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MAROUSSIA.

dépens ce que c’est que l’Ukraine, ce que vaut le Cosaque, ce que vaut le paysan, pour s’aventurer encore à l’étourdie dans un si fier pays.

De notre côté, tout est remis en question et avec moins de chances. Mais quoi ! l’honneur reste à sauver, et chacun se répète : « Nous le sauverons. La force peut tuer le droit, mais non l’abolir. »

Honte à ceux qui disent : « À quoi bon cette lutte à outrance ? » Peut-on abandonner sa mère à l’heure des épreuves ? peut-on laisser sa sœur en proie aux ennemis ? peut-on fuir sa fiancée, sa femme, ses enfants, sa chaumière et son champ ? peut-on livrer la patrie qui contient tout cela à l’envahisseur, tant qu’il vous reste une goutte de sang dans les veines ? Non, n’est-ce pas ?

« L’affaire serait meilleure, murmure le lâche, et la honte moins coûteuse. » Ah ! qu’ils se taisent, qu’ils se cachent, qu’ils rentrent à jamais sous terre, ces conseilleurs d’infamie, ceux qui pensent ainsi que le serpent qui rampe : ils sont vils pour leurs vainqueurs eux-mêmes.

Non ! non ! il n’est pas de pire affaire que la honte. Ceux-là seuls ressusciteront au jour du grand jugement, dans le monde meilleur, qui auront bien su mourir dans celui-ci. Et alors même qu’il ne devrait jamais luire, ce jour de la réparation, qu’importe ? Il faut laisser de beaux souvenirs : ils sont impérissables, l’histoire les recueille ; c’est la ri-