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MUS

ques plantes, du cloporte et de la vipère (Pline, liv. 29, ch. 6). On lui attribue un petit Traité de la bétoine, publié par Hummelberg, avec des notes ; mais d’autres critiques donnent cet ouvrage à Apulée, et on le trouve dans plusieurs éditions du traité qu’on a sous son nom, Des vertus des plantes. Les fragments qui nous restent de Musa ont été publiés à part par Floriano Caldani, Bassano, 1800, in-8o. L’Instructio ad Mæcenatem suum de bona valetudine conservanda, qui lui est attribuée, avait paru à Nuremberg, 1538, in-8o, par les soins de Fr. Emeric de Troppau. On a lieu de penser que les talents de Musa ne se bornaient pas à la médecine. Virgile loue son esprit et son goût dans une jolie épigramme, où il ajoute que Musa a été comblé de toutes les faveurs d’Apollon et des Muses (voy. Virgil. Catalecta). Le peuple romain lui avait érigé une statue dans le temple d’Esculape, après le rétablissement d’Auguste ; et ce fut à sa considération que les médecins furent exempts à perpétuité de toute espèce d’impôts. Dan. Leclerc a consacré un chapitre intéressant à Musa, dans son Histoire de la médecine (voy. la Dissertation du professeur J.-C.-G. Ackermann, De ant. Musa, et libris qui illi adscribuntur, Altdorf, 1786, in-4o, et dans ses Opuscules, Nuremberg, 1797, in-8o.) W—s.


MUSAEUS. Voyez Musée.


MUSÆUS (Jean-Charles-Auguste), littérateur allemand, naquit à Iéna, 1735. Son père, juge dans cette ville, fut appelé, peu de temps après, à des fonctions supérieures à Eisenach. Le jeune Musæus y gagna l’affection du surintendant ecclésiastique, Weissenborn, son parent, qui commença son éducation. Il passa quatre ans et demi à Iéna, se livrant aux études théologiques, et retourna ensuite à Eisenach, comme ministre, s’y exerçant à la prédication, où il obtint même des succès. Il fut, au bout de quelque temps, nommé pasteur ; mais les paysans ne voulurent pas le recevoir, parce qu’ils se souvenaient de l’avoir vu danser. Obligé de se créer d’autres ressources, il se lança dans la carrière littéraire et débuta par un roman, en forme de lettres, intitulé Grandison der zweite (Le second Grandisson, etc.), Eisenach, 1760-1762, 3 vol, in-8o. Ce n’est point la critique du roman de Richardson, mais celle de toutes les caricatures que produisait dans le monde réel la fureur de l’imitation. Les qualités qui firent plus tard la réputation de l’auteur s’y trouvaient déjà dans un degré assez éminent : néanmoins il ne dut sa vogue en Allemagne qu’à la deuxième édition ; celle-ci fut publiée en 2 volumes sous le titre de Der deutsche Grandison (le Grandisson allemand), ibid., 1781, à la sollicitation du libraire, témoin du succès des Voyages physiognomiques. L’ouvrage mérita même d’être comparé au roman si célèbre en Allemagne de Siegfried de Lindenberg. Musæus fut en 1763 nommé précepteur des pages du duc de Saxe-Weimar et, sept ans plus tard, professeur au gymnase de Weimar. Mais les appointements de ces deux places ne pouvant suffire à l’entretien de sa famille, il se détermina à donner des leçons particulières et à prendre des pensionnaires. Il publia successivement les ouvrages suivants : 2o Das Gärtnermädchen (La jardinière), opéra-comique en trois actes, joué à Leipsick et imprimé à Weimar en 1771, in-8o. C’est une imitation de la Jardinière de Vincennes. 3o Physiognomische Reisen (Voyages physiognomiques), 4 vol. in-8o, Altenburg, 1778-1779 ; 2e édition, 4 vol. in-8o, ibid., 1781 ; 3e édition, ibid., 1781. L’ouvrage de Lavater sur la Physionomie avait paru quelques années auparavant ; on sait quel effet il produisit en Europe. Il eut en Allemagne beaucoup d’enthousiastes. Musæus conçut l’idée d’attaquer par le ridicule cette admiration irréfléchie, qui pouvait avoir d’autres inconvénients que celui de déranger quelques cerveaux. L’auteur voyage pour visiter ses coreligionnaires, augmenter le nombre des adeptes et agrandir le domaine de la Physiognomique. On devine que les jugements qu’il porte sur le caractère et les dispositions des individus qu’il rencontre sont fondés sur les bases et les calculs de cette science des sciences, et l’on doit s’attendre à des méprises fort amusantes. Nous citerons seulement celle qui a lieu à l’égard d’un personnage mystérieux qu’il trouve dans un café et qui, d’après son profil, l’expression de sa physionomie, son maintien, ses gestes et jusqu’à l’habitude de tenir la tête élevée en fumant, lui paraît ne pouvoir être que le sublime Klopstock, et qui est tout simplement un garde de nuit (Nachtwæchter). Mais comme la science ne peut être tout à fait en défaut, il se donne beaucoup de peine pour persuader au faux Klopstock que, s’il n’est pas ce grand poëte, il est du moins un être supérieur. Cette production, où l’on trouve des longueurs et beaucoup d’allusions locales, qui maintenant en rendent parfois la lecture un peu fatigante, est remarquable par une grande simplicité, relevée par des traits spirituels, des critiques fines des hommes, des mœurs et des institutions, dans lesquelles les savants eux-mêmes sont loin d’être épargnés ; une morale excellente, une grande tolérance ; enfin une bonhomie assaisonnée de beaucoup de gaieté et qui rappelle un peu le Vicar of Wakefield. Musæus, mauvais juge de son mérite littéraire, fit paraître son ouvrage sans nom d’auteur, le lançant dans le public, pour ainsi dire, comme un essai. Le succès surpassa ses espérances ; les Voyages physiognomiques furent lus avec avidité. L’on apprit avec étonnement qu’ils étaient l’ouvrage d’un professeur de gymnase, et les savants illustres qui habitaient Weimar furent tout surpris de n’avoir pas su deviner un talent aussi distingué. Cet ouvrage contribua beaucoup à la fortune du libraire. Musæus en avait retiré tout au plus un soulagement momentané ; chéri du public, il eut peu à se louer de la fortune. Ces