Page:Les Révélations de l’écriture d’après un contrôle scientifique.djvu/15

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
4
le sexe de l’écriture.

en soumettant la graphologie au contrôle scientifique que je lui proposais. M. Crépieux-Jamin ne craint pas le contrôle, il le demande avec une franchise et une simplicité qui lui font le plus grand honneur. J’ajoute que l’expérience que je fais avec lui est rendue tout à fait satisfaisante par une circonstance accidentelle. Il habite Rouen, et je suis à Paris.

Cet éloignement des deux expérimentateurs paraît être, à première vue, un gros inconvénient ; on ne peut pas se parler, il faut s’écrire. La vérité est que c’est là un avantage inappréciable ; nous gardons avec soin les lettres que nous avons échangées ; par conséquent, nous n’avons pas à craindre d’avoir dit de ces mots imprudents dont on n’est pas avare dans les conversations, qu’on oublie aussitôt après, et qui n’en font pas moins une dangereuse suggestion ; la suggestion est toujours à craindre, même entre les personnes les plus loyales. Dans une lettre, on s’observe davantage, et si un mot imprudent a été écrit on en garde la trace[1].

Un membre fort distingué de la Société de graphologie, M. Eloy, a bien voulu déterminer le sexe de 103 adresses ; nous trouverons quelque intérêt à comparer ses résultats à ceux de M. Crépieux-Jamin.

  1. De plus, on évite de cette manière les suggestions involontaires et imperceptibles du geste, de l’attitude, suggestions qui finement interprétées par l’inconscient du graphologue, pourraient le guider vers la vérité, à peu près avec la même sûreté que des mouvements inconscients de la main ou de la respiration guident vers l’objet caché le chercheur qui fait du « cumberlandisme ». On évite aussi par la méthode de la correspondance l’équivoque de réponses mal définies, que le graphologue pourrait interpréter plus tard et très innocemment en sa faveur, par de petites modifications destinées à les faire cadrer avec la vérité. Je veux donner un curieux exemple de cette sorte de falsification rétrospective. Elle s’est ébauchée devant moi, un jour que je faisais une petite expérience de graphologie pour m’amuser, et sans prendre de précautions. C’était à une séance de notre Société de psychologie de l’enfant. Je présidais, et pour alimenter la séance j’avais fait circuler dans la salle quatre adresses dont deux étaient écrites par des hommes et deux par des femmes. Je demandais aux personnes présentes de bien vouloir déterminer le sexe des scripteurs, et de me répondre par écrit. Pendant que le travail collectif suivait son cours, un graphologue très distingué vint s’asseoir près de moi au bureau ; je lui montrai une des enveloppes, en l’invitant à deviner le sexe. Il examina l’écriture de très près, puis, après un moment, il me dit, avec ce bon sourire confiant des professionnels : « Ceci me paraît être très probablement une écriture d’homme. » Il fit une courte pause, puis ajouta : « Cependant, je dois remarquer que je connais une femme qui a, à peu de chose près, la même écriture. » Une heure après, je causai de nouveau avec ce même graphologue ; et je lui dis, en lui montrant la même enveloppe : « C’est une écriture d’homme ». Une expression de satisfaction se peignit discrètement sur sa physionomie ; il me répondit simplement : « Vous voyez ! » Et c’est tout. La conversation n’alla pas plus loin. Maintenant, examinons cette petite circonstance, en elle-même, et faisons abstraction du très sympathique graphologue qui y a joué un rôle. Je le sais très prudent et très perspicace. Si par hasard je lui avais demandé catégoriquement : « Pensez-vous avoir deviné le sexe