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ciation, d’après le Barrochio, et que l’on suspend au-dessus de l’autel.

Il y a un certain nombre d’années, dans les grandes cérémonies, on décorait les murs de la Sixtine avec les tapisseries dites de Raphaël, et exécutées sur ses dessins ou cartons dont la plus grande partie est au musée de Hampton-Court. Ces tapisseries, conservées avec soin, ont été réunies dans une des galeries du Vatican, à côté de la galerie des Cartes ; elles sont ainsi plus à l’abri de la destruction, mais la Sixtine perd, dans les grandes fêtes, un de ses plus beaux ornements.

Les dispositions étaient les mêmes que celles du jeudi saint. La splendeur des costumes était merveilleuse ; les cardinaux étaient revêtus de la cape rouge qui est d’un si bel effet.

Au Gloria, les cloches, muettes depuis le jeudi, se font entendre ; un clerc sort de la sacristie et vient donner au pape l’alleluia, et les suisses, les massiers et les gardes nobles, qui portaient depuis la veille leurs hallebardes, leurs masses et leurs épées inclinées vers la terre, les relèvent en signe de triomphe.

À chaque partie de la messe, il y a un contraste très-frappant entre les chants purement liturgiques et la reprise des chœurs des chapelains chantant la musique de Palestrina ; aujourd’hui les chœurs ont été très-remarquables ; ou eût dit que pour la messe du pape Marcel, ils s’étaient piqués d’honneur. L’atmosphère était moins étouffante qu’aux Ténèbres du soir, et cette condition de température est à mettre en compte quand il s’agit de voix humaines réunies dans un espace relativement étroit et exécutant une musique à intonations difficiles.

Ces chœurs occupent une tribune grillagée et dorée, prise en partie dans le mur latéral de droite, en regardant le Jugement dernier ; près d’eux est la séparation qui divise les deux espaces réservés, l’un au public, l’autre au clergé placé dans une sorte de carré, distribué comme suit : au fond, au milieu, est l’autel ; à gauche, appuyé au mur latéral, est le trône du Saint-Père. Près ce dernier, à sa gauche et à sa droite, sont deux diacres ; au fond, entre le trône et l’autel, se tiennent le sacristain portant la croix pontificale, les patriarches et les évêques assistants ; sur les marches du trône est assis le prince assistant ; au fond, à droite de l’autel, sont les chapelains du cardinal célébrant ; devant l’autel est le cardinal officiant, avec le diacre et le sous-diacre ; en avant encore, la maison du pape ; puis, à certaine distance, bordant la chapelle et regardant le trône et l’autel, sont les siéges pour les cardinaux, les ambassadeurs, les supérieurs d’ordres, le gouverneur de Rome. Chacun de ces hauts dignitaires est accompagné d’un ou deux caudataires ou servants dont les costumes plus simples concourent néanmoins à la splendeur colorée de la chapelle.

Encore un dernier mot sur les chanteurs. Leur nombre est environ de trente à trente-cinq, répartis dans cette proportion : deux basses et deux contraltos pour un ténor et un soprano ; les basses sont parfois superbes et descendent, dit-on, comme les basses russes, jusqu’à l’ut grave. Les parties élevées sont exécutées par des soprani et des ténors qui se sont fait une voix de faucet, et s’exercent à reproduire les effets si vantés de la musique des siècles derniers.

Quelques voyageurs quittent la Sixtine pour aller au Latran, où, le samedi matin, ont lieu — l’ordination, dans la Basilique, — et le baptême des convertis, dans le baptistère de Constantin. Après ces cérémonies, on expose les reliquaires contenant les têtes de saint Pierre et de saint Paul.

À la basilique Saint-Pierre, il y a la bénédiction du feu nouveau et des fonds du baptême ; ces cérémonies sont intéressantes ; mais qui peut se résoudre à quitter la Sixtine, surtout quand on peut y entendre la messe du pape Marcel ?

La journée du samedi saint pouvait être considérée comme terminée après la messe de la Sixtine ; mais il y a cependant encore diverses cérémonies auxquelles le voyageur peut et doit vouloir assister ; les plus intéressantes sont la bénédiction à domicile et l’audience solennelle du pape. Le mot de « cérémonie » est impropre pour désigner cette réception officielle des fidèles par le Saint-Père ; mais parmi les voyageurs qui tous à l’envi cherchent à être admis, cette audience du samedi a pris rang parmi les cérémonies de la semaine sainte.

Il est difficile de se figurer les nombreuses et instantes demandes que font les voyageurs pour avoir des lettres d’entrée à cette audience pontificale. À cette époque de l’année, les journées du Saint-Père sont si laborieuses et le nombre des pétitions est si considérable, qu’il n’y a pas à songer à demander une audience particulière. Même en temps ordinaire, l’audience particulière est difficile à obtenir ; afin d’éviter les importunités inutiles, il est d’usage de ne plus en accorder que sur une demande apostillée par un personnage influent et connu à Rome. La réponse est apportée à domicile, et contient l’indication du jour et de l’heure à laquelle le pétitionnaire sera admis près du Saint-Père ; l’admission n’est autorisée que pour les personnes spécialement et nommément indiquées dans la lettre de demande et dans la réponse envoyée. S’il n’y a que des hommes, le pape reçoit dans ses appartements du Vatican ; s’il doit recevoir des dames, il donne audience dans une petite galerie, à l’angle de la rampe des jardins du Vatican, du côté de la Sixtine ; située dans l’étage supérieur à celui de l’appartement Borgia, cette galerie est juste au-dessus de celle qui contient les Noces Aldobrandines. Pour y arriver, on monte l’escalier royal, on passe sous la Sixtine au travers des contreforts qui la soutiennent au nord ; puis, après un circuit assez long, on arrive, guidé par un valet habillé de rouge, dans les salons qui font suite aux chambres de Raphaël. Le salon où l’on attend contient deux grandes peintures modernes représentant, l’une, la canonisation des martyrs japonais dans Saint-Pierre, l’autre, l’écroulement du cloître de Sainte-Agnès hors les murs, la où le pape, le sacré-