionnés pour le bolero, ils ne le sont pas moins pour le fandango ; le bolero enivre, dit un auteur espagnol ; le fandango enflamme. Cette danse fameuse, dont nous avons déjà dit quelques mots, offre, comme le bolero, plus d’une ressemblance avec les seguidillas. Le fandango était déjà connu vers la fin du dix-septième siècle ; un prêtre espagnol, nommé Marti, qui était doyen du chapitre d’Alicante, écrivait de Cadix, le 16 des calendes de février 1712, une lettre en latin dans laquelle il donne la description du fandango : le brave doyen emploie les périphrases les plus étranges pour mieux dépeindre cet ensemble de mouvements qu’on appelle le meneo.

« Vous connaissez, dit le doyen Marti, cette danse de Cadix, fameuse depuis tant de siècles par ses pas voluptueux, qu’on voit encore exécuter aujourd’hui dans tous les faubourgs et dans toutes les maisons de cette ville aux applaudissements incroyables des spectateurs ; elle n’est pas seulement en honneur parmi les négresses et autres personnes de basse condition, mais parmi les femmes les plus honnêtes et de la plus haute naissance.

« Ce pas est dansé tantôt par un homme et une femme, tantôt par plusieurs couples, et les danseurs suivent la mesure de l’air avec les plus molles ondulations du corps… C’est vraisemblablement ainsi que jadis Hercule le devait danser, avec son Omphale…

Los panaderos, danse de Séville. — Dessin de Gustave Doré.

« Cependant les rires bruyants et les gais éclats de voix se font entendre ; bientôt les spectateurs eux-mêmes, atteints d’une joyeuse fureur comme dans les atellanes antiques, s’élancent pour jouer à leur tour un rôle actif, et se balancent en suivant les mouvements de la danse.

« Telles sont les délices des habitants de Cadix : ne pensez-vous pas que les danses de l’antiquité, telles que la chordaxa phrygienne, n’étaient auprès de celle-ci que de véritables bagatelles ?

« Et maintenant, ajoute le doyen d’Alicante, blâmez donc la corruption des anciens, et osez louer la réserve de nos mœurs ! »

Outre le bolero, le fandango et autres que nous venons de décrire, nous eûmes l’occasion de voir sur le théâtre de Séville quelques danses particulières à l’Andalousie, telles que la granadina exécutée par une seule danseuse ; les mollares, pas purement sevillan dansé ordinairement par plusieurs couples, et les panaderos, dont le nom signifie littéralement les boulangers, et qui sont dansés tantôt par plusieurs couples comme les mollares, tantôt par une seule bailadora, ce qui est beaucoup plus gracieux. L’air des panaderos, qui est à trois temps, ressemble un peu à celui du zapateado, quoique moins vif, et est souvent accompagné, dans les fêtes andalouses par la guitare et les chants populaires.

Nous venons de passer en revue les diverses danses de l’Andalousie : les autres provinces d’Espagne ont aussi les leurs, d’un caractère différent pour la plupart, mais également gracieuses et intéressantes : les plus fameuses de toutes sont : les seguidillas manchegas.

Ch. Davillier.

(La suite à une autre livraison.)