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ANALYSES. — g.-t-w. patrick. The fragments, etc.

Shakspeare soumet la raison aux passions. En changeant le rapport, vous avez Corneille, c’est-à-dire le poète qui s’oppose le plus franchement au tragique anglais. Ni les personnages ne seront semblables dans les deux théâtres, ni l’action ne sera conduite de la même manière. Une longue suite de conséquences découle d’un premier fait. La peinture psychologique des hommes dans les drames de Shakspeare, tel est donc l’objet du premier volume que nous donne M. Wetz. Les hommes étant connus, il n’y aura plus qu’à connaître les relations dans lesquelles ils se trouvent, l’action des hommes sur les rapports où ils sont, et de ces rapports sur les hommes, pour avoir la clef de leurs destinées. Ce sera l’objet d’un deuxième volume.

Dans la partie psychologique, M. Wetz déclare sincèrement obéir à l’inspiration de Taine. Dans les trois chapitres concernant les problèmes éthiques, le remords, les conflits moraux, il se réfère aux excellents livres de Paul Rée, qui sont connus des lecteurs de la Revue, et à notre propre travail, la Morale dans le drame, etc., dont il nous a été agréable de trouver la mention dans un ouvrage que nous pouvons chaudement recommander. Une analyse détaillée ne viendrait pas ici à sa place, et resterait trop incomplète. Un jugement d’ensemble suffira.

M. Wetz a pu adopter des vues étrangères, sans manquer pour cela d’être original : l’essentiel n’est pas toujours d’apporter des nouveautés, mais des confirmations. Il s’excuse, auprès d’une nombreuse classe de lecteurs, d’avoir mis le pied un moment sur le terrain de la philosophie ; cette réserve accuse peut-être quelque timidité, et ce serait une erreur de croire, nous semble-t-il, que la critique littéraire puisse valoir vraiment sans une large intelligence philosophique. L’exemple de Taine est là pour montrer, au contraire, ce qu’elle y gagne. Par une prudence exagérée à cet endroit, M. Wetz s’interdirait d’écrire quelques bonnes pages, qu’il est capable d’écrire. Indépendance d’esprit, absence de préjugé national ou scolastique, finesse d’analyse, érudition de bon aloi, il possède en effet ces précieuses qualités. Il a promené ses filets dans tous les golfes de cette mer, qui est l’œuvre de Shakspeare, et il en a retiré déjà beaucoup de pensées vivantes ; on a permission, à cette pêche-là, de racler les fonds, tant que le bon goût n’en reçoit pas de dommage.

L. Arréat.

G.-T.-W. Patrick. The fragments of the work of Heraclitus of Ephesus, translated from the greek text of Bywater, with an introduction, historical and critical. Baltimore, N. Murray, 1889, 131 pages in-8o.

Cette publication, qui a paru dans l’American Journal of Psychology, 1888, est une thèse de doctorat présentée à la John Hopkins University. L’introduction (83 pages) est divisée en deux parties : dans