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propre bien. Cela, la loi de 1901 ne le disait pas : elle disait le contraire. Ce qu’on peut conclure, la lutte finie, c’est que les liquidateurs ont agi exactement au rebours de la loi qu’ils étaient chargés d’exécuter.


V

On vient de voir ce que révèlent sur l’exécution de la loi les documens de jurisprudence : tous les tiers qu’elle avait entendu respecter, propriétaires, congréganistes en tant qu’individus, créanciers, ont été victimes de l’erreur qui consistait, au lieu de poursuivre la dispersion des biens, à assurer leur intégralité au profit de l’État : tous ont été gravement atteints dans leurs intérêts et dans leurs droits, qui sont les intérêts et les droits de tout le monde. Le rapport du garde des Sceaux est venu ajouter, à ces documens de jurisprudence, des renseignemens d’un autre ordre qui ont trait à la gestion pécuniaire des liquidateurs. Ce rapport est à coup sûr insuffisant, parce qu’il s’arrête à la fin de l’année 1906 et parce qu’il se borne à des indications générales sur les points où l’on voudrait des détails. Cependant, tel qu’il est, il donne quelques-unes des clartés dont l’opinion était le plus avide.

Tout d’abord, et c’est ce qui a le plus frappé le public, le rapport détruit à jamais la légende du Milliard. Il n’y a jamais eu de Milliard, et on eut le plus grand tort de prendre à la lettre un mot de Waldeck-Rousseau qui n’avait entendu faire qu’une évaluation théorique, qui n’avait jamais pensé et jamais dit que le patrimoine des congrégations en valeur marchande fût d’un Milliard. Cette explication ne mérite pas qu’on s’attarde à la discuter. Ce ne sont pas les congrégations qui ont parlé du milliard ; c’est, après Waldeck-Rousseau, M. Trouillot et tous les orateurs, tous les journaux du parti radical. On avoue aujourd’hui que l’affirmation était une inexactitude, la promesse une ruse : il suffit de prendre acte de ces aveux. Que reste-t-il donc ? Que trouvera-t-on en fin de compte ? On remarquera que la question, si l’on s’en tient à la loi de 1901, ne devrait avoir aucun intérêt. Du moment que les biens seront dispersés, il n’importe que l’actif net soit important ou médiocre. Mais le garde des Sceaux n’oublie pas que cet actif devait assurer les retraites ouvrières, et c’est pourquoi il s’excuse des faibles sommes que lui