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a si longtemps gémi. Des documens réunis par la Société des missions étrangères, je détache le passage suivant sur l’administration des mandarins.

Les procès civils sont en général du ressort des mandarins de district. Les mandarins militaires disposent de la justice criminelle, et leur juridiction a reçu le nom de « tribunal de voleurs. » Les procès graves sont cependant portés devant le gouverneur de la province ou même devant le tribunal criminel de Séoul. Le tribunal Keum-Pou, siégeant également dans la capitale, juge les fonctionnaires publics et les inculpés de lèse-majesté. Un simple mandarin ne peut condamner ni à mort ni à l’exil : un gouverneur de province n’en a lui-même le pouvoir que sous certaines restrictions, et toute sentence capitale qu’il prononce est généralement confirmée par le tribunal criminel de Séoul. Mais les juges n’encourent aucune responsabilité si, au cours de l’interrogatoire, l’accusé succombe sous les coups, et c’est là un expédient souvent employé pour abréger les procès embarrassans. À en juger par la multiplicité de leurs attributions, on croirait les mandarins, qui, pour la plupart, administrent plusieurs districts, surchargés de travail. Une vie plus inoccupée que la leur serait cependant difficile à imaginer : boire, fumer, jouer, voilà leurs principaux passe-temps. Certes, il leur faut tenir tribunal trois fois la semaine. Mais, sans que parties ou témoins aient été entendus, ils savent à merveille expédier lestement les affaires en quelques coups de langue ou de baguette. Le gros de la besogne retombe sur des employés subalternes, qui sont de deux sortes : les uns, attachés aux mandarins civils, peuvent recevoir le nom de prétoriens ; les autres, dépendans des mandarins militaires, sont assimilables à nos gendarmes. (Chaque district renferme un assez grand nombre de prétoriens, étroitement resserrés en caste séparée, ne prenant jamais femme à l’extérieur de leur petit monde, transmettant leurs charges à leurs enfans. Ils sont, paraît-il, le seul nerf de l’administration. Leur principe directeur est en tout cas de tromper le mandarin au mieux de leurs efforts, de le tenir autant que possible écarté des affaires. Pour la plupart dénués de traitemens réguliers, ils ne vivent que de fraudes et d’exactions, forcés de satisfaire, non seulement à leurs besoins, mais encore à l’avidité de leurs maîtres. Les satellites des mandarins militaires ne forment pas une classe à part : on les engage selon les