Dictionnaire classique de l'antiquité sacrée et profane/Année

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Dictionnaire classique de l'antiquité sacrée et profane, tome 1
Librairie Classique-élémentaire de Belin-Mandar (p. 69-70).
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ANNÉE

ANNÉE La forme de l’année et la distribution de ses parties variaient chez les différens peuples de l’antiquité, ce qui oblige à traiter séparément de l’année de chaque peuple.

I. Année des Grecs. L’année des Athéniens, des Lacédémoniens et de la plupart des peuples de la Grèce était à la fois lunaire et solaire, c’est-à-dire que les mois étaient réglés sur le cours de la lune, et la longueur de l’année sur le cours du soleil. Ce qui avait nécessité ce mélange, c’est que les cérémonies civiles et religieuses étaient fixées tantôt au retour ou aux différentes phases de la lune, tantôt aux différentes saisons. Mais il n’était pas facile d’accorder ces deux sortes d’années ; car chaque révolution de la lune s’opérant en 29 jours 12 heures 44 minutes, etc., l’année lunaire n’a que 354 jours 8 heures 48 minutes, etc., tandis que l’année solaire a 365 jours 5 heures 48 minutes, etc. ; aussi fut-on obligé de faire plusieurs essais, et se trompa-t-on plusieurs fois dans les premiers temps. Les Grecs ne connaissant encore la véritable division ni de l’année solaire ni de l’année lunaire, adoptèrent une année fautive de 360 jours, composée de 12 mois de 30 jours chacun. C’est à Thalès que l’on attribue cette première distribution.

1er Cycle. Mais bientôt on s’aperçut que d’un côté la révolution de la lune n’était pas exactement de 30 jours, et que de l’autre l’année de 360 jours retardait sur l’année solaire, de manière que les saisons ne tombaient plus dans les mêmes mois. On réduisit donc le mois de 30 jours à 29 et demi, ou plutôt on forma des mois qui avaient alternativement 29 et 30 jours (Voy. Mois), ce qui faisait une année de 354 jours ; puis, pour mettre cette année en harmonie avec l’année solaire, on ajoutait tous les deux ans à la fin du dernier mois un mois supplémentaire de 30 jours, nommé posidéon 2o ; ce qui faisait une période de 25 mois lunaires et de 538 jours. C’est à Solon ou du moins à son époque, au commencement du 6° siècle, que l’on rapporte cette première correction. On donna à ce cycle de deux ans le nom de diétéride (δὶς deux fois ; ἔτος, année). Les Grecs le nommaient aussi quelquefois triétéride (τρὶς, trois fois ; ἔτος, année), parce que ce n’était qu’après la troisième année que l’on recommençait à faire l’intercalation.

2e Cycle. La diétéride ne redressait pas entièrement les erreurs, et ne rétablissait pas encore l’égalité entre l’année lunaire et l’année solaire. Elle avait 6 heures 21 minutes de moins que 25 révolutions de la lune, et 7 jours 12 heures 22 minutes de plus que deux années solaires. Après plusieurs essais de correction peu connus où incertains, on forma vers le 5° siècle av. J. C. un nouveau cycle connu sous le nom d’octaétéride (ὀκτὼ, huit : ἔτος, année), ou période de huit années. On en attribue l’invention à Cléostrate de Ténédos. Supposant l’année solaire de 365 jours un quart, l’année lunaire de 354 jours, huit années solaires 2922 jours, huit années lunaires 2832 jours ; la différence était au bout de huit ans de 90 jours, dont on pouvait faire trois mois, chacun de 30 jours. Si donc dans l’espace de huit années lunaires on intercale ces trois mois, la totalité sera la même que celle des huit années solaires. Cette heureuse correction fut universellement adoptée : on répartit ces trois mois dans les huit années ; on mit le premier mois au bout de la troisième année, le second au bout de la cinquième, le troisième au bout de la huitième, de sorte que ces trois années avaient chacune treize mois au lieu de douze, et 384 jours au lieu de 354. (V. le Calendrier de l’octactéride, Tableau no  [illisible]. Ce n’est pas qu’au total il ne dût résulter quelques inexactitudes de ce système ; mais ces inexactitudes étaient légères pour l’instant, et ne devenaient bien sensibles qu’au bout de quelques siècles. Aussi quoique dans la Sicile d’habiles astronomes, Hipparque, Méton et Callipe, eussent calculé des calendriers plus précis et plus exacts, l’octaétéride resta toujours en usage dans les actes civils, soit à cause de l’habitude, soit aussi en raison de la facilité avec laquelle on la ramène aux Olympiades, et réciproquement. V. Cycle.

II. Année Romaine. Elle était primitivement composée de 304 jours, partagés en dix mois, dont le premier était mars. Mais comme cette année ne correspondait ni au cours du soleil ni à celui de la lune, Numa la réforma, et la régla sur le cours de la lune. Ce système, tout imparfait qu’il était, se maintint avec peu de changemens jusqu’au temps de J. César : à cette époque, malgré quelques corrections, le commencement de l’année était reculé de 67 jours. J. César, dans la troisième année de sa dictature, l’an de Rome 708, ordonna que l’année serait de 365 jours 6 heures ; et, comme ces six heures quatre fois répétées forment un jour, il fut ordonné que ce jour serait intercalé tous les quatre ans dans le mois de février, qui était de 28 jours, et qui se trouverait alors de 29 jours. Ce jour se plaçait après le 6e des calendes de mars, et, pour ne rien déranger aux noms des autres jours, on comptait deux fois (bis) le 6e (sextus) j. des calendes, ce qui fit nommer ces années bissextiles.

Cette année, nommée julienne de César, qui l’avait réformée, était trop grande de 11 minutes 14 secondes, 13 tierces. Quelque légère que paraisse cette différence, elle fait cependant un jour au bout de 128 ou de 129 ans, et cette anticipation était assez considérable pour qu’au 13e siècle on s’aperçût que l’ordre des saisons était troublé. On fut donc obligé de réformer de nouveau l’année. Cette réforme fut opérée en 1582 par le pape Grégoire XIII, de qui la nouvelle année que nous suivons reçut le nom de Grégorienne.

III. Année des Juifs. L’année des Juifs était de 12 mois. Dans le commencement, depuis Moïse jusque vers le temps d’Alexandre, l’année était solaire, et les mois avaient 30 jours chacun, excepté le 12e, qui en avaient 35. Depuis Alexandre les Juifs comptèrent par mois lunaires, alternativement de 29 et de 30 jours, et alors ils ajoutèrent un mois intercalaire Adar 2e, tous les trois ans.

— Les Juifs distinguaient quatre sortes d’années, non d’après des différences dans leur longueur ou leur distribution, mais d’après leur usage.

1o L’année civile ; c’était celle qui était suivie dans tous les actes de la vie civile. Elle commençait au mois de tizri, qui répond au mois de septembre.

2o L’année sacrée, que l’on suivait dans l’ordre des solennités et des cérémonies de la religion. Elle ne différait de l’année civile qu’en ce qu’elle commençait six mois plus tard, au mois de nisan, qui répond au mois de mars.

3o L’année sabbatique, qui se célébrait de sept ans en sept ans. Pendant cette année on laissait reposer la terre sans la labourer ni la moissonner, et tout ce qu’elle produisait d’elle-même appartenait aux pauvres, aux orphelins, et en général au premier qui s’en saisissait.

4o L’année du Jubilé, qui se célébrait au bout de sept semaines d’années, c’est-à dire tous les 49 ans. Elle jouissait des mêmes prérogatives que l’année sabbatique ; mais elle avait cela de particulier que ceux-mêmes qui avaient renoncé à leur liberté en reprenaient l’usage de droit, et que ceux que la pauvreté ou d’autres motifs avaient forcés d’aliéner leurs biens rentraient dans leurs possessions.