Correspondance de Lagrange avec d’Alembert/Lettre 127

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Texte établi par Ludovic LalanneGauthier-Villars (Œuvres de Lagrange. Tome XIIIp. 287-289).

127.

D’ALEMBERT À LAGRANGE.

À Paris, ce 1er juillet 1774.

Mon cher, et illustre ami, je n’attends M. de Crillon qu’à la fin de ce mois, et je recevrai avec grand plaisir tout ce qu’il m’apportera de votre part, et surtout votre Lettre dont il est chargé. J’espère surtout qu’il m’apportera de bonnes nouvelles de votre santé. Vous savez le tendre intérêt que j’y prends. La mienne est passable en ce moment-ci mais j’ai résolu de faire encore trêve pour un an aux travaux mathématiques. Je m’amuse, en attendant, à des broutilles philosophiques et littéraires.

Nous venons d’avoir en France un grand événement, celui de la mort du Roi ; nous verrons quelles en seront les suites pour l’État, pour la Philosophie et pour les Lettres.

On imprime actuellement votre excellente pièce sur l’équation séculaire[1], et on va imprimer dans le Volume de 1772 votre autre excellente pièce sur la manière de former des Tables des planètes par les seules observations[2]. Je vous invite fort à nous donner quelque chose sur le prix de 1774 ; quand vous voudrez y penser, vous trouverez sûrement à ajouter beaucoup à ce qui a déjà été fait sur ce sujet, et vous voyez que nous ne demandons point de calculs fatigants nouvelle raison pour vous occuper de cette importante matière. Vous verrez dans le Volume de 1771, qui va paraître, l’Éloge de Fontaine, et je suis sûr que vous en serez bien content, ainsi que de l’Histoire, qui est tout entière de M. de Condorcet. Je voudrais bien que celle de 1772 en fût aussi. Elle en serait meilleure et paraîtrait plus tôt.

Le marquis de Caraccioli est parti pour Naples, où il doit être bientôt, et peut-être actuellement. On a eu de ses nouvelles de Gênes, où il est arrivé en bonne santé. Je suis bien aise que vous ayez reçu l’argent du prix sans frais. Dorénavant (car j’espère bien que ce ne sera pas le dernier) je me servirai de cette voie pour vous le faire parvenir.

Je ne crois pas que M. de Condorcet concoure de nouveau pour les comètes. Les calculs arithmétiques le rebutent, et je lui ressemble bien à cet égard.

Je n’ai pas de peine à croire que MM. de la Lande et Bailly n’ont rien fait qui vaille ni l’un ni l’autre sur l’objet qui vous occupe actuellement, et sur lequel je serai ravi de voir le fruit de vos recherches. Envoyez-les-nous le plus tôt que vous pourrez, et ne craignez point l’indiscrétion nous n’avons rien de mieux à faire que d’employer tout ce qui nous viendra de votre part. Adieu, mon cher et illustre ami ; je vous embrasse de tout mon cœur. Conservez-vous pour la Géométrie et surtout pour moi. Mille compliments, je vous prie, à MM. Bitaubé, Thiébault, Formey, et à tous ceux qui veulent bien se souvenir de moi.

À Monsieur de la Grange,
des Académies des Sciences de Berlin et de Paris, à Berlin
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(En note : Répondu le 1er octobre 1774.)

  1. Voir le Volume de 1774, p. 97, et Œuvres, t. VI p. 535.
  2. Voir le Volume de 1772, p. 513-618, et Œuvres, t. VI p. 507.