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DERNIÈRES COURONNES.

roussia. De presque gaie qu’elle était tout à l’heure, elle était devenue subitement rêveuse.

« À quoi pense mon enfant ? » dit-il à Maroussia. Elle hésitait à répondre ; mais bientôt, cachant sa blonde tête sur la poitrine de son ami :

« Je me suis rappelé, lui dit-elle, je me suis rappelé les bluets de notre maison et les couronnes d’autrefois qui faisaient tant de plaisir aux petits frères, et aussi celles que me faisait maman quand je n’étais pas grande non plus.

— C’était dans le temps heureux, dit Tchetchevik, où les enfants eux-mêmes n’avaient pas le devoir d’être de petits héros. Ah ! chère fillette, ce n’est pas pour toi que mon passage dans la maison de ton père et de ta mère aura été un bonheur, ni pour eux, les dignes gens ! Que Dieu m’obtienne leur pardon ! »

L’enfant lui mit vivement la main sur la bouche et fondit en larmes.

« Tais-toi, lui dit-elle, ne me fais pas pleurer à présent. Ne m’ôte pas le courage que mon père lui-même m’a commandé, — le courage dont j’ai besoin encore et qu’il faut que j’aie et que j’aurai jusqu’à la fin, oui, jusqu’à la fin. Quant à notre vie, depuis que nous avons ensemble quitté la maison, ah ! la belle vie ! ah ! les beaux jours ! ah ! le grand rêve ! Mais aujourd’hui… nos soldats, où sont-ils ? Méphodiévna, notre Méphodiévna qui t’aimait tant et l’Ukraine libre, où est-elle ? »