Tombouctou la mystérieuse/VII

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Flammarion (p. 117-140).

VII

L’EMPIRE SONGHOÏ.

Pour savoir quel est l’avenir de nos
possessions africaines et connaître les
conditions véritables de leur prospérité,
il ne suffit pas de s’enquérir du présent.
Le passé a aussi le droit d’être entendu.

Gaston Boissier, (l’Afrique romaine).

Reprenons maintenant le rapide aperçu de l’histoire des Songhoïs et de leur empire qui, pendant près de mille ans, a tenu une place si considérable au Soudan, avec des heures de gloire extrême.

Il eut trois dynasties : les Dias, les Sunni et les Askia.

Les rois de la dynastie Dia empruntent le préfixe de leur nom à Dialliaman. Les annales soudanaises ne disent point comment ils employèrent les six cents ans de leur règne (700 à 1355). Nous savons seulement qu’ils se succédèrent au nombre de trente et un[1], et que Dia Koussaï le seizième roi, qui régnait vers l’an mil de notre ère, se convertit à l’islamisme en 1010, et que depuis lors tous les princes songhoïs sont musulmans.

Sous le règne de Dia Siboi, l’empire songhoï subit une première crise : il devient vassal de son voisin de l’ouest, le royaume de Mali, alors à l’apogée de sa puissance (1326) ; en outre une armée de Mossi traverse la Boucle pour aller piller Tombouctou et sépare à ce moment Dienné des autres pays songhoïs (1329).

Dia Siboï avait deux fils Ali Kolon et Suliman Naré. Le roi de Mali Kounkour-Moussa exigea que son vassal les envoyât à sa cour.

« C’était, et c’est encore la coutume au Soudan de faire servir le maître par les enfants des vassaux, dit le Tarik. Parfois, après avoir servi, ils retournaient dans leur pays ; parfois ils demeuraient en servage jusqu’à la fin de leurs jours.

« Kounkour-Moussa retint longtemps les Jeunes princes songhoïs. Cependant Ali Kolon voyageait de temps à autre à travers les États de Mali, sous prétexte de commerce, et pour augmenter ses revenus. C’était un garçon très intelligent, plein de prudence et de réflexion, débrouillard au surplus. Dans chacun de ses voyages il poussait plus au loin, et apprit ainsi à connaître les routes du pays, surtout celles qui menaient vers le Songhoï. Alors il décida dans son cœur de rentrer dans sa patrie, et à cet effet fit provision d’armes et de vivres qu’il cacha le long de la route qu’il comptait suivre. Ayant fait part de son secret à son frère, ils entraînèrent leurs chevaux à la fatigue et les nourrirent fortement. Un beau jour ils partirent. Dès que le roi de Mali connut leur fuite, il ordonna de les poursuivre et de les tuer. Ils furent rejoints, en effet, mais se défendirent si bien qu’ils purent atteindre le Songhoï.

« Ali Kolon fut proclamé roi et on l’appela Sunni, le libérateur. »

Telle est l’histoire du fondateur de la deuxième dynastie qui règne de 1355 à 1492 et compte dix-huit rois[2].

Affranchi de la domination du Mali par Ali Kolon, le Songhoï reprend l’existence paisible qu’il paraît avoir menée dans les siècles précédents. La chronique dit en effet : « Les Sunni, à l’exception de leurs deux derniers représentants, s’en tinrent au patrimoine national, et leurs États se composaient des habituels pays songhoïs. »

Avec Sunni Ali (1464-1493) l’histoire prend une subite ampleur. Nous allons voir maintenant le Songhoï sortir de ses limites premières, le nord de la boucle et l’est du Niger occidental, et se développer en un empire d’une étendue telle que n’en vit jamais l’Afrique occidentale.

Sunni Ali est un soldat seulement, et un vrai soldat nègre, qui marche de conquête en conquête, absorbant toute la population dans la guerre, lui-même absorbé uniquement par elle, sans songer à organiser et à créer une œuvre durable. C’est un soudard, préoccupé d’abord de butin et de prisonniers, puis de tributs à percevoir. Néanmoins son règne est capital. Sa lance promenée de l’est à l’ouest vingt ans durant, trace les fondements de la grandeur songhoï. Inconsciemment, il est vrai ! Mais la tâche étant ainsi préparée, un organisateur viendra qui, rapidement, mènera à son apogée la puissance, la gloire et la prospérité du Songhoi.

Ali le Conquérant commença ses exploits par un coup de maître, en prenant Tombouctou (1469). On a lieu d’être surpris en voyant le nom de la grande ville figurer si tardivement en cette histoire du peuple le plus civilisé du Soudan. Mais elle ne fut pas fondée par lui et ne lui avait Jamais appartenu jusqu’alors. Cette annexion sera définitive, et si intime que la cité prestigieuse atteindra sa suprême grandeur au moment précis où l’empire songhoi

DIENNÉ : COIN DE VILLE.


parvient à l’apogée, et déclinera quand son heure de décadence aura sonné.

Dienné, qui s’était fortement émancipée, tandis que le Mali et le Mossi remportaient leurs victoires sur les derniers rois de la dynastie des Dia, est ramenée à l’obéissance après un long siège. Sunni Ali guerroie également au centre de la Boucle, dans le Houmbouri, contre le roi du Mossi, et encore dans le Teska, le Kouboura, le Kanta (Kano) à l’est. Cependant son effort principal et le plus long se porte vers l’ouest, sur la destruction de ce royaume de Mali qui avait jadis menacé sa nation. Il conquiert ainsi presque toute la rive gauche du Niger occidental, prenant le petit Haoussa (au sud de Tombouctou), le Barra (pays de Goundam au lac Debo), détruisant Guiddio, une grande ville sur le lac Debo, combattant les Maures-Senhadiata, les Foulbés, les gens de Diaka. Il revenait d’une expédition dans le Gourma et se disposait à rentrer à Gaô, lorsqu’il se noya dans un petit bras du Niger qui forme l’île de Koura, au sud de Tombouctou.

« Il ne subit que deux échecs, l’un à Doumo (Douentza ?) l’autre dans le Barkou (Bourgou), rapporte la chronique, et dépassa tous les rois, ses prédécesseurs, en puissance et par le nombre de ses soldats. Ses conquêtes furent considérables, et son renom s’étendit du levant au couchant : on parlera longtemps de lui, si Dieu le veut ! » Les écrivains soudanais parlent, en effet, beaucoup d’Ali le Conquérant, mais de singulière façon : pour lui prodiguer les épithètes les plus violentes et le couvrir d’injures. « Impie célèbre, horrible tyran », dit l’un. « Grand oppresseur, destructeur de villes, cœur dur et injuste », dit l’autre. « Tyran sanguinaire qui fit périr tant d’hommes que Dieu seul en connaît le nombre, et qui se montra cruel envers les gens pieux et savants, les méprisa, les humilia et les fit mettre à mort », — renchérit un troisième.

En réalité, il ne fut meilleur ni pire dans ses guerres que tel de ses successeurs ou tout autre prince soudanais. La guerre en pays nègre a toujours un caractère particulièrement brutal et odieux. L’impartialité de l’Histoire n’a rien à voir avec cette accumulation d’opprobre. C’est une vengeance des historiens. Ceux-ci, des marabouts, en même temps que les détenteurs des lettres et des sciences, sont les représentants de l’Islam. Et cette qualité uniquement a déterminé leurs jugements excessifs. L’épisode est intéressant. Il nous montre, dès cette époque, la religion musulmane s’immisçant, acerbe et vengeresse aux choses étrangères. Elle était peu puissante alors, ses racines n’étaient pas profondes dans le pays. Lorsqu’elle sera devenue forte, nous la retrouverons souvent encore dans ce rôle, devenant à ce moment le facteur d’événements considérables et des plus funestes.

Le grand grief des marabouts contre le Conquérant est une tiédeur religieuse qu’il affectait très caractéristique : «Il prenait une liberté grande avec la religion, raconte le Tarik. Les cinq prières que tout bon musulman doit dire entre le lever et le coucher du soleil, il les renvoya d’abord à la nuit ou les remettait au lendemain. Ensuite, il prit l’habitude de prononcer leurs divers noms seulement. Finalement il avisa de simplifier encore ces négligences. Faisant une seule invocation au nom de Dieu, il ajoutait aussitôt : « Prières, vous vous connaissez les unes les autres. Que chacune prenne donc ce qui la concerne dans mon invocation. »

Un opuscule soudanais, qui a pour auteur El Mouchéili, un grand savant de Tlemcen dont nous parlerons plus tard, explique longuement l’origine de ce scepticisme et donne un aperçu des mœurs de l’époque. Il nous permet de voir où en était l’Islam à la fin du xve siècle dans ces pays : les classes élevées seules étaient ralliées à la religion de Mahomet, et sans grande conviction, puisque l’idolâtrie n’était pas proscrite à la cour même, puisqu’un prince royal se montre à peine mahométan de nom, et que son entourage l’imite sans effort. Le vulgaire, lui, continuait franchement ses pratiques de magie ou adorait des fétiches dont les temples étaient restés debout même dans les grandes villes comme Gaô et Dienné. Voici ce morceau :

« Dieu nous a dirigé vers un pays (le Songhoï) dont les habitants se disent musulmans, en ont l’extérieur, pratiquent le grand office du vendredi et les autres Jours l’appel aux cinq prières. Cependant on a peu de confiance dans les marabouts… Les mœurs de ce pays sont singulières. On y trouve des gens qui prétendent connaître la science des choses cachées, et se fondent pour cela sur l’examen des lignes tracées sur le sable, sur la position des astres, sur le cri des oiseaux, leur vol, etc. D’autres prétendent savoir écrire des formules pour procurer des avantages : par exemple pour augmenter les gains, exciter l’amour, repousser

DIENNÉ : LE PORT DE PÊCHE.


la ruine, mettre en fuite les ennemis à la guerre, empêcher les atteintes du fer des lances, du poison des flèches, et d’autres choses que pratiquent les sorciers par leurs incantations.

« Quant à Sunni Ali, sa mère était originaire du pays de Farou (Sokolo). C’est une nation infidèle qui adore les idoles de bois et de pierre. On y a confiance en elles et on les consulte. Arrive-t-il quelque bien ou du mal, c’est les idoles qui ont été favorables ou défavorables. La guerre ne se fait pas sans qu’elles aient donné leur avis. Les faux dieux ont pour les servir et célébrer leur culte des prêtres dirigés par des devins et des magiciens qui donnent aussi des consultations.

« Sunni Ali passa toute sa Jeunesse auprès d’eux, et son esprit reçut l’empreinte de leur idolâtrie et de leurs coutumes. Néanmoins, lorsqu’il devint roi, il prononça, selon la coutume, les deux témoignages par lesquels il se reconnaissait musulman.

« Les premiers temps il jeûna pendant le mois de Ramadan et fit des sacrifices et d’autres offrandes dans les mosquées. Puis il revint aux idoles et aux devins, cherchant des secours dans les pratiques magiques, honorant de sacrifices et d’offrandes les arbres et les pierres sacrées, leur adressant des prières et des vœux et leur demandant la réalisation de ses désirs. Il consultait les devins et les magiciens dans toutes ses préoccupations.

« Jamais on ne vit dans une mosquée cathédrale ou ordinaire, ni lui, ni ses compagnons, que ce fût le vendredi (dimanche) ou un autre jour. Les milliers d’hommes ou de femmes qui se trouvaient avec lui ou dans ses palais ne priaient ni ne jeûnaient même un seul jour, même en Ramadan, par crainte de lui. Il ne savait par cœur ni le Fatiha (la première sourate) ni aucune autre sourate du Koran. Négligeant habituellement ses prières, quand il s’en occupait, il se gardait de se lever, de s’incliner et de se prosterner.

« Il eut avec les femmes des rapports qui n’étaient pas sanctionnés par le mariage ni par un autre contrat reconnu par l’Islam. Une femme lui plaisait-elle, il la prenait, la faisait entrer dans sa chambre et dans son lit, sans faire attention à son mari ou à sa famille. Il permettait aussi qu’on mit à mort des musulmans et qu’on pillât leurs biens. Il fit périr ainsi des théologiens, des juriconsultes… »

Ce dernier fait est exact, mais El Mouchéili oublie d’ajouter que Sunni Ali sévit contre certains marabouts, non contre tous, et non pas parce qu’ils étaient musulmans et prêtres, mais pour s’être occupés de politique et lui avoir fait de l’opposition. Que leur révolte eût pour cause le scepticisme du roi, la chose est certaine. Il importe en cette occasion de relever chez le Conquérant un trait intéressant de son caractère. Malgré les ennemis que lui suscita la caste, il ne cessa d’honorer les saints personnages qui s’occupaient de science et de piété seulement. « Il rendait hommage à leurs mérites, connaissait leur nombre jusqu’aux derniers et leur faisait des cadeaux, » dit le Tarik. Outre la générosité, ce procédé indique un esprit de tolérance qui est général et caractéristique chez les Songhoïs.

Que le lecteur se rassure ! Je n’ai pas l’intention d’entreprendre par le menu la psychologie d’un conquérant nègre. Il me faut cependant montrer une face encore de son caractère, l’emportement extrême et la violence de ses colères. Sunni Ali éclatait pour les moindres causes. En ces moments il avait l’arrêt de mort facile, et cela, même pour son entourage, même pour ceux qu’il affectionnait et qui lui étaient le plus utiles, le plus dévoués, le plus précieux. L’excès de ses fureurs n’avait d’égal que la promptitude de son repentir. Ses serviteurs le savaient, et si le condamné à mort était de ceux dont Sunni Ali devait regretter le supplice, ils le laissaient en vie et se contentaient de le faire disparaître en prison. Quand l’heure des regrets était venue, ils avouaient que l’arrêt avait été différé, et le roi s’en réjouissait.

Parmi ceux qui furent bien souvent à un fil du paradis se trouvait Mohammed ben Abou Bekr. On ne put Jamais établir le nombre exact des condamnations à mort qu’il encourut. C’était pourtant le bras droit d’Ali, son meilleur général, son ministre le plus précieux, un homme « au cœur fort, bien inspiré, doué d’une grande générosité que Dieu avait mise naturellement en lui ».

La mort de Sunni Ali lui donna à réfléchir. Sans doute il ne se soucia aucunement de recommencer avec le fils, Sunni Barro, la vie de transes que lui avait faite le père. Sa situation personnelle était considérable. Et il songea à s’emparer du pouvoir suprême.

DIENNÉ : UNE MAISON.

« Quand il eut achevé de tisser la trame de ses desseins, il se mit à la tête de ses partisans et attaqua Sunni Barro à Dangha. Son armée fut mise en déroute, et il dut s’enfuir à Gaô. Ayant rassemblé de nouvelles troupes, le prétendant tenta une seconde fois la fortune. La lutte fut longue et acharnée, tellement que les deux armées furent presque anéanties. Mais Sunni Barro dut s’enfuir à son tour et disparaître pour toujours du Songhoï. Alors Mohammed ben Abou Bekr monta sur le trône (1494).

« Cette nouvelle étant annoncée aux filles de Sunni Ali, elles s’écrièrent : Askza ! ce qui signifie : « ce n’est pas lui » (alias l’usurpateur). Le mot lui ayant été rapporté, Mohammed ordonna de ne pas lui donner d’autre surnom. On l’appela donc : « Askia Mohammed. »

Nous voici parvenus à la troisième et dernière dynastie qui règne de 1494 à 1591.

Dès son avènement, Askia Mohammed usa d’une politique habile. Il prit à l’égard de la religion une attitude entièrement opposée à celle de Sunni Ali. Tout à coup, il n’y eut pas dans tout le Songhoï un musulman plus fervent que cet ancien compagnon, que cet intime du « scélérat impie ». Il s’efforce de remettre partout en honneur l’Islamisme. Au lieu de devins, son entourage se compose de marabouts. Il les comble de dons et de considération, et prend leur conseil en toutes choses.

En retour, les marabouts s’empressèrent de proclamer la légitimité de son usurpation et l’autorisèrent, en de savantes consultations, à s’emparer du trésor du Conquérant ainsi qu’à dépouiller les dignitaires de l’ancien régime. Ils démontrèrent que Sunni Ali avait été un infidèle dans toute l’horreur du mot, et qu’en conséquence la guerre faite par Askia pour arracher la royauté au dernier Sunni était une guerre excellente et nécessaire, comme une guerre sainte.

Les pieux biographes exultent : Lumière éclatante, qui a illuminé la bonne voie après les plus épaisses ténèbres ; Sauveur qui en s’emparant du pouvoir a arraché les serviteurs de Dieu à l’idolâtrie, et le pays à la ruine ; Soutien de la Foi, qui répand autour de lui la joie, les cadeaux et les aumônes — c’est ainsi qu’ils le représentent.

À peine son autorité fut-elle affermie, qu’au surplus il remit le gouvernement entre les mains de son frère Omar et alla se faire légitimer en grande pompe à la Mecque et au Caire (1497).

« Il fit le pélerinage à la Maison de Dieu accompagné de mille fantassins et de cinq cents cavaliers, emportant 300.000 mitkals d’or du trésor de Sunni Ali. Il en répandit 100.000 aux Lieux Saints, tant à Médine où est le tombeau du Prophète qu’à la Mecque où s’élève la Mosquée sacrée. Dans cette dernière ville, il acheta des Jardins et y établit une fondation pieuse pour les gens du Soudan. Cette fondation est bien connue à la Mecque et lui coûta cent mille mitkals.

« Au retour, il vint en Égypte rendre hommage au khalife abbasside Mottewekel, et lui demander d’être son suppléant au Songhoï et dans tout le Soudan. Le prince abbasside ayant consenti, ordonna au roi songhoï d’abdiquer et de remettre le pouvoir entre ses mains pendant trois Jours. Ainsi fut fait. Le quatrième jour, Mottewekel proclama solennellement Askia Mohammed représentant du khalife au Soudan, lui plaça sur la tête un turban blanc et un fez vert qui lui appartenaient, et lui remit un sabre. »

Ce pélerinage eut une autre conséquence plus importante encore pour son règne et surtout pour ses sujets. Au Caire il s’entretint assidûment avec les théologiens et les savants réputés, se montrant curieux de toutes choses et empressé à recueillir des conseils sur les meilleures manières de vivre et de gouverner. Il se lia en particulier avec Essoyouti dont le nom est encore aujourd’hui célèbre dans les lettres arabes. De retour au Songhoï, Askia entra en correspondance avec lui, et chaque fois qu’il songeait à une réforme ou à une mesure importante, il ne manquait pas de la soumettre au savant personnage. Incontestablement, c’est au Caire qu’il acquit les notions de gouvernement qui, appliquées par son génie organisateur, vont lui permettre d’édifier une œuvre solide et remarquable, de durée aussi longue que celle de sa dynastie. Pour la seconde fois, nous voyons l’Égypte exercer une influence civilisatrice au Soudan.

Ayant rapporté de son lointain voyage le titre sonore de : « Émir Askia el Hadj (le pélerin) Mohamman » il va acquérir maintenant devant l’histoire, le nom plus précieux d’Askia le Grand. Il reprend le pouvoir des mains de son frère et fait d’Omar son généralissinie. Tous deux n’auront pas mince besogne. Les conquêtes de Sunni Ali, non organisées, ont besoin en effet d’être consolidées et presque renouvelées. Aussi compte-t-on les années du règne d’Askia qui ne sont pas marquées par quelque expédition.

DIENNÉ.

La première eut lieu en 1499 contre le Mossi. Ce royaume situé au sud du Songhoï avait suivi depuis un siècle une politique très turbulente et agressive, semant ses populations dans tout le nord de la Boucle (le Gourma) et poussant jusqu’à Oualata et Bankou. Askia dompte ces voisins incommodes. Voici comment le Tarik raconte cette campagne et un épisode qui la précède :

« L’émir envoya un ambassadeur auprès du roi de Mossi, pour Lui demander de se convertir à l’islam. Le souverain répondit qu’il lui fallait d’abord consulter ses ancêtres qui étaient dans l’autre monde, et se rendit au temple des idoles accompagné de ses principaux conseillers et de l’ambassadeur, désireux de voir comment on consultait les morts.

« Les païens firent selon la coutume de leurs croyances. Un vieillard apparut. Dès qu’ils l’aperçurent, ils se prosternèrent et lui rapportèrent le message du roi songhoï. Le vieillard répondit : « Je ne consentirai jamais à vous voir faire ce qu’on vous propose. Au contraire, combattez les Songhoïs et mourez jusqu’au dernier ou exterminez-les jusqu’au dernier. »

« Le roi dit alors à l’ambassadeur : « Retourne vers ton maître et dis-lui qu’il ne peut exister entre lui et nous que la guerre et les combats. » Lorsque tout le monde eut quitté le temple des idoles, l’ambassadeur adressa la parole à l’être qui était apparu sous les traits d’un vieillard et lui demanda : « Au nom de Dieu tout-puissant, qui es-tu ? — je suis Satan, fut il répondu, et je les ai égarés afin, qu’ils meurent en état d’impiété. »

« L’ambassadeur fit part à l’émir de tout ce qui s’était passé. La guerre sainte fut déclarée. Askia en sortit vainqueur, dévasta les campagnes et les villes, fit prisonniers enfants, femme ; et hommes, et les força à se convertir. »

Après le sud c’est l’ouest. Il faut abattre définitivement le puissant royaume de Mali. Près de douze années seront nécessaires (1501-1513). C’est d’abord Zalna la capitale, qui est prise, et si bien détruite qu’il est impossible aujourd’hui de savoir où s’élevait au juste cette ville importante. Puis Askia s’acharne contre les diverses provinces, villes et races du Mali.

La lutte fut opiniâtre de part et d’autre. La victoire ne resta aux Songhoïs qu’au prix de grands sacrifices ainsi que le montre l’anecdote suivante. L’émir perdit un grand nombre de ses meilleurs et plus braves soldats au Mali, un nombre si grand que son frère Omar se mit à pleurer et lui dit : « C’en est fait du Songhoï ! » Mais Askia lui répondit : « Au contraire le Songhoi va prospérer. Toutes ces nations conquises nous rendront la vie plus facile. Désormais elles seront intimement avec nous et nous aideront dans nos entreprises. » Et il chassa de l’esprit de son frère tout souci et tristesse.

L’ouest ayant été réduit, il porta ses efforts à l’est, au delà du Niger oriental, vers le lac Tchad, et réorganisa cette partie de l’empire (1514-1519). Agadès s’était émancipé à l’instigation des Berbères. Il ramena cette ville dans le giron songhoï comme Sunni Ali avait fait de Dienné. Les royaumes de Katsina, de Kano, Zegzeg et Sanfara furent également soumis.

Bref son empire s’étendit au nord depuis les mines de sel de Thégaza, en plein Sahara, jusqu’au Bandouk ou pays de Bammakou, au sud ; depuis le lac Tchad au levant jusqu aux abords de la mer Atlantique au couchant. Pour traverser ce formidable royaume, rapporte un contemporain, il fallait six mois de marche.

Et pourtant le règne d’Askia le Grand n’est pas tant remarquable par l’étendue des territoire nouvellement acquis que par la sage organisation dont il dota le pays, et le soin qu’il prit d’incorporer intimement au Songhoĩ les nouvelles conquêtes.

Il ne se contenta pas, à l’exemple le Sunni Al, de Ieur demander simplement un tribut. Détruisant les anciens rouages, il les réorganisa sur de nouvelles bases et les fit administrer par ses fonctionnaires et ses officiers. L’empire se trouva donc agrandi non seulement pour la forme et temporairement, mais de fait et pour longtemps. « On lui obéissait, est-il dit, et on exécutait ses ordres dans l’empire entier aussi bien que dans le Songhoi même, comme dans son propre palais. »

Il créa quatre vice-rois ayant sous leurs ordres des gouverneurs de provinces (Koïs), des chefs militaires, des Juges et des percepteurs d’impôts.

La vice-royauté de Dandi, avec la capitale du même nom, commandait, à l’est, les pays du Tchad. Au nord le vice-roi de Bankou gouvernait la contrée entre Gaô et Tombouctou jusqu’au Touat. Le vice-roi de Bal, ou Balma, administrait le nord-ouest avec Tombouctou et Kabara, jusquà Thegazza et avait sous ses ordres les Touaregs. Enfin l’ouest fournissait la vice-royauté la plus importante, celle de Kourmina, capitale Tindirma, qui comprenait les gouvernements de Baghena (l’ancien Mali), de Barra (chef-lieu Sâ), de Dirma (chef-lieu Diré), du Massina, de Danka, etc.

LE SONGHOĨ AGRANDI.

Au sud les grands gouvernements de Dienné, Bandouk, Kala (Sansanding) et Houmbouri n’avaient pas de vice-roi.

Tous les hauts dignitaires, vice-rois et gouverneurs, étaient pris de préférence dans la famille royale, Quand ils en faisaient pas partie on leur donnait des princesses en mariage, de même pour les hauts officiers et les marabouts importants. De cette sorte le personnel gouvernemental formait autour du souverain une aristocratie dynastique très sûre et très précieuse au point de vue de l’unité nationale.

Une autre mesure capitale grâce à laquelle il put effectuer ses nombreuses conquêtes, grâce à laquelle malgré de longues guerres « on ne vit partout que bonheur et prospérité sous son règne », fut la création d’une armée permanente.

Sunni Ali avait pris toute la population valide pour l’emmener combattre à sa suite, et avait désorganisé le Songhoï. Askia « partagea son peuple en sujets et soldats ». C’est grâce à ses militaires professionnels qu’il put remporter l’ininterrompue série de victoires que nous avons mentionnée et vaincre facilement les bandes improvisées et inexpérimentées de ses ennemis. Il créa un corps de cavalerie armé de lances et monté sur de forts chevaux qu’il faisait venir des États barbaresques. Elle « s’élançait semblable à un large vol de sauterelles ». Les belliqueux Touaregs avaient été utilisés dans la formation d’escadrons auxiliaires.

L’infanterie, de beaucoup plus nombreuse, se servait d’arcs et de flèches empoisonnées. Les grands chefs allaient au combat vêtus de cuirasses et de casques en fer ; les autres officiers n’avaient que des boucliers. Lorsque les territoires conquis furent devenus considérables et que les soldats songhoïs ne suffirent plus, Askia organisa de nouveaux corps de troupe avec des éléments tirés des populations conquises. Ainsi fut réalisé le propos rassurant qu’il, avait tenu à son frère Omar lors de la campagne meurtrière du Mali.

L’immense Niger parcourant l’empire de l’ouest à l’est offrait une route commode aux armées et leur assurait une grande mobilité. Une flottille fut donc créée et très justement placée à Kabara, vers le milieu du cours du Niger, sous les ordres d’une sorte d’amiral qui avait le titre de « maître du port de Kabara ».

Ce partage de la population en éléments civil et militaire permet aux producteurs et aux intermédiaires de s’adonner avec assurance à leurs occupations. Le commerce se développe de merveilleuse façon. D’excellentes mesures viennent favoriser et activer les transactions, en garantissant leur régularité et leur honnêteté. Askia édicte l’unification des poids et mesures, et réprime avec sévérité les falsifications. Chaque marché un peu important est placé sous la surveillance d’un inspecteur. Dienné est la grande place du commerce intérieur. Pour le commerce extérieur Tombouctou monopolise les relations avec l’ouest, et le nord-ouest (Maroc et Touat principalement) et Gaô celles de l’est et du nord-est (Égypte et Tripoli). Le Niger constitue une admirable voie commerciale. Aussi est-ce par eau que se font la plupart des transactions. Les marchandises européennes pénètrent en grande quantité au centre du monde noir et sont très recherchées, insuffisantes même pour contrebalancer les grandes quantités d’or qui sont apportées sur les marchés par les soudaniens.

À Ja suite des commerçants les savants étrangers accourent au Soudan, ayant appris que le meilleur accueil les attendait. Il en vient du Maroc, du Touat, d’Algérie, de Gadamès et du Caire. Les lettres et les sciences prennent un soudain essor et bientôt nous voyons se produire une série d’écrivains soudanais des plus intéressants, dont les textes nous servent en ce moment et dont nous reparlerons à loisir quand nous serons à Tombouctou.

La religion ne pouvait naturellement pas être oubliée par Askia dans ses innovations. Elle eut, en dehors de lui, un représentant officiel et suprême, exclusivement ecclésiastique, une sorte de vicaire, dans la personne d’un Cheik-ul-Islam qui résidait à Tombouctou. Le roi avait vu une autorité semblable, en Égypte, à côté du khalife abbasside et il adopta cette institution religieuse, comme il avait aussi imité le souverain arabe dans sa manière de se vêtir et de vivre. L’étiquette de sa cour était copiée sur celle du khalife. Il s’efforçait de rester invisible pour le vulgaire. « Askia el Hadj n’aimait pas à se laisser voir, rapporte le Tarik, et engageait son frère Omar à l’imiter, lui disant : « Ne t’expose pas toi-même à périr du mauvais œil ». Il fit mener aux femmes la vie des harems d’Orient et ordonna que toutes, mariées ou Jeunes filles, ne se montrassent que voilées. Sa propre famille donnait l’exemple.

En audience, on l’abordait en se couvrant la tête de poussière. Il ne parlait pas directement aux assemblées ni au peuple : un héraut clamait ses paroles. Sortait-il, son cortège était précédé de tambours, de trompettes et de musiciens. Lui-même s’avançait à cheval, isolé de sa suite qui restait, à distance respectueuse, en arrière. Autour de son cheval marchaient des serviteurs, tenant à tour de rôle sa selle. On les appelait « les Compagnons du pied », et leur chef, « le Maître de la route ». Les vice-rois avaient droit à un cérémonial analogue, mais moindre. Ils n’étaient précédés que d’un tambour et de musiciens qui devaient rester silencieux en vue d’une ville où résidait le souverain. En somme ce roi nègre, ainsi que les usurpateurs blancs, s’efforçait d’entourer le pouvoir d’autant plus de majesté et d’apparat qu’il y avait moins de droits.

Mais qu’importe ce travers en regard des sages mesures et des progrès remarquables que nous venons d’exposer.

Une pareille œuvre fait le plus grand honneur au génie de la race nègre et mérite à ce point de vue toute notre attention. Au xvie siècle cette terre de Songhoï qui porte les semences de l’antique Égypte, tressaille. Une merveilleuse poussée de civilisation monte là, en plein continent noir. Et cette civilisation n’est nullement imposée par les circonstances ni par la force, ainsi que s’est souvent implanté le progrès, et de nos jours encore. Elle est désirée, appelée, introduite et propagée par un homme de race nègre, et spontanément. Malheureusement la moisson de cette belle poussée va être arrêtée dans son développement normal. Moins par les indignes successeurs du grand Askia, que par des civilisés, ou soi-disant tels, par des blancs qui vont survenir, faucher ces superbes promesses, et faire refleurir l’ivraie de la barbarie.

Après trente-cinq ans d’un règne si bien rempli, les facultés d’Askia le Grand avaient baissé. Ses nombreux fils (il en eut près d’une centaine), quoique associés au gouvernement, s’impatientaient de le voir se survivre. Finalement l’aîné, Askia Moussa, se soulève et dépose son père, à Gaô, en 1529.

Moussa et ses successeurs n’eurent qu’à se laisser vivre dans le solide édifice dressé par le fondateur de leur dynastie. Je ne relèverai donc de leur règne que les faits qui peuvent contribuer à nous former une idée du caractère, des mœurs et des coutumes de ces peuples, et à cette époque.

Le premier soin de Moussa fut de calmer les ambitions de ses frères en faisant tuer un certain nombre d’entre eux. D’autres lui résistèrent les armes à la main, notamment Bala le préféré de son père : « Il fut réduit à se rendre. Le fils du roi intercédant en sa faveur, Bala lui dit : « Mon enfant, ma mort est nécessaire, car il y a trois choses que je ne pourrai Jamais faire : donner à Moussa le titre d’Askia, me jeter de la poussière sur la tête en sa présence, et aller à cheval derrière lui ». Alors Moussa ordonna de creuser une fosse très profonde dans laquelle on fit descendre vivants Bala et un de ses cousins. Ensuite on y fit couler de l’eau, et ils moururent. »

Lassés de se voir décimés, les frères de Moussa l’assassinèrent (1533) et un neveu d’Askia-le-Grand régna sous le nom d’Askia Bankouri. Il s’empressa également de faire périr un certain nombre des fils de son oncle, et redoubla de cruauté à l’égard du malheureux et glorieux vieillard lui-même. Tandis que Moussa l’avait laissé tranquillement dans le palais du gouvernement, à Gaô, Bankouri l’en chassa et le relégua dans la petite île de Kankaka, à l’ouest de la ville, « où les grenouilles sautaient autour de lui ».

Il exerça, paraît-il, le pouvoir avec magnificence. Sa cour était brillante, et il s’entourait de dignitaires nombreux. On y portait des vêtements précieux, et la musique y était fort en honneur : un corps d’esclaves chanteurs fut créé.

DIENNÉ : UNE PLACE.

Bankouri ayant commis l’imprudence de menacer le vice-roi de Dandi, celui-ci le déposa et proclama roi Askia Ismael (1537). Les motifs qui décidèrent celui-ci à accepter le pouvoir sont aussi divers que bizarres : « Je n’ai pas voulu refuser cet honneur, déclara-t-il, pour trois raisons : tirer mon père de Ja détresse dans laquelle il se trouve ; faire reprendre à mes sœurs le voile que Bankouri leur a fait quitter ; et faire cesser les cris de Yan-Mara, l’une des cent autruches femelles qui se mettait en fureur chaque fois qu’elle apercevait Bankouri ».

Le Tarik ne nous dit pas si Yan-Mara fut heureuse désormais. En revanche nous apprenons avec satisfaction que Askia le Grand réintégra son palais de Gaô où il mourut enfin en paix neuf ans après sa déposition (1538).

Ismael fut le premier Askia qui termina sa vie sur le trône (1540) ; son frère Askia Ishak lui succéda. Comme ses prédécesseurs, il avait le ressentiment de famille très développé et fit périr bon nombre de ses proches. À l’égard de l’un d’eux, il fit même pratiquer certaine opération d’envoûtement. « Arbinda, fils de sa sœur, lui donnait des inquiétudes. C’était un homme célèbre, et d’une valeur si éclatante qu’on ne désirait personne autre pour succéder à Ishak. Celui-ci confia ses craintes à un homme versé dans les sciences occultes et lui demanda son aide. Le magicien se fit apporter un vase plein d’eau. Ayant prononcé des invocations, il appela : « Arbendi ! Arbendi ! ». Une voix répondit. « Viens ici », dit le magicien. Alors sortit de l’eau une poupée qui ressemblait à Arbinda. Le magicien lui mit des fers aux pieds et la frappa d’un coup de lance, puis lui dit : « Disparais ! » Et le corps disparut dans l’eau. Bientôt on apprit que Arbinda était mort vers le moment où le magicien avait frappé son image ».

Les quatre derniers Askia qui régnèrent sur l’intégralité de l’empire furent ensuite : Askia Daoud (1549-1581), Askia El Hadj II (1581-1586), Askia Mohamman Ban (1586-1587), Askia Ishak II (1587-1591). Ceux-ci, comme leurs prédécesseurs, firent un certain nombre d’expéditions, presque toutes heureuses. Leur but ne fut pas d’agrandir le royaume ; mais simplement de conserver les acquisitions du premier Askia. Ce furent moins des guerres que des opérations de police ou de gendarmerie. Qu’ils ne se soient pas efforcés d’agrandir leur magnifique héritage, on le conçoit ; mais ils ne firent rien non plus pour l’améliorer, pour pousser plus avant le sillon de progrès ouvert par le premier de leur race.

DIENNÉ : UNE RUE.

Luttes fratricides, férocités familiales, crainte perpétuelle des rivaux, sont leurs préoccupations dominantes, ainsi que la débauche, « Ils changèrent la crainte de Dieu en infidélité. Adonnés à la pratique des choses défendues, ils se couvrirent de péchés au grand jour. Ils buvaient des boissons enivrantes et commettaient des actes contre nature. L’adultère était le plus commun de leurs écarts, tellement qu’il semblait que ce ne fût pas un acte répréhensible. Rien ne les arrêtait, ni rang, ni services rendus ; certains même commirent ce péché avec leurs sœurs. »

Cependant la puissante machine créée et mise en mouvement par Askia le Grand, bien que négligée, fonctionnait toujours, tant elle avait été bien conçue et solidement bâtie. Cela dura près d’un siècle, pendant lequel la prospérité du pays ne se démentit point. Le mécanisme avait été ordonné pour fonctionner encore jusqu’au moment où la race des Askia aurait produit un souverain digne de son fondateur, et continuateur de son œuvre.

Mais voici que survient le Maroc envahisseur. L’empire songhoï va disparaître et devenir une colonie marocaine.

  1. La suite de ces noms est ingrate. Je les transcris néanmoins, pensant plaire aux orientalistes qui pourront les lire, pour la première fois, tels qu’ils sont prononcés par les Songhoïs.

    Dialliaman compte pour successeurs : Dia Arkaï, Dia Atkaï, Dia Akkaï, Dia Akkou, Dia Alfaï, Dia Biégoumaï, Dia Bi, Dia Kiré, Dia Aüm Karaouai, Dia Aüm Sumaiam, Dia Aüm Danka, Dia Kiobogo, Dia Koukouraï, Dia Kenken, Dia Koussaï, Dia Koussaï Daria, Dia Hin Koronou Goudam, Dia Bié Konikimi, Dia Binta Say, Dia Bié Kainakamba, Dia Kaïna Siniobo, Dia Tip, Dialliaman Diago, Dia Ali Korr, Dia Berr Faloco, Dia Siboi, Dia Dourou, Dia Kabaro, Dia Bissi Baro, Dia Bada.

  2. Sunni Alikolon, Sunni Suliman Naré, Sunni Ibrahim Kobia, Sunni Osman Kanava, Sunni Barkaïna Ankabi, Sunni Moussa, Sunni Boukari Dianka, Sunni Boukar Dalla Bougoumba, Sunni Marikiri, Sunni Mohammed Dâou, Sunni Mohammed Kokia, Sunni Mohammed Barro, Sunni Maré Kollighimon, Sunni Maré Arcouna, Sunni Maré Ardhan, Sunni Suliman Dami, Sunni Ali, et Sunni Barro (aussi Boukari Daô).