Page:Le Tour du monde - 15.djvu/104

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mense à la robe jaune tachetée d’îles vertes, est magnifique à contempler. En tournant le dos au fleuve et regardant dans la partie de l’ouest-sud-ouest, on voit par une suite d’ondulations de plus en plus marquées, la colline de São Pablo rejoindre à quarante lieues de là, les derniers versants de la Sierra de Cuntamana sur l’Ucayali. Ce chemin de traverse, si court et si direct, fait regretter au voyageur les trois cents lieues par eau qu’il vient de faire, pour passer du pays des Sensis à celui des Omaguas.

Avant de devenir ville d’Olivença et capitale du Haut-Amazone, São Pablo fut une humble Mission que les Carmes portugais avaient affectée aux Indiens Ticunas. La date de sa fondation remonte à l’année 1692. D’abord située sur la rive gauche de l’Amazone, elle changea deux ou trois fois de site sur cette même rive, puis traversa le fleuve et vint s’établir sur sa rive droite près du ruisseau Comatia, où, sous la double invocation de São Pedro et São Pablo, elle exista pendant quelques années. Élevée au rang de ville, par un décret de Joachim de Mello das Povoas, premier gouverneur de la province du Rio Negro, elle joignit au nom de São Pablo celui de Olivença, et fit de São Pedro un faubourg. Ce qui restait de la nation Ticuna, fort amoindrie par le régime des Missions, l’usage du poisson salé, et la contagion des bexigas (petite vérole), fut relégué dans le faubourg où quelques-uns de leurs descendants habitent encore.

Pour peupler la nouvelle ville, on fit main basse sur des Indiens Umaüas ou Cambebas, dont le territoire, après avoir embrassé deux cents lieues de fleuve, était borné à cette heure aux seules îles de Jahuma, Calderon et Capiahy, sur lesquelles les débris de cette nation s’étaient réfugiés pour échapper à l’action dissolvante de la conquête portugaise.


Métis Brésiliens de São Pablo d’Olivença.

Venus jadis de l’hémisphère nord, comme le témoignent leur civilisation avancée, leurs notions des arts manuels et leur costume évidemment emprunté, comme celui des Incas, aux anciens Mexicains, les Umaüas, après un séjour probable de plusieurs siècles au pied des Andes du Popayan et dans la Nouvelle-Grenade, s’étaient dirigés vers les sources du Japura où une tribu de leur race existe de nos jours sous le nom de Mesayas ; de la rivière Japura, ils étaient passés plus tard dans l’Amazone. Appelés tour à tour Aguas, Em-Aguas, Om-Aguas[1], selon les contrées qu’ils avaient traversées dans leurs migrations vers le sud, les Umaüas en s’établissant au Brésil, prirent eux-mêmes ou reçurent peut-être, de la grande nation des Tupinambas, alors maîtresse d’une partie de l’Amazone, le surnom de Iacanga-peüa (tête plate), par allusion à leur coutume de s’aplatir la tête. De ces deux mots de l’idiome Tupi, les Portugais firent plus tard, un peu par élision, un peu par corruption, le mot Cambehuas, puis Cambebas par lequel ils désignèrent la nation des Umaüas, que les Quechuas du Pérou appelaient Omahuas, et que les Espagnols nommèrent Omaguas.

Un quart de siècle environ s’était écoulé depuis la capture des Umaüas établis sur les îles Jahuma, Calderon, Capiahy, et leur transformation en citoyens de São Pablo d’Olivença, lorsque les Jésuites espagnols qui voyageaient sans cesse en pays brésilien, pour y recruter le personnel de leurs Missions, firent une descente à São Pablo et s’emparèrent d’une moitié des Umaüas qui peuplaient cette ville ; l’autre moitié se sauva dans les bois et ne reparut qu’après le départ des flibustiers

  1. Une tribu du nom d’Omahas existe encore sur les rives du Missouri, dans l’Amérique du Nord.