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laquelle aboutit finalement M. Fouillée : la métaphysique est l’analyse, la synthèse et la critique de la science, de la pratique, et des diverses conceptions (positives, négatives ou hypothétiques) auxquelles l’ensemble de nos connaissances, de nos sentiments et de nos activités nous conduit sur l’ensemble des réalités (connues, connaissables ou inconnaissables).

Mais cette doctrine de l’existence, comment devons-nous la concevoir ? Si son objet est identique à celui de l’ancienne ontologie, ne demeure-t-elle pas en butte aux objections invincibles d’Auguste Comte et de Kant ? Et si son objet est différent, en quoi peut-il consister, sinon dans l’ensemble des caractères et des rapports communs à la totalité des phénomènes, ou dans une idée de notre entendement, idée négative et limitative, par laquelle nous opposons à tous les objets connus et connaissables la possibilité d’un objet qui n’ait avec eux aucun rapport ? Dans le premier cas, la doctrine de l’existence semble se confondre avec la philosophie générale ; dans le second, elle n’est plus qu’un chapitre de la critique : de toute façon, elle cesse d’être une partie distincte et originale de la métaphysique.

C’est ici que M. Fouillée prend une position tout à fait neuve et hardie entre l’ancienne ontologie et ses adversaires. Il distingue une métaphysique transcendante et une métaphysique immanente. Les pages où il fait la critique de la première sont parmi les plus subtilement profondes qu’il ait écrites (p. 277 à 283) : elles rappellent la dialectique du Parménide, La métaphysique transcendante est cette ancienne ontologie qui pose en dehors de l’expérience des choses en soi destinées à produire et à expliquer l’expérience même. Mais, ou bien ces choses en soi sont sans analogie avec les objets de l’expérience, et alors nous ne pouvons nous en faire aucune idée, elles sont absolument inconnues et inconnaissables, ou elles sont plus ou moins analogues aux objets de l’expérience, et alors elles ne sont pas de véritables choses en soi, mais des phénomènes transformés en substances et en causes par une illusion de la pensée, et toute explication métaphysique revient au fond à expliquer l’expérience par elle-même. Il faut opter entre les termes de cette alternative. Le premier réduit la métaphysique à un point d’interrogation ; le second lui donne un contenu expérimental et phénoménal : pour mieux dire, il substitue une métaphysique immanente à la métaphysique transcendante.

Seulement la métaphysique immanente est-elle une vraie métaphysique ? M. Fouillée ne dissimule pas la force de l’objection. « Si la métaphysique, fait-il dire aux disciples de Kant, renonce aux choses en soi, aux objets indépendants de la pensée, vous voyez bien qu’elle prendra un caractère tout subjectif ! Le problème est grave et ardu ; pour le résoudre, il faut renoncer à une illusion généralement répandue. La terreur du subjectif est une obsession que Kant a introduite dans la philosophie, et qui fait que, par un matérialisme préconçu et inconscient, on assimile la métaphysique aux sciences de la nature. Les sciences de