La Cité de Dieu (Augustin)/Livre IX/Chapitre XI
Il dit encore, je le sais[1], que les âmes des hommes sont des démons, que les hommes deviennent des lares s’ils ont bien vécu, et des lémures ou des larves s’ils ont mal vécu ; enfin, qu’on les appelle dieux mânes, quand on ignore s’ils ont vécu bien ou mal. Mais est-il nécessaire de réfléchir longtemps pour voir quelle large porte cette opinion ouvre à la corruption des mœurs ? Plus les hommes auront de penchant au mal, plus ils deviendront méchants, étant convaincus qu’ils sont destinés à devenir larves ou dieux mânes, et qu’après leur mort on leur offrira des sacrifices et des honneurs divins pour les inviter à faire du mal ; car le même Apulée (et ceci soulève une autre question) définit ailleurs les larves : des hommes devenus des démons malfaisants. Il prétend aussi[2] que les bienheureux se nomment en grec εὐδαίμονεσ, à titre de bonnes âmes, c’est-à-dire de bons démons, témoignant ainsi de nouveau qu’à son avis les âmes des hommes sont des démons.