Page:Le Tour du monde - 15.djvu/226

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tion spéciale, la Congrégation des reliques, classe les reliques, les discute et les distribue. On trouve souvent des reliques nouvelles, surtout dans les catacombes. Lorsque l’on croit avoir découvert les restes de quelque martyr, la congrégation examine si, d’après l’étude des faits, il y a lieu de les admettre au nombre des objets vénérés ; si sa décision est favorable, elle les baptise et leur choisit un nom lorsqu’il a été impossible de retrouver le véritable.

Ce n’est pas une sinécure que cette fonction de membre de la congrégation des reliques. Il arrive des pétitions innombrables de tous les pays du monde pour solliciter quelques-uns de ces témoignages sacrés. Il est excessivement difficile d’obtenir des reliques majeures telles que celles de Jésus-Christ, à moins d’une protection très-haute et très-influente. Quant aux reliques moins exceptionnelles, il est plus permis de les espérer. Le postulant doit envoyer un reliquaire, sans lequel on ne répond pas à sa pétition, et il doit payer aussi le prix des « authentiques ». Les authentiques sont le certificat délivré en même temps que les reliques ; elles constatent le nom du martyr, le nom du postulant, et portent, avec la date de la délivrance, la signature d’un ou plusieurs membres de la congrégation. Il faut ajouter que ces frais de reliquaire et de certificat sont extrêmement modiques.

Le jeudi avant les Rameaux, on expose, à la Custode du Vicariat, près l’église Saint-Augustin, les reliques des martyrs découverts dans le cours de l’année précédente. Le temps de la semaine sainte est propice pour les personnes qui désirent assister à des ostensions de reliques. L’annuaire de M. l’abbé de Montaut dit que : Le jour de Pâques, on expose à Saint-Jean de Latran, trente-deux reliques dont quelques-unes majeures de Jésus-Christ ; — À Sainte-Marie-Majeure, vingt-quatre reliques ; À Sainte-Praxède, dix-neuf reliques ; — Le lundi de Pâques, à Saint-Pierre, cent-dix reliques importantes. De plus les mercredi, jeudi et vendredi saints à Saint-Pierre, on expose les grandes reliques de la Passion dont je te parlerai demain ou après demain. Aujourd’hui je me dirigeai vers Saint-François in Ripâ.

Lorsque l’on entre à Rome par le Transtevère, entre le Tibre et la porte Saint-Pancrace, on passe devant l’église et le couvent de Saint-François in Ripâ ; une rue droite et assez large les relie à l’église Sainte-Marie in Transtevere, et, des hautes terrasses de Saint-Pierre in Montorio, la vue plonge dans la cour du cloître entouré de ses arcades. On visite, dans le couvent, la chambre où vécut saint François d’Assise, et l’on y montre quelques reliques de Jésus-Christ. — Dans le jardin attenant au couvent, le voyageur a la permission de cueillir quelques feuilles de l’oranger au pied duquel saint François s’asseyait souvent.

Il y a trois arbres célèbres à divers titres et dont le visiteur peut emporter ainsi quelques feuilles : cet oranger de saint François à Saint-François in Ripâ ; le chêne du Tasse à Saint-Onuphre sur le Janicule ; et l’oranger de-saint Dominique à Sainte-Sabine sur l’Aventin ; à côté de ce dernier, aux branches vieilles et à demi creuses, on en montre un petit, jeune, vigoureux, planté, il y a peu d’années, par le Père Lacordaire.

Quoique l’église de Saint-François in Ripâ ne puisse lutter, comme importance de reliques, avec Saint-Pierre par exemple, ni même avec les autres basiliques, cependant elle en possède un très-grand nombre. Chaque couvent fait l’exhibition de ses reliques de la manière qu’il croit la meilleure ; ici elles sont placées dans une sorte d’armoire ou crédence vitrée, que le custode fait doucement tourner sous les yeux des visiteurs.

De Saint-François in Ripâ, je gagnai le Ponte Rotto, puis la petite place Santa-Maria in Cosmedin ; rien n’est joli comme ce coin désert ; des glycines couvrent les murs ; Santa-Maria élève son petit clocher carré, coquet, incrusté de quelques poteries vitrifiées ; en face, on voit une fontaine élégante et le temple de Vesta, sous lequel passe la Cloaca maxima. Une réflexion assombrit le soleil éclatant qui éclaire cette place ; elle sert aux exécutions capitales, et cette idée est désagréable au milieu de ce paysage où les oiseaux s’ébattent en paix, dérangés, seulement quelques heures par jour, par des curieux qui passent en voiture, ou par quelques fantassins faisant mélancoliquement l’exercice.

Je continuai ma route en laissant à ma droite l’Aventin et les restes colossaux des Thermes de Caracalla ; peu après je me trouvai à la porte Saint-Sébastien et hors des murs de Rome. J’allai à la basilique Saint-Sébastien voir l’empreinte des pieds de Jésus-Christ et quelques galeries des catacombes.

Du Forum à la porte Saint-Sébastien, les quartiers ne sont qu’une vaste solitude. On a peine à s’imaginer qu’il y a quelques siècles c’était là le quartier riche, élégant, auquel la voie Appienne venait aboutir ; on passe devant le tombeau des Scipions, devant la vallée d’Egérie ; tout cela est clos de petites portes sur le pas desquelles se tiennent les custodes prêts à guider les voyageurs. L’arc de Drusus sert de porte, à demi enclavé dans la muraille ; je le passe et me voici sur la fameuse voie Appienne. Ce n’est que beaucoup plus loin que cette voie célèbre est pittoresque, là seulement où, dégagée de ses clôtures, elle laisse autour d’elle apercevoir la campagne romaine. Pendant un long espace, elle est bordée de murs qui la rendent fort ennuyeuse ; quelques voyageurs tremblent, dit-on, d’y rencontrer des brigands italiens ; mais on n’y voit que des conducteurs de bestiaux, des ouvriers fort inoffensifs, parfois une de ces charrettes pittoresques traînées par de gros buffles noirs aux cornes recourbées, à l’air mécontent.

Un peu avant d’arriver à l’ancienne voie Ardéatine, il faut se retourner. Les murailles de Rome se développent depuis la porte Saint-Paul jusqu’à Sainte-Croix-de-Jérusalem ; aux premiers plans, les grandes prairies romaines ondulent toutes bossuées, chargées de cultures, de vignes, de constructions chétives mais pittoresques, et derrière les murs apparaissent les sommets des édifices de Rome. La villa Matteï, sur la gauche, étend ses terrasses ; et, à droite, Saint-Jean-de-Latran semble