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commencent sans cesse, en donnant le récit de ce qu’ils appellent les « atrocités japonaises. » Mais, au lendemain d’une brutale prise de possession, en pouvait-il être autrement ?

Sur le régime japonais en Corée, mes sentimens personnels sont quelque peu divers. Certaines innovations m’ont paru salutaires ; d’autres, condamnables ; de même en ce qui concerne le corps des fonctionnaires. Du haut en bas de l’échelle, d’un bout à l’autre du pays, ils diffèrent grandement en valeur morale et professionnelle. J’ai été témoin de plusieurs scènes gratuitement provoquées par les autorités ; j’ai parfois pu constater, de la part des soldats, une certaine insolence, et de la part des agens de police, un secret penchant pour les abus de pouvoir et les exécutions d’une justice aussi personnelle que sommaire. Je me garderai bien cependant de partir de là pour porter un jugement définitif sur un régime dont la forme actuelle est, à mon avis, temporaire.

La réorganisation coréenne est une question plus complexe qu’on ne l’a tout d’abord supposé. Pour qu’un dénouement simple soit possible, la corruption a trop gêné le libre jeu des forces politiques et administratives. Le peuple a trop appris à finasser avec ses maîtres. Avant les Japonais, les patriotes les plus ardens, déçus dans leurs efforts réformateurs, ont dû laisser les affaires aller leur train. La Corée a de tout temps été divisée en huit provinces ; sur le versant de la Mandchourie et du Yalou : Hypyeng-yang, Hoanghoï, Kyeng-Keui, Tchyoung-tchyeng, Tyen-la ; sur le rebord oriental : Ham-Kyeng, Kang-ouen, Kyeug-syang. Les huit territoires ont leur chef-lieu, résidence du gouverneur. Ils sont subdivisés en trois cents trente-deux districts, sous des mandarins d’un rang plus ou moins élevé. Chefs de l’administration, les mandarins sont encore armés de la puissance exécutive, et décident ordinairement des procès civils. Le résultat d’un pareil cumul de fonctions a été la mise en coupe réglée de tout un peuple. Pour comprendre la situation désespérée de la Corée, il faut connaître son ancien système de gouvernement, synonyme de cruelle exploitation.


VII. — L’ANCIEN RÉGIME. — LES MANDARINS. — LES TORTURES


Afin de bien juger les derniers événemens, il faut en connaître les causes, le régime anarchique sous lequel la Corée