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héros, son céleste patron. Finalement le nombre des Kamis honorés au Japon s’éleva à trois mille cent trente-deux, parmi lesquels, à la vérité, l’on trouva convenable de faire une différence en faveur des plus anciens. L’on en compta quatre cent quatre-vingt-douze, qui furent désignés sous le titre de grands Kamis, et les autres reçurent le nom de Kamis inférieurs.

Dès lors il y eut des matsouris sur tous les points du Japon, et d’un bout à l’autre de l’empire se répandit le goût des récits héroïques et des jouissances artistiques alliées à l’amour de la patrie et des mâles vertus.

Sous ce rapport la religion nationale du Japon n’a pas été stérile. Il en est resté quelque chose, car elle a créé un peuple qui possède universellement le sentiment du patriotisme, un empire qui n’a jamais connu le joug de l’étranger, et un gouvernement qui, même de nos jours, a conservé dans ses relations avec les plus puissants États des deux mondes, son entière autonomie.


La littérature du Japon. — Une femme poëte. — Le grand siècle littéraire.

L’illustre empereur Schi-hoang-ti, qui occupa le trône de la Chine de l’an 246 à l’an 209 avant J. C., lorsqu’il eut atteint le faîte de sa puissance, jeta un regard d’envie sur les îles du Japon. Ce qu’il y cherchait, ce n’était point un nouvel agrandissement de sa domination. Il avait reculé jusqu’à leurs dernières limites les frontières du Céleste-Empire. Il venait de les mettre à jamais à l’abri des invasions en les entourant de la grande muraille qui témoigne encore aujourd’hui du caractère prodigieux de son règne. Tous ses ennemis étaient écrasés. Il ne restait plus de trace de la féodalité. Entre le pouvoir impérial absolu et le peuple, entre le Fils du Ciel et les centaines de millions de ses sujets, il n’y avait plus rien. L’opposition même des lettrés était brisée, les livres des philosophes avaient été réduits en cendres. Néanmoins l’ambition de Schi-hoang-ti ne pouvait se satisfaire. Rassasié de bonheur et de gloire, il se sentait dévoré de la soif de l’immortalité. Ayant appris que l’on trouve sur le sommet d’une montagne du grand Nippon une plante dont la racine a la propriété de prolonger l’existence humaine, il dépêcha au Japon l’un de ses favoris, le prudent Sjofou, avec ordre de lui procurer cette herbe merveilleuse.

L’inspiration. — Dessin de Staal d’après une vignette japonaise.

L’émissaire impérial visita les côtes de la mer intérieure sans découvrir l’objet de ses recherches. Quand il fut parvenu dans la contrée de Ksiou, sur la terre de Nippon, il s’y établit avec les gens de sa suite, abandonnant son empereurs à la fatale destinée qui tôt ou tard surprend tous les hommes. Ni lui ni ses compagnons ne retournèrent dans leur patrie. C’est par eux que les Japonais ont reçu leurs premières notions sur la Chine.

Cependant le mikado ne voulut pas s’en tenir aux récits qu’on lui rapportait de la colonie de Ksiou. Il envoya une ambassade au chef même du Céleste-Empire pour lui demander une copie des annales de sa cour. Non-seulement il obtint les précieux volumes, mais on lui donna des lettrés chargés de les interpréter. Bientôt l’on enseigna la langue chinoise dans la résidence du mikado, et, les relations se multipliant entre les deux souverains, il fut de bon ton à la cour japonaise de faire usage de caractères chinois dans le style noble et le style lapidaire, ainsi que de citer des passages des classiques, et de composer des poésies dans le goût des lyriques de la Fleur du Milieu.

La Chine exerça donc sur le Japon une influence littéraire que l’on peut comparer, sous toutes sortes de réserves, à l’action de la culture hellénique sur les peuples de l’Occident.

Lorsque l’héroïne Zingou eut soumis la Corée, elle en rapporta une grande quantité d’œuvres de la littérature chinoise, des livres de la religion bouddhiste, des