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une vingtaine de sectes reconnues, dont la plus nombreuse comptait 159 113 adhérents, et la plus faible, qui était une sorte de confrérie bouddhiste, 289 membres seulement.

Il ne faut pas s’imaginer que cet énorme développement de la vie sacerdotale dans la capitale du Japon ait eu pour effet d’en rendre le séjour morose, ni d’imprimer aux mœurs publiques un cachet d’austérité. C’est tout le contraire qui est arrivé. Les relations et les tableaux que l’on possède de Kioto telle qu’elle était dans les temps de sa prospérité, laissent absolument l’impression d’un immense carnaval.

Figurons-nous que nous approchons de la ville sainte à l’heure du coucher du soleil : déjà l’oreille est réjouie d’un concert d’instruments qui semblent annoncer le voisinage d’un vaste champ de foire. Sur toutes les collines, également envahies par des bosquets sacrés, des temples et des couvents, les bonzes et les moines célèbrent l’office du soir, à coups répétés de grosses caisses, de tambourins, de gongs de cuivre et de cloches d’airain.

Les faubourgs s’illuminent de lanternes de papier aux couleurs éclatantes ; il y en a de toutes dimensions : les plus gigantesques sont de forme cylindrique et luisent parmi les colonnes des frontispices des temples ; les plus petites, semblables à des globes, sont suspendues aux portes des auberges et aux galeries des maisons de plaisir. Les édifices sacrés et les établissements profanes qui participent à cette illumination sont en nombre si considérable et se touchent de si près, que tout le quartier semble être le théâtre d’une fête vénitienne.

Musiciens de la chapelle pontificale à Kioto. — Dessin de Émile Bayard d’après un croquis japonais.

Au sein de la cité même, une foule compacte de personnes des deux sexes circule devant les étalages des boutiques, sur les trottoirs des longues rues qui s’étendent du sud au nord jusqu’aux environs du daïri. Les prêtres y sont en grand nombre. Ceux du culte kami portent une petite calotte de carton, laqué en noir, surmontée d’une sorte de cimier de même couleur traversé d’une mince croix blanche. L’on y ajoute, en forme d’appendice, un ruban fortement empesé, attaché derrière la tête, et qui retombe sur la nuque avec la roideur d’un ressort. C’est une ancienne coiffure nationale qui n’est pas l’apanage exclusif des prêtres, mais que l’on retrouve, avec certaines modifications prescrites par les lois somptuaires, dans les dix-neuf classes officiellement attitrées de la population de Kioto. Une ample simarre, un pantalon bouffant et un grand sabre recourbé, qui n’est probablement qu’une arme de parade, complètent le costume de ville des desservants des temples kamis.

Tous les membres du clergé bouddhiste, les réguliers