Page:Le Tour du monde - 14.djvu/61

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purifié, le mikosi n’y rentre qu’après cette opération, et pendant toute la fête, qui dure plusieurs jours, il reste abrité sous un reposoir spécialement construit à cet usage et dûment protégé contre les malins esprits : s’ils essayaient, en effet, de franchir les cordes de paille de riz qui entourent l’enceinte sacrée, ils s’exposeraient à recevoir des ondées d’eau bénite bouillante, dont on asperge de temps en temps la demeure du Kami, et malheur à ceux qui voltigeraient dans les airs à portée de sa garde d’honneur, car les prêtres qui la composent sont d’agiles cavaliers et d’habiles archers ; le peuple applaudit à leurs évolutions et suit des yeux avec admiration les flèches qu’ils lancent dans les nues et qui toutes retombent dans l’intérieur de l’enceinte.

Danse pantomime à la cour du mikado. — Fac-simile d’un dessin japonais.

Telles sont les cérémonies qui étaient censées donner à la fête la consistance d’un acte de dévotion. L’on comprend que ce n’est point à celles-là que j’ai fait allusion en parlant de l’influence du culte kami sur le développement du goût dramatique de la nation. À côté de ces jongleries puériles, il y avait ce que nous pouvons appeler le cortége historique, grande procession de prêtres masqués et costumés, exécutant, dans les stations, diverses scènes empruntées à la vie de leur héros. Ces représentations théâtrales en plein air étaient accompagnées de musique, de chants et de danses pantomimes. Les beaux-arts et la poésie se faisaient les interprètes des traditions nationales, et le peuple, accouru en foule, recevait avec avidité cet enseignement patriotique. Quelquefois on le rehaussait d’une exposition de trophées d’armes ou de groupes de figures d’argile reproduisant les traits et portant les costumes traditionnels des principaux Kamis. On les disposait sur des chars ou sur des échafauds de forme pyramidale, où l’on trouvait aussi moyen de représenter tel bâtiment, tel pont, telle jonque, tel lieu sacré, illustrés par les héros dont on célébrait la mémoire.

Dans l’origine, ces fêtes anniversaires, que l’on nomme matsouris, étaient limitées à un petit nombre de villes, les plus anciennes de l’empire. Huit provinces seulement avaient l’honneur de posséder des Kamis. À dater du dixième siècle, chaque province, chaque district, chaque endroit de quelque importance voulut avoir son