Aller au contenu

Correspondance de Lagrange avec d’Alembert/Lettre 138

La bibliothèque libre.
Texte établi par Ludovic LalanneGauthier-Villars (Œuvres de Lagrange. Tome XIIIp. 307-309).

138.

D’ALEMBERT À LAGRANGE.

À Paris, ce 3 octobre 1775.

Mon cher et illustre ami, je venais de mettre à la poste la dernière Lettre que vous avez reçue de moi, lorsque j’ai reçu la vôtre du 6 septembre. Je venais en même temps d’écrire au Roi[1], et il y aurait eu de l’affectation à lui récrire sur-le-champ pour les deux objets dont vous me parlez. J’ai donc cru devoir attendre une quinzaine de jours, pendant lesquels j’ai reçu moi-même une Lettre du Roi, à laquelle je réponds par ce même courrier-ci, ce qui me donne occasion de lui parler des deux objets qui vous intéressent[2].

Quant au premier, je crois avoir trouvé ici un très bon sujet, jeune, instruit, laborieux et déjà connu par de bons Mémoires, pour successeur de M. Margraff ; cependant il n’est pas encore absolument décidé ; mais je fais en même temps d’autres informations, et j’espère qu’elles ne seront pas sans fruit. Je mande au Roi que, s’il n’avait personne en vue, dans le cas où la place de M. Margraff deviendrait vacante, je ne désespérerais pas de trouver ici des sujets propres à la remplir.

Quant au second article, celui du successeur de M. Heinius, la chose est un peu plus délicate. Je crois avoir remarqué que le Roi ne répond rien aux propositions que je lui fais sur les académiciens résidents à Berlin, ce qui semble marquer qu’il les désapprouve et qu’il ne trouve pas bon que je me mêle des affaires intérieures de l’Académie. Je crois même avoir déjà été dans ce cas par rapport à quelque demande que j’ai faite, si je ne me trompe, pour M. Beguelin. Cependant, comme j’ai le plus grand désir de l’obliger, je ferai dans ma Lettre une tentative, mais je ne vous réponds pas du succès ; je tâcherai seulementque ma proposition soit faite de manière à ne pas nuire à Beguelin, ce qui pourrait bien arriver si le Roi avait là-dessus les préventions que je crains contre mes demandes en général pour les académiciens régnicoles.

Nous avons pour les comètes une pièce qui me paraît venir de Pétersbourg mais je ne l’ai pas encore lue, et je ne puis vous en rien dire. Je suis très content, quoiqu’en puisse dire votre modestie, de vos deux premiers Mémoires de 1773 ; je n’ai point encore lu les deux autres, dont les objets m’intéressent moins. Nous avons dans notre Volume de 1772, qui vient enfin de paraître, un Mémoire de M. de la Place sur les intégrales particulières des équations différentielles ; je ne sais ce que c’est et je n’en puis rien dire, mais j’ai d’avance meilleure opinion des recherches que vous m’annoncez sur ce sujet.

Comme je recommence à m’occuper un peu, mais bien peu, de Géométrie, je serais bien aise de savoir votre avis sur des objections, peut-être très mauvaises, que je vous ai proposées il y a longtemps au sujet de votre Mémoire sur les courbes élastiques. Peut-être avez-vous perdu cette Lettre, et il n’y aurait pas grand mal.

J’oubliai, dans ma dernière, de vous dire qu’il me semble avoir remarqué une légère méprise de calcul à la page 138 de votre Mémoire sur les sphéroïdes il me semble qu’au lieu de au dénominateur de la transformée il faut ce qui exige, quoique sans conséquence, que le reste de la page soit réformé. Si vous proposez et non en ce cas les calculs seront justes ; mais la valeur de contiendra des quantités radicales, et les quantités ne seront pas plus simples que les miennes. Adieu, mon cher ami ; je vous embrasse tendrement.

À Monsieur de la Grange,
directeur de la Classe mathématique de l’Académie royale
des Sciences et membre de celle de Paris, à Berlin
.
(En note : Répondu le 12 octobre 1775.)

  1. Voir sa Lettre du 15 septembre (Œuvres de Frédéric II, t. XXV p. 25).
  2. Ibid., P. 24 et 27.