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Côte de Corée. — Dessin de Th. Weber, d’après une photographie.


VOYAGE EN CORÉE,

PAR M. CHARLES VARAT[1],
EXPLORATEUR CHARGÉ DE MISSIONS ETHNOGRAPHIQUES PAR LE MINISTÈRE DE L’INSTRUCTION PUBLIQUE.
1888-1889. — TEXTE ET DESSINS INÉDITS.


I

La Corée ouverte. — Tchéfou. — Visite au consul. — Le départ. — Comment je rencontrai un prince coréen et ce qui en advint. — Tchémoulpo. — En route. — Arrivée à Séoul. — Un hôtel japonais. — À la légation de France. — Ma vie séoulienne. — Organisation administrative et sociale de la Corée. — Topographie de la capitale et de ses environs. — Ses monuments. — Télégraphie lumineuse, postes, etc. — Nos représentants.


La Corée était naguère si absolument fermée au reste du monde, qu’en dehors des ambassades chinoises annuelles, sévèrement contrôlées à la frontière du Canard Vert, nul ne pouvait y pénétrer sous peine de mort. Les Pères missionnaires bravèrent les premiers cette interdiction barbare et parvinrent à franchir, durant la nuit, le fleuve qui forme la frontière, que de nombreux douaniers gardaient avec un soin féroce. On dut bientôt renoncer à ce passage ; le gouvernement coréen, informé de la violation de son territoire, avait dressé des chiens à la poursuite des étrangers. Ce fut dès lors sur des jonques, montées par des chrétiens chinois, que les Pères, abrités par les îles de la côte, purent accoster les barques de leurs futures ouailles, qui, au péril de leur vie, introduisaient les missionnaires dans le pays. On les dérobait à tous les regards au moyen du costume d’orphelin coréen dont l’immense chapeau voile entièrement le visage, et dispense, vu les rites du grand deuil, de toute question indiscrète. Aujourd’hui, grâce aux traités conclus, un simple passeport nous suffit pour pénétrer en Corée : par terre, en franchissant à la frontière chinoise le Ya-lou-kiang, en coréen Ap-nok-hang, ou à la frontière russe, le Mi-kiang, en coréen le Touman-hang ; par mer en se rendant de Nagasaki à Fousan, Gensan et Vladivostok, ou réciproquement ; enfin du golfe de Pe-tchi-li en s’embarquant à Tchéfou pour Tchémoulpo. Je choisis cette dernière route ; elle mène plus directement à la capitale, point de départ, mieux encore centre des études ethnographiques que je voulais faire.

Je quittai donc la grande ligne des Messageries maritimes allant de Marseille à Yokohama, pour prendre à Chang-haï un des steamers qui mènent à Pékin, par

  1. Ce récit de voyage n’est qu’un fragment du volume que M. Charles Varat doit publier prochainement sur la Corée. Ce volume sera divisé en trois parties : la première résumera les travaux dont ce pays, si peu connu, a jusqu’ici été l’objet ; la seconde contiendra le récit même du voyage, que nous donnons aujourd’hui ; dans la troisième, enfin, l’auteur se propose de déterminer, tant d’après ses observations personnelles que d’après les travaux de ses devanciers, la personnalité ethnique du peuple coréen. C’est donc seulement la partie anecdotique que nous détachons à l’avance du travail de M. Varat ; elle fera, certainement, pressentir tout l’intérêt du reste.