Aller au contenu

Correspondance de Lagrange avec d’Alembert/Lettre 018

La bibliothèque libre.
Texte établi par Ludovic LalanneGauthier-Villars (Œuvres de Lagrange. Tome XIIIp. 43-45).

18.

LAGRANGE À D’ALEMBERT.

À Turin, ce 6 septembre 1765.

Mon cher et illustre ami, cette Lettre vous sera remise par M. Dutens[1], ci-devant chargé des affaires de la cour de Londres à la nôtre et auteur de la belle collection des Ouvrages de Leibnitz qui s’imprime actuellement à Genève[2]. Il souhaite fort de vous connaître ; aussi je vous prie de vouloir bien lui donner quelques moments de votre temps ; vous verrez un homme qui joint à une grande érudition beaucoup de lumière et d’esprit philosophique.

J’ai envoyé à M. de Fouchy[3], il y a environ un mois, une pièce pour le prix de l’année prochaine, dont la devise est : Multum adhuc restat operis. Quoiqu’elle n’ait guère d’autre mérite que de m’avoir coûté beaucoup de travail, je souhaiterais que vous voulussiez bien jeter un coup d’oeil sur les pages 2 et 3 du Chapitre IV. Ce que j’y dis touchant l’équation du centre et la latitude des satellites me paraît entièrement nouveau et d’une très-grande importance dans la théorie des planètes, et je suis maintenant après à en faire application à Saturne et à Jupiter.

J’ai trouvé, ces jours passés, une méthode de faire disparaître l’imaginaire des expressions

en les réduisant en série de la manière que voici,

moyennant quoi je suis en état de déterminer, par approximation, le mouvement d’un fluide qui se meut dans un canal horizontal et rectangulaire, en supposant que le fluide soit parvenu à un état permanent et qu’on connaisse le mouvement qu’il a dans une section quelconque du canal, mouvement qui peut être quelconque comme la figure initiale d’une corde vibrante. Il est vrai que, lorsque la fonction est donnée soit algébriquement, soit transcendantement, on peut toujours faire disparaître l’imaginaire des expressions proposées ; mais la difficulté est de trouver la valeur de es expressions lorsque la fonction dont il s’agit n’est donnée que par une courbe dont on ne connaît point l’équation.

Permettez-moi de vous rappeler les engagements que vous avez pris à l’égard de notre Volume ; vous avez encore pour cela tout le reste de cette année-ci de temps. En attendant, je vous prie de me donner de vos nouvelles et de celles de vos travaux ; je vous parlerai des miens une autre fois.

J’ai l’honneur de vous embrasser en vous demandant la continuation de votre précieuse amitié.


  1. Voir plus haut, p. 31, note 1.
  2. Voir plus haut, p. 31, note 1.
  3. Jean-Paul Grandchamp de Fouchy, astronome, membre (1731), puis (1743) Secréfaire perpétuel de l’Académie des Sciences, né le 17 mars 1707 à Paris, où il mourut le 15 avril 1788.