Page:Le Tour du monde - 15.djvu/212

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teurs. On voit plusieurs supplices figurer dans un même cadre, mais l’honneur des premiers plans est réservé au martyr le plus célèbre. Ces fresques sont de Pomarancio et de Tempesta ; je les trouve fort médiocres ; mais c’est à faire frémir comme tortures. Tout ce que l’imagination peut rêver de plus atroce, est représenté là avec une exactitude aussi scrupuleuse que possible ; dents arrachées, membres coupés, seins déchirés, corps déchiquetés, brûlés, disloqués, roués, écrasés, rôtis, bouillis, pendus, noyés ; instruments plus hideux que le reste : puits, cordes, pierres, couteaux énormes, vrilles, tenailles, scies, roues dentelées, chevaux pour écarteler ; c’est horrible ! Il y a surtout deux ou trois martyrs plus hideux que les autres et que je recommande aux amateurs d’émotions fortes. C’est sainte Agathe, dont on brise les dents avec d’énormes tenailles, pendant qu’avec des griffes de fer rougi on lui arrache les deux seins ; le sang coule et la chair fume. Un autre martyr dont j’ignore le nom est attaché, étendu sur une tablette, et on lui a découpé la chair en tranches parallèles jusqu’aux os mis à nu. — Un troisième martyr est pressé entre deux énormes pierres de taille ; tout craque, crève et jaillit ; la figure se déforme hideusement ; les yeux sont déjà projetés sanglants, hors de leurs orbites. Ces horreurs sont situées dans un des plus adorables carrefours de Rome antique, au milieu de la verdure et des murs en briques rouges que dominent les arbres en fleur ; on est le plus souvent seul dans ces ruelles éloignées, et au-dessus de ces vieux murs qui vous environnent on aperçoit les sommets de quelques-uns des édifices du Forum.


Groupe de l’ancien cortége de Latran. — Dessin de Crépon d’après Picart.


SAMEDI AVANT LES RAMEAUX.


Le Latran. — Son ancien cortége. — L’Escalier saint. — Les palmes. — Les mendiants.

Aujourd’hui, dès le matin, j’étais en route pour le Latran ; beau chemin, au reste, de chez moi à la basilique ; d’abord de larges rues bâties jusqu’à Sainte-Marie Majeure, descendant et montant tour à tour ; puis un chemin moitié ville, moitié campagne, bordé de jardins, planté d’arbres, qui conduit sur la place du musée du Latran. Cette place, vaste, irrégulière, bordée d’un côté par le musée, de l’autre par un hôpital, et dont Saint-Jean de Latran et le Baptistère de Constantin forment le fond, est une des plus pittoresques de Rome ; les constructions un peu froides du Palais du Latran forment contraste avec le portique ouvert de la basilique, au-dessus duquel s’élève un clocheton carré très-coquet ; les pavés sont à demi envahis par l’herbe ; c’est grand et solitaire. Ce n’est pas de ce côté que se trouve la façade officielle du Latran ; celle-ci est une lourde maçonnerie élevée par ordre de Clément XII :