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de mathématiques juridiques ; elle a voulu tenir compte des faits acquis, de la situation qu’il nous faut dénouer en conciliant, autant qu’il se pourra, avec les règles strictes du droit les exigences non moins impérieuses de l’équité… » La Cour, rejetant le pourvoi du liquidateur contre un arrêt de Bourges, a définitivement consacré la validité des hypothèques. Les motifs ? C’est simplement la bonne foi, raison supérieure à la logique, et qui, dans notre droit, a toujours obligé de respecter ceux qui pouvaient l’invoquer. La jurisprudence antérieure à la loi de 1901 la protégeait dans la personne des créanciers de congrégations non autorisées. La loi de 1901, si dure contre la congrégation elle-même, a dit à son tour qu’elle voulait la respecter. Un des principaux auteurs de cette loi l’a répété dans son livre. Elle n’a cessé, ainsi, de défendre ces personnes étrangères à la congrégation. Elle commande au juge de voir les faits tels qu’ils ont existé : une collectivité de religieux ou de religieuses jouissant en commun de certains biens, s’engageant sur ces biens à cause de leur communauté d’existence ; d’autre part, les propriétaires apparens du patrimoine des congrégations vendant ou hypothéquant ce patrimoine à des tiers, qui, en retour, confians dans l’apparence, donnent leur argent. Voilà ce que la Cour suprême constate comme tout le monde l’avait pu faire. Et l’ayant constaté, elle déclare que tous les actes ainsi faits sous le couvert de la bonne foi demeurent inattaquables.

L’arrêt du 17 juillet 1907 ne laisse plus aucune incertitude sur l’issue de la lutte entreprise par les liquidateurs contre les créanciers. En ce sens, si les procès continuent, la lutte est terminée. Elle ne peut être appréciée de diverses manières. Dès l’abord, les liquidateurs répondaient aux réclamations des créanciers qu’ils ne pouvaient eux-mêmes reconnaître à l’amiable aucune créance et qu’il fallait un jugement. Etait-ce exact, était-ce conforme à la loi de 1901, alors qu’ils tenaient de cette loi les pouvoirs d’un « administrateur séquestre, » et que de tels administrateurs paient les créanciers sans jugement ? Il est permis de douter. Mais en admettant cette exigence, déjà vexatoire, autre chose est de discuter en justice la bonne foi d’un créancier, la quotité de sa créance, et, si le titre est régulier, si le créancier est de bonne foi, de laisser consacrer par le tribunal un droit incontestable ; autre chose est de lutter contre ce droit avec un acharnement qu’un particulier mettrait à peine à défendre son