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prier au milieu des morts, d’examiner silencieusement leur conscience, et d’aller ensuite visiter les pauvres.

Les confréries animaient sans cesse la ville de leur mouvement. Tantôt, c’était un enterrement : les confrères s’avançaient derrière le cercueil portant un cierge de cire, où l’image de leur patron se voyait peinte sur un écu. Tantôt c’était un pèlerin qui partait pour Compostelle : les confrères, le bourdon à la main, l’accompagnaient jusqu’à la croix de Saint-Jacques. D’autres fois, c’était la fête d’un métier. Puis venait la grande procession de la fierté : les confrères de Saint-Romain escortaient le condamné à mort, puis, en mémoire de la bonté du vieil évêque, le délivraient. Parfois toutes les confréries sortaient bannières déployées, pour célébrer une fête, pour commémorer un événement heureux. Elles s’associaient ainsi à toute notre histoire. Aux jours sombres, quand la peste éclatait, quand les rues devenaient désertes, on entendait encore passer les confrères qui accompagnaient les morts.

Rouen ne fut pas alors une ville d’exception. Ce qu’on y voyait pouvait se voir dans toute la France. Les monumens, les spectacles étaient moins magnifiques, mais c’étaient partout les mêmes confréries. Chaque étude nouvelle consacrée à nos anciennes villes les retrouve. A Notre-Dame de Vire se rassemblaient dix confréries de métiers et plusieurs confréries pieuses. A Notre-Dame de Dôle, non seulement les confréries avaient chacune leur chapelle, mais plusieurs d’entre elles avaient fait élever ces chapelles à leurs frais. Les cordonniers, il est vrai, n’avaient pas fait bâtir de chapelle, mais ils avaient offert à la statue de la Vierge de beaux bijoux et vingt-huit robes de rechange.

Chose étonnante, les confréries se retrouvent aux champs comme à la ville. Pas de village de Normandie qui n’ait la sienne. Dans l’église du bourg d’Ecouché (Orne) on en comptait jusqu’à quatre. La confrérie est la molécule vivante que l’on atteint partout et toujours.

Les confréries de la fin du moyen âge peuvent se classer sous trois chefs : confréries pieuses, confréries militaires, confréries de métiers.

Les confréries pieuses sont de toutes les régions de la France, mais c’est à peine si les érudits daignent les signaler quand ils les rencontrent. Seuls les érudits normands ont compris qu’une