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En 1562, les huguenots s’étant emparés de Rocamadour y portèrent la mort, le ravage et l’incendie. Toutes les richesses que la piété y avait amoncelées pendant des siècles furent anéanties.

L’oratoire fut encore relevé, mais son caractère architectural n’eut plus de beauté. Il ne subsiste de l’œuvre du xve siècle qu’une fenêtre aux meneaux flamboyants finement découpés et un portail aux délicates moulures.

Dans cette modeste chapelle apparaît l’antique Vierge noire de Rocamadour tant vénérée depuis des siècles. Elle échappa heureusement au sac des huguenots.

Dans le vestibule, contre la roche qui tient lieu de muraille, toute noircie par la fumée des cierges, sont accrochées des chaînes et des menottes offertes autrefois par des captifs délivrés par l’intercession de la Vierge.

Un ex-voto du plus vif intérêt représente M. et Mme de Salignac de Lamothe-Fénelon aux pieds de la Vierge, lui présentant, dans son berceau, l’enfant qui devint plus tard l’illustre archevêque de Cambrai.

L’enfant, gravement malade, avait été apporté à Rocamadour par ses parents, qui professaient pour le pèlerinage une dévotion particulière. L’ex-voto perpétue le souvenir de leur reconnaissance à la Vierge à la suite de la guérison de leur enfant. Mme de Fénelon désira être enterrée dans la chapelle Notre-Dame et fit un legs important aux chanoines.

D’après Bertrand de Latour, les murs de la basilique étaient couverts de richesses. Des lampes d’argent et d’or d’un grand poids, des colliers, des boucles d’oreilles, des joyaux de tout genre enrichis de perles et de diamants, pendaient de la voûte devant l’image de la Vierge. On y contemplait des calices magnifiques, des burettes, des vases, des chasubles, des dalmatiques, des chapes, des tapisseries offertes par des rois, des princes, des nobles et des fidèles de toute condition.

Des richesses du passé on ne voit que des reliquaires brisés, une croix processionnelle du xiiie siècle faite de plaques d’argent repoussées et une monstrance du xve, également en argent.

À la voûte est pendue une cloche en fer forgé d’aspect fruste. D’ vient-elle ? Nul ne sait.

Mais on n’ignore pas que cette cloche sonna toute seule alors que des fidèles invoquèrent, dans la tempête, le secours de Notre-Dame de Rocamadour.

Aussi la Vierge noire, vénérée sous le nom d’Étoile de la mer, fut-elle l’objet d’un culte fervent sur les grèves de l’Océan et aux rivages de la Méditerranée.

Odo de Gissey, dans son histoire de Rocamadour, dit que, les 10 et 13 février de l’an 1385, la petite cloche sonna d’elle-même. Acte fut pris de ce fait miraculeux et serment solennel prêté par-devant notaire apostolique, qui exprime dans son écrit le nombre de ceux qui déposèrent de cette merveille,

D’autres miracles de ce genre étaient relatés en marge d’un ancien missel en parchemin.

« La clochette de Notre-Dame se fit entendre, tintant et sonnant fort clair, le 5 mars 1542. Les chanoines qui l’entendirent, en signe d’allégresse et d’actions de grâces, firent mettre en branle les autres cloches de l’église, et puis prirent acte public de ce qui s’était passé.

« L’année suivante, 1543, le 11 du mois d’octobre, la cloche retentit encore en l’honneur de sa Maîtresse, la Mère de Dieu : et, afin que la chose ne fût mise en oubli, le sieur Antoine Laydé, prêtre et sacristain de la chapelle Notre-Dame, et plusieurs habitants de Rocamadour, attestèrent le fait, dont actions de grâces furent rendues par une messe chantée et par une procession générale au son de toutes les cloches. »

La cloche merveilleuse a tinté ainsi pendant deux siècles. Cette antique croyance reposerait sur des faits très circonstanciés et appuyés de sérieux témoignages.

La chapelle Notre-Dame est le but principal du pèlerinage. Elle fut en grande réputation dès les premiers siècles de l’Église et attire encore aujourd’hui un grand nombre de fidèles.

Une porte de cette chapelle est en communication avec l’église Saint-Sauveur, vaste et massif édifice d’une architecture simple. Les retombées des voûtes viennent s’appuyer sur deux piliers flanqués de colonnes qui divisent le vaisseau en deux nefs. Un antique crucifix en bois placé entre les deux grands piliers ornait autrefois le chœur des moines.

Les pèlerins, après avoir monté le grand escalier à genoux, vont honorer la Vierge dans son sanctuaire et terminent leurs dévotions devant ce crucifix.

Des travaux considérables ont consolidé l’église, dont les murailles menaçaient ruine. L’intérieur a été décoré de peintures ; les personnages les plus célèbres que la dévotion a conduits à Rocamadour y sont représentés en pied, et des trophées de bannières donnent constamment à la nef un air de fête.

On sort de cette église par un large portail orné d’une triple arcature à colonnettes, encadré par une archivolte à billettes, et l’on se retrouve sur le parvis de l’enceinte sacrée.

De là on peut pénétrer dans le sanctuaire souterrain, qui ne forme, pour ainsi dire, qu’un seul édifice avec l’église Saint-Sauveur. Sa construction est attribuée à Bernard III, évêque de Cahors au xie siècle[1].

Un large pilier carré se courbant en double arceau ogival partage la nef en deux travées. Ici la restauration a été complète. Elle était nécessaire, du reste, dans cet édifice sur lequel reposent d’énormes constructions.

Les murs ont été revêtus de boiseries en chêne à arcatures romanes.

Dans l’épaisseur du grand arceau s’ouvre une cellule où furent déposées les reliques de saint Amadour. Son corps, retrouvé intact dans son tombeau, se conservait sans corruption depuis quinze cents ans.

  1. Pour les parties techniques je me suis reporté à l’intéressante brochure de l’abbé Cheval : Guide du pèlerin à Rocamadour.