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LE PETIT MOUCHOIR TROUÉ.

les plus fermes, elle redressait la tête, elle levait au ciel ses yeux candides et s’écriait : « Mon Dieu ! ah ! mon Dieu ! quand les hommes seront-ils tous bons et tout à fait bons ? »

Le calme et profond silence de la forêt, l’ombre et la fraîcheur auraient fait beaucoup de bien à son corps brisé par la fatigue, si son âme anxieuse n’eût souffert du repos, inquiétant à force de se prolonger, de toutes les choses qui l’entouraient.

La forêt devenait sombre, une main invisible tirait peu à peu un gigantesque voile noir sur ces masses de verdure. Cela lui rappela la forêt de son conte du bandit et la fuite de la pauvre femme dont, la première fois qu’elle l’avait vu, elle avait raconté l’histoire à son ami. « Elle n’était pas plus malheureuse que moi, pensait-elle, mais j’aime mieux mes chagrins que les siens. »

Les dernières flèches de lumière qui passaient à travers le feuillage s’émoussaient sur les troncs des arbres. Elles s’éteignirent tout à fait, la nuit se fit complète brusquement. Maroussia, surprise, se leva. Toutes les angoisses du passé furent noyées dans les angoisses de l’attente présente.

« Il m’a dit : « Je reviendrai te reprendre bientôt, je te quitte pour — quelques instants, — reste à ton poste. » Je suis à mon poste, beaucoup d’instants sont passés, et il ne revient pas, et aucun bruit ne m’annonce même au loin son retour. »