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L’ANNÉE HEUREUSE.

simple petite fille de village qu’animait une flamme divine, un courage surhumain, et que rien ne pouvait faire reculer ? Il était tout cela à la fois. Tout était vrai, car c’était Maroussia. C’était une Jeanne d’Arc enfant, dans un pays où le nom de Jeanne d’Arc n’avait jamais dû être prononcé qu’à l’état d’accident. Obligé d’être partout à la fois, Tchetchevik l’avait attachée à Méphodiévna. Elles étaient inséparables ; qui voyait l’une voyait l’autre. Du reste, toutes les femmes s’en mêlaient, c’était vraiment la guerre sainte. Les Russes eux-mêmes ne pouvaient refuser leur admiration à ce magnifique effort.

Ah ! le beau temps ! les enfants des enfants de ce temps-là n’en ont rien oublié. Ce dernier élan de toute l’Ukraine, c’est la gloire, même après la défaite. Heureuses les nations petites ou grandes qui ont le droit de chanter leur Gloria victis !

L’hiver fut cette année-là d’une rigueur exceptionnelle ; les corbeaux et les loups les plus aguerris tombaient morts de froid dans les bois. Plaignez les corbeaux et les loups, mais ne plaignez pas les paysans. L’hiver est leur ami. Pour eux, autour du poêle, l’été règne toujours. D’ailleurs, sous la protection des neiges amoncelées, les cabanes se gardent toutes seules. L’ennemi n’est plus à craindre ; il a pris ses quartiers d’hiver dans les villes. On peut enfin soigner ses glorieuses blessures sans les cacher comme des hontes. Il n’est plus besoin de descendre dans la cave