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aussi bien que les séculiers, ont la tête rasée et complétement nue, à l’exception de certains ordres qui s’affublent d’un chapeau à larges bords. Les soutanes grises dominent généralement, mais l’on en voit aussi de noires, de brunes, de jaunes et de rouges, quelquefois accompagnées d’une écharpe, d’un plastron ou d’un surplis.

Kioto possède même de saints ermites, qui ont fait choix de la capitale pour se retirer du monde. Les citadins, reconnaissants, transforment les cellules de leurs cénobites en petits greniers d’abondance. Il en est une, des plus mystérieuses, qui est taillée dans une haute paroi de rocher et habitée l’on ne sait par qui ni comment ; mais une ingénieuse poulie fait descendre et remonter très-régulièrement les corbeilles aux provisions par-dessus un grand étang qui sépare le rocher de la voie publique (voy. p. 55).

Une cloche à Kioto (voy p. 55). — Dessin de H. Catenacci d’après un croquis Japonais.

La mendicité, exploitée comme profession sainte, s’étale, à toutes les heures, dans toutes les rues de la ville. Ici, des frères quêteurs, des moines mendiants font résonner sur le pavé une crosse surmontée d’anneaux de métal ; là, ils agitent une clochette ou frappent du marteau sur un timbre attaché à leur ceinture ; quelques-uns déclament en montrant des reliques ; d’autres poursuivent les passants de monotones litanies.

Des jongleurs, des saltimbanques, des comédiens de carrefours sollicitent, de leur côté, l’attention du public, au moyen d’une musique assourdissante de fifres et de tambourins.

De toutes les maisons de thé s’échappent des sons de guitares et de joyeux éclats de voix. Les théâtres et les quartiers spécialement affectés aux lieux de plaisir sont ouverts toute la nuit.

C’est là que se donnent rendez-vous les jeunes gentilshommes de la résidence, pour terminer, à l’aube du lendemain, une journée passée dans la domesticité de la cour, ou dépensée entre le manége, les courses de chevaux, les jardins de tir à l’arc, le jeu de paume et les maisons de thé de la banlieue.

Clefs et maillet sacrés. — Dessin de Catenacci d’après un croquis japonais.

Outre le théâtre populaire, où l’on joue la comédie bourgeoise et l’opéra-féerie, il y a le théâtre de la cour, qui est bien la chose la plus étrange et la plus inexplicable qui se rencontre au Japon. Rôles, costumes et décors, tout y est conventionnel, comme la tragédie classique sous Louis XIV, avec « madame » Phèdre, Agamemnon en perruque, et Achille à hauts talons. Seulement, sous l’enveloppe conventionnelle de nos