Correspondance de Lagrange avec d’Alembert/Lettre 137

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Texte établi par Ludovic LalanneGauthier-Villars (Œuvres de Lagrange. Tome XIIIp. 306-307).

137.

D’ALEMBERT À LAGRANGE.

À Paris, ce 15 septembre 1775.

J’ai reçu, mon cher et illustre confrère, le Volume de 1772 j’ai remis à MM. de Condorcet et Cassini les deux paquets qui les regardent, et vous devez de votre côté avoir reçu la liste imprimée des arts et métiers que je vous ai adressée il y a déjà quelque temps. J’ai lu avec grand plaisir votre Mémoire sur la rotation d’un corps, et le suivant sur l’attraction des sphéroïdes elliptiques. Je joins même à cette Lettre un petit mot que je vous prie de faire insérer à cette occasion dans vos Mémoires de 1773. Quant à vos recherches sur les pyramides et à votre Mémoire d’Arithmétique[1], je ne puis encore vous en rien dire ; mais j’en ai la meilleure opinion, comme de tout ce que vous faites. J’admire toujours avec quelle modestie vous parlez de vos excellentes productions, lorsque tant d’autres font tant de bruit pour si peu de chose.

Le marquis Caraccioli est à Paris, toujours aussi aimable que de coutume, et vous fait mille compliments. Le sacre du Roi[2] l’a obligé de hâter son retour ici et l’a empêché de passer par Berlin, comme il se le proposait.

Nous n’avons sur les comètes qu’une seule pièce, qui me paraît venir de Pétersbourg, du moins à en juger par la simple vue, car je ne sais encore ce qu’elle contient. Elle me paraît assez courte, et je ne sais si elle remplira l’objet. Je suis fâché et très fâché que votre santé nous ait privés de voir là-dessus quelque chose de vous. Pour moi, j’ai bien de la peine, quoique beaucoup de désir, de me remettre aux travaux mathématiques. Je voudrais bien pourtant donner encore un septième Volume, pour lequel j’ai quelques matériaux, sinon fort intéressants, au moins propres à fournir quelques vues à ceux qui voudront aller plus loin. Je travaillerai un peu dans les moments qui me paraîtront plus lucides, et je ferai en sorte de gagner ainsi pays, en allant au petit pas, tandis que vous allez à pas de géant. Adieu, mon cher et illustre ami ; conservez votre précieuse santé, et aimez-moi comme je vous aime. Voici le petit écrit que je vous envoie pour les Mémoire de 1773[3].

(En note : Répondu le 12 octobre 1775.)

  1. Solutions analytiques de quelques problèmes sur les pyramides triangulaires. Recherches d’Arithmétique (Volume de 1773, p. 149-176 et 265-312). — Voir Œuvres, t. III p. 661 et 695.
  2. Le sacre de Louis XVI avait eu lieu le 11 juin 1775.
  3. Voir, dans le Volume de 1774 de l’Académie de Berlin, p. 308, l’Extrait d’une Lettre de M. d’Alembert à M. de la Grange, et Œuvres, t. III p. 649.