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Cet état de choses ne s’est pas maintenu dans son intégrité. Des cadets de famille furent préposés à la surveillance, à la garde, puis au service du lieu sacré. Le culte kami, à son tour, eut ses processions, ses litanies, ses offrandes, et même ses images miraculeuses. Toutefois ses prêtres, comme pour conserver la tradition de ses origines, ne formèrent jamais une caste cléricale proprement dite. Ils endossaient le surplis pour célébrer l’office, mais en sortant de l’enceinte du lieu sacré, ils reprenaient leur costume et leurs armes de gentilshommes. Seulement il ne tarda pas à se former au-dessous d’eux une véritable confrérie monastique, celle des Kanousis, qui se voua spécialement au service des pèlerins.

Deux causes principales ont fait dévier le culte kami de sa pureté primitive : c’est, en premier lieu, la fondation du pouvoir des Mikados, et ensuite l’invasion de la religion du Bouddha au sein de la société japonaise.


Les premiers souverains du Japon. — Histoire de Zinmou.

L’histoire du Japon s’ouvre par l’histoire d’un conquérant venu des îles du Sud. Les annales de l’empire en font un prince indigène, seigneur d’un petit territoire à l’extrémité méridionale de Kiousiou. D’obscures traditions lui attribuent une lointaine origine : le berceau de sa famille, si ce n’est le sien propre, aurait été le petit archipel des îles Liou-Kiou, qui semblent relier Formose et la Chine méridionale au Japon.

Déjà, six siècles avant lui, une expédition partie de Formose ou du continent asiatique et conduite par un certain prince Taïpé ou Taïfak, aurait atteint d’île en île la terre de Kiousiou.

Quoi qu’il en soit, c’est de l’an 667 avant Jésus-Christ que date l’avénement du premier personnage historique du Japon, Sanno, dont la mémoire est célébrée sous le nom de Zinmou, que nous lui conserverons.

Bien qu’il fût le cadet de quatre fils, son père le désigna dès l’âge de quinze ans pour son successeur. Il monta sur le trône à l’âge de quarante-cinq ans, sans opposition de la part de ses frères. Un vieux serviteur, qu’une vie aventureuse avait conduit dans les îles lointaines derrière lesquelles se lève le soleil, aimait à lui décrire la beauté de leurs rives, où les dieux mêmes se choisirent autrefois un asile. Maintenant, disait-il, elles étaient habitées par des tribus barbares, en guerre les unes avec les autres. Si le prince voulait profiter de leurs divisions, quelque habiles que fussent leurs hommes d’armes dans le maniement de la lance, de l’arc et du glaive, comme ils n’étaient vêtus que de grossiers tissus ou de peaux de bêtes sauvages, ils ne résisteraient pas à une armée disciplinée et protégée contre leurs coups par des casques et des cuirasses de fer.

Zinmou. — Fac-simile d’une peinture japonaise.


Zinmou prêta l’oreille aux suggestions du vieux serviteur, il réunit toutes les forces dont il pouvait disposer, les distribua sous les ordres de ses frères aînés et de ses fils, les embarqua sur une flotte de jonques de guerre parfaitement équipées, et prenant en main le commandement en chef de l’expédition, il fit mettre à la voile et s’éloigna de sa résidence, ou ni lui ni ses frères ne devaient plus revenir.

Après avoir doublé la pointe sud-est de Kiousiou, il longea la partie orientale de cette île, serrant de près la rive, comme le faisaient nos anciens Normands, opérant des descentes, livrant bataille quand on lui résistait, formant des alliances lorsqu’il rencontrait des seigneurs ou des chefs de clans disposés à concourir au succès de son entreprise.

Il paraissait évident que toute cette côte avait été le théâtre d’anciennes invasions. La population se composait d’une classe dominante et de serfs attachés à la glèbe.

On montrait, dans quelques chapelles de Kamis nationaux, des armes de pierre dont se servaient les peuplades primitives, à l’époque ou elles vinrent en contact, on ne sait par quelles circonstances, avec une civilisation supérieure.

Lorsque Zinmou parut, des murs et des palissades protégeaient les familles et les gens de guerre des maîtres du pays. Ceux-ci étaient armés d’un arc et de longues flèches empennées, d’un grand sabre à la poignée ciselée et d’un glaive nu engagé dans un repli de leur ceinture.

Leur plus grand luxe consistait en une chaîne de magatamas ou joyaux taillés, qu’ils portaient suspendue au côté au-dessus de la hanche droite. On y remarquait des pierres de bézoard, du cristal de roche, de la serpentine, du jaspe, de l’agate, des améthystes, des topazes : les unes présentant la forme d’une boule ou d’un œuf, d’autres la figure d’un petit cylindre, d’un croissant, d’un anneau brisé.