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Nous entrons dans la vallée Haing-tong et traversons un affluent du Nak-tong-kang, le Tong-kang-tchou, qui coule calme et paisible. De-ci de-là nous rencontrons quelques nobles mais pauvres Coréens se livrant aux douceurs de la pêche à la ligne, qu’ils comprennent d’une façon toute particulière.

Tout poisson pris est aussitôt dépouillé de ses écailles, plongé vivant dans une excellente sauce aux haricots et mangé de suite par notre pêcheur, qui continue ainsi philosophiquement pendant des heures sa pêche et son déjeuner.

En Extrême-Orient certains poissons crus sont exquis ; j’en ai moi-même mangé au Japon, et leur agréable souvenir réjouit encore mon palais.

Nous passons ensuite par Smo-tang, Oung-ouen-y, Tol-ko-kai, Ouen-tchon, Hai-ping, Tchang-thaï, Tchang-nai, Savane, mal-sai-tchang-tchang, où nous traversons un second affluent du Nak-tong-kang, le Tong-kang-soul, qui, comme tous les fleuves et les rivières de la Corée, est peu navigable, par suite du manque de profondeur et des rochers fort dangereux créant des rapides infranchissables. Aussi la navigation comme transport de marchandises n’existe pas : seules de légères barques se livrent à la pêche en effrayant le poisson pour le forcer à s’enfuir vers des filets préparés à l’avance. La pêche fluviale, excellente et très abondante, nourrit une grande partie de la population coréenne, qui mange indifféremment le poisson frais, sec ou conservé de toutes autres façons. Nous rejoignons ensuite un troisième affluent du Nak-tong-kang, le Tong-kang-kol ; cette rivière, comme presque tous les fleuves et cours d’eau de la Corée, gèle complètement en hiver. Alors, pour se livrer à la pêche, on fait dans la glace des trous qu’on entoure en partie de filets, puis, courant et frappant partout, on amène ainsi les poissons effrayés vers les filets qu’on a tendus. La glace atteint toujours une grande épaisseur, car les maxima de chaleur ou de froid sont environ de + 35° à - 35°, Aussi en hiver se sert-on en Corée, particulièrement dans le nord, de traîneaux et de patins à raquettes, dont les Coréens sont très fiers, car ils leur doivent une de leurs grandes victoires sur les Chinois. Nous quittons la rivière et passons par Ko-tchang-mou, où, après avoir franchi la colline Kong-tek-v, Song-tong, de Tchin-san, nous regagnons enfin le Nak-tong-kang.

Poulailler suspendu. — Dessin de F. Courboin, d’après un croquis.

Le fleuve s’étend devant nous, large d’environ 400 mètres, mais sans profondeur. Nous procédons pour le traverser à l’embarquement de nos chevaux et de nos bagages sous les veux de nombreux enfants complètement nus qui suivent curieusement nos évolutions. J’en profite pour prendre quelques notes anthropologiques, que je résume ici brièvement : tous ces garçonnets et fillettes sont sveltes et admirablement proportionnés. La tête brachycéphale, de grosseur moyenne, est légèrement relevée en arrière, et supportée par un cou très élégant ; les cheveux, d’un brun très foncé, ont des reflets roux ; les yeux, noirs et luisants, étincellent de gaieté ; le nez et le menton sont petits, comme les mains et les pieds, dont les attaches, très fines, ont une rare distinction ; les bras et les jambes se dessinent dans d’exquises proportions ; tout le corps est admirablement cambré, la poitrine se projette en avant et les reins ont une courbe fort gracieuse. L’ensemble de tous ces petits corps est d’une rare perfection esthétique ; il y a là notamment une petite fille d’une dizaine d’années dont le corps chaudement coloré par le soleil semble être une réduction Collas de la Diane de Houdon.

De cette étude d’anthropologie infantile il semble résulter pour nous que les enfants, comme la masse des classes moyennes, se rapprochent absolument du type toungouse, fort différent, comme je le montrerai dans mon ouvrage, du type des hautes classes sociales et de celui non moins caractéristique des classes infimes.

Après avoir heureusement opéré notre passage nautique, nous continuons notre route et atteignons bientôt une série de collines se dressant à pic de chaque côté du fleuve, que nous suivons à mi-côte. Tantôt il roule à nos pieds calme et tranquille, tantôt tumultueux il se brise à travers les rochers détachés du flanc des coteaux. La nuit vient, et c’est éclairés par des torches que nous suivons l’étroit sentier au bas duquel le moindre faux pas nous précipiterait dans le fleuve. Heureusement qu’au bout d’une heure de ce périlleux trajet nous quittons enfin le Mak-tong-kang pour regagner la plaine et arriver, sous une pluie d’étincelles, au village où nous devons passer la nuit.

Le lendemain et les jours suivants, nous passons successivement par Morai-tong-y, Tong-hai, Tchang-na-y, Nam-tchang-mo-ran, De-nai et Kam-tong, vallée qui nous conduit à Ho-kong-nai et Sam-thang à celle de Mam-tong, où nous continuons à parcourir la plaine circonscrite de collines que j’ai déjà décrite, pour arriver enfin à la ville d’Hiran, où nous remarquons à la sortie un grand nombre de petites resserres en bois d’un mètre cube, recouvertes de chaume et supportées par un poteau de deux mètres de haut. Auprès, une multitude de petits fourneaux primitifs sont