La Correspondance de Bossuet/02

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AUTOUR
DE LA
CORRESPONDANCE DE BOSSUET

II[1]
B0SSUET CHANOINE RÉSIDANT À METZ


I. — BOSSUET DIPLOMATE DE GUERRE

« Bossuet, — écrivait naguère un Messin[2], — appartient à Metz par les premiers efforts et les premiers effets de son zèle, par sa préparation et ses débuts heureux d’orateur et d’apôtre. » Mais ce ne fut pas dans la chaire, on le sait, que sa supériorité s’y produisit d’abord ; ce fut dans la moins ecclésiastique des besognes.

Il arrivait à Metz à l’un des moments les plus troubles de l’histoire de France. Non pas seulement parce qu’il y avait encore la guerre étrangère… À elle nos ancêtres étaient faits. C’était l’état chronique. Et, pour le dire en passant, quelle leçon de notre passé, et trop peu admirée sans doute, que la continuité de cet état violent n’empêchât point l’accomplissement normal des autres fonctions de la vie du royaume, — que, notamment, la pensée et l’art suivissent chez nous leur cours comme si de rien n’était ! — L’épanouissement du génie français, que l’on croirait volontiers la fleur sereine de la sécurité et de la prospérité matérielle, fut presque perpétuellement accompagné du bruit des batailles, du tumulte des recrutements, des mouvements ou des logements de troupes, quand ce n’était pas de l’invasion. La France littéraire a grandi les armes en main.

Mais en 1651-1652, il y avait, en outre, la guerre civile. À la Fronde parlementaire, vite matée ou amadouée, succédait une vaste tentative de révolution seigneuriale. L’horrible XVIe siècle était encore présent aux mémoires, et ses derniers ressauts, écrasés par le despotisme salutaire de Richelieu, ne dataient que de vingt-cinq ans. Et voici que la sinistre chose semblait devoir renaître. La menace en effrayait tous les bons Français. Bossuet, — et ce que nous savons de ses ancêtres comme de son enfance nous l’expliquerait au besoin, — éprouvait autant que personne ce sentiment. Témoin, à défaut de lettres qui l’expriment, un de ces « sermons-confidences » où, à cette date, avec une belle confiance d’orateur jeune, il pensait tout haut devant des auditeurs qu’il sentait correspondre. Relisez, de ce point de vue, le Sermon sur la Bonté et la Rigueur de Dieu envers les pécheurs. C’est le premier, probablement, qu’il ait prêché à Metz, solennellement, dans la Cathédrale, le 21 juillet 1652, trois ou quatre semaines après son arrivée. Or, là, tout de suite, il dit à son auditoire nouveau son émoi. Il le dit avec intensité, avec pathétique, même, — comme l’ont très bien vu ses exégètes littéraires, — avec quelque outrance. Son thème est pris à la Bible : c’est la chute de Jérusalem ; il veut donner aux fidèles messins tout l’enseignement moral permanent qu’elle contient. Mais le noir présent le hante. Jérusalem, n’est-ce pas Metz ?[3] L’autre jour, quand il y débarqua, l’âme préoccupée de l’état de Paris qu’il avait quitté en pleine émeute démagogique, soudoyée par les Princes[4], il a remarqué, pour la première fois peut-être depuis qu’il vient à Metz, les fortes murailles « garnies de plates-formes et batteries, avec de bons remparts, treize bastions, deux ouvrages à corne, » derrière lesquelles s’abrite la ville réputée imprenable. Ces murs ne sont-ils pas pareils à ceux de Jérusalem décrits par l’historien Josèphe ? Qui sait pourtant si, comme ceux-là, ils ne tomberont pas quand viendra les assaillir ce chef de guerre redoutable, ce vainqueur de Rocroy, qui s’apprête à porter son génie et sa gloire française au service de l’Espagne et de l’Empire, — Condé ? Qui sait si, dans la vaste enceinte de quatre lieues de tour, la population des Trois Evêchés et de Lorraine qui va se précipiter, comme en un asile, ne se trouvera pas prisonnière, pour sa perte, tout de même que les Juifs dans Jérusalem condamnée ? La couleur quasi dantesque, un peu bizarre, de ce beau discours s’éclaire par l’angoisse de l’heure.

Et, en effet, tandis que de Paris à Bordeaux, du Languedoc à la Bretagne, d’Angers à la frontière lorraine la révolte des Grands gronde et gagne, on annonce que l’Archiduc espagnol et Condé, réunis, vont « entrer en France avec des forces considérables. » Dans l’été de 1652, Metz peut se croire, des premières, menacée.

Bientôt Condé surgit au Nord-Est. Décrété de lèse-majesté, il médite, en effet, des desseins mystérieux dont la réalisation violente aurait cette région pour théâtre. Il a toujours rêvé de devenir le héros d’on ne sait quelle épopée d’aventures, le fondateur d’un empire créé par lui, pour lui. Profitant de ce que Turenne reste à Paris à garder le petit roi, et de ce que Mazarin se terre en son gouvernement de Sedan, Condé vient se fortifier dans son domaine à lui, à Clermont-en-Argonne, à Stenay, et, tout de suite, élargit ce domaine en s’emparant de Château-Porcien, de Bethel, de Sainte-Menehould, de Bar-le-Duc, de Mouzon, de Commercy, de Saint-Mihiel. Il paraît en humeur et en mesure de se tailler par l’épée un « royaume d’Austrasie[5]. »

Il est vrai que, dès la fin de 1652, une partie de ces villes, prises trop vite, lui échappe. Au milieu de l’année 1653, il cesse de viser Metz qui, du reste, en sa fidélité au roi de France n’a pas bronché.

Mais si elle respire, elle n’est pas pour cela hors d’affaire. Le terrible partisan est encore bien proche. Il a retiré ses troupes en Hainaut, parce qu’il compte, pour les refaire, sur les Espagnols des Pays-Bas, qui rechignent. Or, cette subsistance, c’est pour lui le gros et importun souci ; à cette difficulté de ravitaillement il se heurte avec colère, lui, le général de « mouvements, » que les « quartiers » d’hiver impatientent. Et puis, son armée grossit trop, d’inutiles renforts, — fuyards de Paris ou de la Fronde bordelaise avortée, aventuriers de partout, épées besogneuses, tous gens indésirables qu’il faut nourrir, en plus de ses vieux soldats.

Alors il emploie le procédé classique : il terrorise. « Il excelle à tout détruire derrière lui, gîtes et ressources. » Dans cette cruauté, que les deux belligérants pratiquent, il a la palme : c’est le Duc d’Aumale, son admirateur impartial, qui le déclare avec tristesse : « les moindres billets de M. le Prince témoignent alors d’un extrême acharnement. » Et quand il a sévi, aux villes grandes et petites, — dont il n’a pas voulu ou pas pu faire le siège, et que ces spectacles de férocité tout voisins instruisent de ce qui les attend si elles résistent, — il réclame impérieusement des vivres ou de l’argent.

Metz reçoit cette double sommation. Condé envoie d’abord ses colonnes volantes rançonner les cultivateurs des alentours, enlever les bestiaux, faire des prisonniers jusqu’aux portes de la ville. Il ne laissera les Messins tranquilles, jusqu’à nouvel ordre et pour l’année, que s’ils lui versent dix mille livres, trente mille francs environ, — un lourd tribut en ces années de détresse.

Les Messins acceptèrent le marché. En tout honneur du reste. Ces « sauvegardes » étaient admises. Les gouverneurs militaires des villes frontières des pays belligérants avaient pour les conclure l’agrément de leurs souverains respectifs. Deux ans après, l’insoupçonnable Fabert, à Sedan, négocia avec Condé un accord semblable.

Mais à la fin de l’été de 1653, les exigences de Condé s’accroissent. C’est mille livres de plus qu’exige Jacques Caillet de Chanlot, son secrétaire des commandements, et il veut aussi de nouveaux modes de paiement plus onéreux. Le Conseil des Trois-Ordres qui administrait Metz s’émut. Fut-ce à ce moment que Bossuet y entra comme délégué du Chapitre de la Cathédrale ? Déjà, en tout cas, les chanoines l’avaient nommé syndic, convaincus apparemment, dès lors, que « l’intrus » de 1642 n’était pas un inutile. Voici qu’elles se révélaient opportunes et précieuses, ces « belles relations » des familles Bretagne et Bossuet qu’on avait sans doute copieusement reprochées au conseiller Bénigne et à son fils. Quand le duc d’Enghien était gouverneur de Bourgogne, la « robe » de Dijon avait eu avec lui des rapports pleins de cordialité : présidents, conseillers, avocats, avaient l’honneur de le voir au Palais à l’audience, d’être reçus chez lui, de le recevoir à leur tour. En 1639, il avait soupé chez un Bossuet. Aussi neuf ans après, on le sait, à Paris, le 24 janvier 1648, au soir d’une soutenance de Jacques Bénigne, il avait daigné venir à la Sorbonne, escorté de ses officiers et de valets portant flambeaux, pour assister jusqu’au soir aux premières armes théologiques de son jeune ami dijonnais. Nul ambassadeur, assurément, ne pouvait lui être plus agréable que le nouveau chanoine ; et il y paraît, ce semble, dans la lettre courtoise par laquelle, le 12 octobre 1653, Condé, informé du fait que Bossuet et Bancelin viendraient négocier avec ses agents, promettait de se contenter des dix mille livres de l’année précédente. Ce billet n’a rien des rogues missives dont un contemporain nous dit, à cette date précisément, qu’elles « ressemblaient à des ordres de guerre, » lors même qu’elles s’adressaient à la Sérénissime Altesse de l’Archiduc gouverneur des Pays-Bas espagnols.

Seulement, ce ne fut pas au Prince lui-même que Bossuet eut affaire, au château de Stenay, où deux « tambours, » l’un français, l’autre espagnol, l’ont amené avec son compagnon. Ce fut à Chanlot. Et Chanlot, secrétaire dévoué du maître, non seulement défendait les intérêts du Prince plus opiniâtrement que n’eût fait le Prince lui-même, mais il n’oubliait pas les siens propres. Pour se rendre traitable, « M. Chanlot veut un beau présent. » C’est ce que le jeune chanoine explique aux magistrats de Metz, en termes précis, sans indignation. Il se rend bien compte au surplus que, par écrit, on n’aboutit guère. Il n’hésite pas à en appeler de nouveau à Condé et le voilà qui fait un second voyage à Stenay. En quoi il avait quelque mérite. Dans ce pays « en proie » à toutes les armées, les chemins n’étaient pas sûrs ; plus d’une fois en ce temps-là, des membres du Parlement en mission furent pris ou tués. Trois ans auparavant, en avril 1650, Bossuet l’avait échappé belle lui-même. Retournant de Toul à Paris, pour y achever son doctorat en théologie, il était tombé, entre Ligny et Bar-le-Duc, dans un parti d’Allemands, et ne s’était échappé qu’avec peine[6].

Revenu à Stenay, il finit par obtenir tout : le chiffre désiré des Messins et le maintien des conditions de paiement antérieures, sans même grossir le « présent » qu’acceptait l’honnête secrétaire. En novembre, c’était réglé. L’ancien petit syndic du collège de Navarre, déjà confirmé orateur, s’avérait homme d’action. Il allait se révéler homme de lutte.


II. — BOSSUET ET LA CONCURRENCE PROTESTANTE

Le Protestantisme a tenu, dans la vie de Bossuet, trop de place, les idées qu’il a exprimées à son sujet, surtout vers la fin de sa vie, sont encore aujourd’hui trop dignes d’attention, pour qu’il n’y ait pas intérêt à noter avec soin leur premier contact. Mieux encore que ses sermons de Metz, — et en tout cas autrement, — ses lettres de Metz nous le montrent.

Quatre d’entre elles parlent des Protestants : la première en date, adressée par lui, en avril 1655, au maréchal de Schomberg, gouverneur de la ville de Metz et du pays messin, en lui dédiant la Réfutation, qu’il vient de composer, du Catéchisme de la Réformation publié l’année précédente par le ministre protestant messin Paul Ferry ; — les trois autres, adressées, en février 1658, soit à saint Vincent de » Paul, soit à son confrère Demonchy.

Toutes quatre, disons-le tout de suite, ont le même caractère franchement polémique.

La première est un conseil chaleureux à Schomberg d’agir contre les Protestants : « Je ne vois rien de plus grand en votre personne que… cette inclination généreuse d’appuyer la religion, » non seulement « par votre exemple » mais « par votre autorité. » « Parmi vos conquêtes, il n’y en a point de plus glorieuses que celles que nous voyons tous les jours, par lesquelles vous gagnez à Dieu des âmes. »

Les trois autres lettres sont des dénonciations et des instances, auprès de saint Vincent de Paul, dans le même sens, afin que lui, aussi, il emploie l’autorité contre les ennemis de l’Eglise. C’est d’abord au sujet « d’une chose qui s’est passée » à Metz » depuis quelque temps et sera bientôt portée à la Cour. Une servante catholique décédée chez un huguenot, marchand considérable, a été étrangement violentée dans sa conscience. » Elle avait fait, « toute sa vie, profession de la religion catholique. » Son maître a prétendu que, « cinq jours avant sa mort. elle avait changé de religion ; il a écarté le prêtre de son lit de mort Vous voyez assez, de vous-même, monsieur, quelle est » ici « l’impudence de ceux qui, ayant reçu, par grâce, du Roi la liberté de conscience dans son État, la ravissent dans leurs maisons à ses sujets leurs serviteurs. Certainement cela crie vengeance. » Cependant les Ministres et le Consistoire « soutiennent cette entreprise » et vont à la Cour récriminer contre les plaintes catholiques. « Je vous supplie, monsieur, d’employer en cette rencontre tous les moyens que vous avez pour empêcher qu’on n’écoute ces députations séditieuses et faire que les choses demeurent dans le cours ordinaire de la justice, selon lequel ils ne peuvent pas éviter d’être châtiés de cet attentat contre les Edits et la liberté des consciences. »

Autre affaire analogue : « Le Roi, ayant accordé à ces Messieurs, par grâce, deux pédagogues pour leurs enfants, à condition que ces maîtres seraient catholiques, ils vont demander des gages pour eux » à la Ville. « Cela n’a justice » ni raison, « mais, » comme ils savent qu’apparemment on ne leur accordera pas leur demande, je me trompe bien fort si leur dessein n’est pas d’obtenir qu’on leur donne la liberté de payer des maîtres pris dans leur religion. Je ne vous dis pas, monsieur, maintenant ce que vous avez à faire sur ce sujet ; c’est assez que vous soyez averti… »

Que ces griefs fussent fondés ou non, nous n’avons pas ici à l’éclaircir. Mais vous voyez le geste et le ton. Ton animé, impérieux : ici et alors, Bossuet est évidemment en plein dans le combat confessionnel local. Il épouse les rancunes, il partage les passions, il les sert, il fait le coup de feu.

Or, cette attitude a de quoi surprendre, comparée au ton de modération relative des sermons et des écrits de cette époque de Metz où il est question des Protestants. Non pas que, là même, la parole du prédicateur soit douce : le ministre Paul Ferry, qu’il traitera plus tard en ami, est alors « ministre d’iniquité ; » — non pas que dans la Réfutation du Catéchisme de Ferry, la critique des inexactitudes ou des mauvais raisonnements de l’adversaire ne soit poussée plus d’une fois sans ménagement. Mais, tout de même, dans les Sermons un accent de fraternité chrétienne, dans la Réfutation un air de sérénité philosophique règnent, qui rendent un peu étrange, dans les lettres que je viens de résumer, cette adhésion si vive à des polémiques de fait. Il semble que Bossuet homme soit, alors et ici, moins modéré que ne l’est Bossuet controversiste.

Je le crois en effet. Et en regardant autour de lui je crois me l’expliquer,

En regardant d’abord le milieu catholique où il vit. Sans doute son père, le conseiller Bénigne, n’est pas fanatique. En 1655, précisément, le maréchal de Schomberg ayant fait opposition à la réouverture du temple de Courcelles près Metz, il y eut enquête sur les titres en vertu desquels les calvinistes prétendaient exercer leur culte à Courcelles, et, en 1656, de cette enquête un acte de notoriété sortait, « établissant leur possession depuis un temps immémorial. » Cette pièce est signée du père de Bossuet, et ce fut elle qui permit à deux notables du protestantisme messin. Le Duchat et Bancelin, d’obtenir de la Cour l’autorisation refusée par Schomberg[7].

Mais le clergé n’était pas aussi tolérant, le haut clergé du moins, trop cupidement attaché, nous l’avons assez vu et le verrons encore, à ses privilèges et à ses profits, pour ne pas traiter en ennemis ces dissidents qui le diminuent. Tel était le cas de Mgr dom Martin Meurisse, ce suffragant auquel Henri de Verneuil avait confié l’administration de son diocèse, jusqu’en 1642 où Meurisse mourut. Lui, c’est l’anti-huguenot furieux. Lisez plutôt sa significative Histoire du Progrès et de la Décadence de l’hérésie à Metz. La décadence, il la proclame bien entendu ; mais il confesse aussi la persistance du mal. Et il invective les « bêtes puantes, » le « dragon infernal, » et il déplore la nécessité d’État, qui « oblige » les catholiques de Metz « à converser parmi les serpents. » L’honnête Bédacier, qui lui succéda, était moins combatif sans doute ; — mais ceux qui ne désarment point, ce sont les chanoines, confrères de Bossuet ; c’est le primicier ou princier du chapitre, l’abbé de Coursan : six ans plus tard, il sollicitera l’expulsion pure et simple, de Metz, de « toutes les familles protestantes qui s’y sont établies depuis moins de trente ans. »

Devenu un des chefs du Chapitre, le jeune archidiacre Jacques Bénigne a bien pu être forcé de suivre la troupe belliqueuse des anciens.

D’autant qu’à cette date, sur la même pente, d’autres de ses fréquentations le poussaient. Il y avait déjà, sans doute quelques années, nous l’avons dit, qu’il s’était affilié à cette Compagnie secrète du Saint-Sacrement dont M. Vincent n’était guère moins l’inspirateur qu’il n’était le supérieur et directeur de la Conférence des prédicateurs de Saint-Lazare. Cette Compagnie, Bossuet la retrouve à Metz ; dès 1644, Martin Meurisse n’avait pas manqué d’en doter sa ville. Et, en 1651, le nouveau gouverneur Schomberg s’y laissait agréger. Or, à Metz comme ailleurs, la « Compagnie de M. de Renty »[8] mettait au premier rang de ses pieuses besognes l’assaut contre les protestants. Les années 1656 à 1658 précisément manifestent une recrudescence de son offensive. Par ses soins, la maison de la Propagation de la Foi, fondée depuis 1648, se ranime, et grâce à elle, sans doute, de nouvelles religieuses arrivent de Paris en renfort. Dans ces trois années, à Metz, les démonstrations menaçantes contre les protestants se multiplient[9], mais aussi les coups effectifs, suggérés évidemment par la sainte Ligue secrète, préparés et organisés par elle, selon ses habituels procédés. S’inquiétait-on de voir dans les « commandements militaires » des huguenots, et voulait-on commencer par faire destituer le gouverneur du château, d’Ennery ? Croyait-on devoir, par des conflits plus ou moins provoqués, réveiller contre les religionnaires l’animosité du public, endormie par la fâcheuse tolérance ? Voulait-on empêcher les protestants de profiter de la licence que le jeune Roi vient de leur donner, « imprudemment, » d’avoir des maîtres d’école spéciaux pour eux (maîtres catholiques, du reste) ? Voulait-on mettre des entraves à l’achèvement, à l’ouverture, à la fréquentation commode de leur temple, reconstruit par eux à grands frais ? Travaillait-on à fermer l’hôpital aux pasteurs, de peur qu’ils n’y exerçassent leur prosélytisme en gênant celui des catholiques ? — En toutes ces entreprises de défense ou d’attaque, vous trouveriez, dans les archives messines, ces mémoires juridiques non signés, ces « rapports » documentaires anonymes, qui, par des intermédiaires indirects et sûrs, atteignant les « puissances, » les animaient à se départir d’un trop indulgent laisser faire et leur indiquaient les moyens, discrets, mais radicaux, prompts et pratiques du bon combat.

À ces campagnes, dans quelle mesure Bossuet collabore-t-il ? Il prit part surtout, ce semble, au prosélytisme qui visait les familles et les enfants. Quand, en avril 1657, Schomberg obtient enfin, non sans difficultés, de la Cour, des lettres patentes pour la maison des Nouvelles converties, c’est Bossuet qui, alors à Paris, les apporte, et qui, en passant à Toul, les fait enregistrer au Parlement. C’est lui aussi qui, en novembre de la même année, donne à cette maison, définitivement fondée, des règlements. C’est lui encore, — nous aurons à le rappeler tout à l’heure, — qui prêche à la prise de voile de Claude Maillard, une des sœurs militantes expédiées de Paris à la rescousse par le siège directeur du Saint-Sacrement. C’est lui, enfin, qui, en février 1658, devient supérieur de la maison d’Allix Clerginet. Donc, il est, dans la milice secrète, plus qu’un adhérent platonique : un membre actif. Dans les exhortations d’énergie à Schomberg, dans les appels « excitatifs » à l’intervention parisienne de saint Vincent de Paul, Bossuet membre de la Compagnie du Saint-Sacrement paraît.

Mais ce qu’il faut se rappeler surtout, pour comprendre ce Bossuet initial si combattif, c’est ce que les protestants sont à Metz en ce temps-là.

D’abord, ils sont très nombreux : en I642, dix mille environ, plus d’un tiers, ce semble, de la population urbaine. Dans les alentours, cent cinquante villages renferment des calvinistes. Les quelques statistiques qui nous restent n’indiquent pas que, dans les quinze années suivantes, ils aient diminué. De 1652 à 1660, ils baptisent, par an, de deux cent quarante à deux cent quatre-vingt-dix enfants ; ils font de quarante-cinq à soixante mariages. Un dénombrement de 1684 comptera encore, postérieurement à des émigrations probablement nombreuses, environ quatre cent vingt familles réformées.

Considérable, cet effectif n’est point cantonné, comme alors en quelques villes, par peur ou par honte, en de certains quartiers. Si les calvinistes sont denses principalement sur la paroisse Saint-Maximin, ils sont répandus aussi sur les paroisses Sainte-Croix et Saint-Jacques, Saint-Martin, Saint-Jean, Saint-Victor, Saint-Gorgon. Sur cette dernière, toute petite, il restera, en 1680, deux cent soixante-sept huguenots, hommes et femmes, il y en a jusque dans ce quartier de la cathédrale où Bossuet habite : rue des Pècheresses, rue des Clercs, rue de Jurue, rue Taison, rue Fournirue, dans ces deux dernières surtout où, en 1684, il subsiste quatre-vingt-dix-neuf familles. En 1652, Bossuet doit trouver tout le temps des protestants sous ses pas.

Ils sont intelligents, actifs et riches. Dans les professions libérales, ils ont plus que leur contingent : « plus de la moitié des médecins et des apothicaires, » — dit un État présent de l’hérésie, dressé en 1654 probablement par des informateurs zélés du Saint-Sacrement ; — « plus de la moitié des avocats, trois procureurs, un commis au greffe, tous les clercs du greffe. » Ils ont des ingénieurs, des officiers et quatre conseillers au Parlement. En 1684, après les progrès et les succès de la grande persécution, ils conserveront la meilleure part du commerce et de la petite industrie : orfèvres, horlogers, droguistes, armuriers, tonneliers, merciers, chaussetiers, tailleurs, sculpteurs, graveurs en taille-douce, libraires. En 1654, « les deux tiers des changeurs sont religionnaires, » et les changeurs, c’étaient les banquiers. Religionnaires aussi à cette date, « quasi tous les marchands et les orfèvres qui sont les plus riches. » Leur richesse s’étale et au centre de la ville et aux faubourgs. C’est un huguenot « qui a fait bâtir la belle maison proche de Saint-Simplice ; » ce sont des huguenots qui « ont bloqué, » — comme s’exprime, indigné, l’informateur susdit, — la ville de Metz « par leurs châteaux et maisons des champs. »

Nombreux et opulents, ils sont influents. Ils n’ont pas le moins du monde cette humilité découragée qui parfois hâte la disparition des minorités énervées. Sans doute ils voient bien, et ils disent sans hésiter, que la fréquence des mauvais procédés gouvernementaux à leur égard atteste, — malgré quelques égards de forme, trop visiblement intéressés, — une malveillance intime et suivie. Mais de cette malveillance ils n’ont cure. Ils sont forts de leurs droits, qu’ils appuient sur l’Edit de Nantes, par le bienfait duquel, à Metz, durant la première moitié du XVIIe siècle, ils ont vécu paisiblement, — l’historien calviniste Elie Benoist l’avoue, — « dans les choses qui regardent proprement la religion. » Ces droits, ils les font valoir, soit au Parlement, institué à Metz en 1633 pour les Trois-Evêchés, soit dans les corps élus de la Ville. Au temps où Metz était administré par les « Treize, » ils y avaient toujours des représentants. Ils en gardent dans l’Assemblée des Trois Ordres et dans l’Echevinage ; « la moitié » en 1654 parmi les Echevins, et qui ne sont pas les moins agissants. Nous avons vu un Bancelin député près du Prince de Condé avec Bossuet. « Les Echevins administrateurs de l’hôpital et des moulins, » les deux receveurs des contributions de la ville et des villages » sont huguenots. La milice du pays est commandée par deux officiers calvinistes.

Que de ces établissements, de ces honneurs et de cette influence ils n’abusent pas parfois, c’est le contraire qui étonnerait. Qu’ils ne soient pas ombrageux et rétifs, il se peut. « Messieurs de la huguenoterie, — disait cette note de police catholique de 1654, — ne veulent plus être appelés de la Prétendue. » Ils sont fiers aussi et trop portés à faire, ainsi que l’écrivait l’évêque Martin Meurisse, « bande à part. » Peut-être, à l’occasion, leur prosélytisme est-il provocateur. Le fait dont Bossuet se plaint à M. Vincent avec les circonstances qu’il donne, n’a rien d’invraisemblable. Sûrement enfin, semble-t-il, — et c’est le cas dans tous les milieux étroits, — ils sont volontiers taquins. Dans les rues, « leurs violleurs et Auteurs chantent publiquement les Psaumes, » et « d’aucuns relaps fredonnent par moquerie le Salve Regina. » En 1654, de leur paroisse de Courcelles, Schomberg chasse un « petit prédicateur » bénévole, qui « faisait le ministre, » probablement avec les excès de zèle d’une initiative sans mission.

En tout cas, il ne semble point que ces prévarications fussent graves. S’il était vrai, ce que l’évêque Meurisse prétend, que, « dans les métiers où ils sont maîtres, ils maltraitent cruellement les catholiques en les écartant des maîtrises, » il y aurait eu à Metz, dans ce XVIIe siècle où l’orthodoxie catholique se sentait forte de l’appui du pouvoir, des émotions populaires telles qu’il s’en produisit autre part. On n’en voit point. En 1610, Abraham Fabert l’imprimeur n’aurait pas célébré avec tant de ferveur, au sein même de sa ville, « la bénévolence et l’amitié, dont catholiques et protestants s’entr’aident les uns les autres, » autant « que l’humaine société peut le désirer, » si cette bonne volonté protestante dans la France en reconstruction n’avait pas été déjà visible. Durant le cours du siècle, à Metz comme sur presque tous les points de la France, les recommencements tentés par les seigneurs, rompus par Richelieu, de la lutte religieuse, échouent, et le lien national s’affermit. Le bon sens français n’avait pas mieux demandé que de se résigner en ces matières de culte, à « cette diversité de tons qui flatte l’oreille, — comme disait le bon Fabert, — pourvu que les règles de musique y soient observées. » Et voici justement qu’en 1654, te ministre protestant Paul Ferry, à la fin de son Catéchisme, écrivait noblement « Vivons si bien avec tous, qu’il paraisse que (la croyance) seule nous sépare, et que, de même que nous avons nos gouverneurs, nos lois, nos coutumes, notre justice, nos murailles communes avec les catholiques, nous y avons encore nos affections. » Contre cette affirmation de l’union loyale qui régnait à Metz, sans doute nul ne réclamait parmi les laïques sinon les zelanti du petit groupe où Bossuet se trouvait enrégimenté.

Pourquoi, d’ailleurs, les gens sages eussent-ils réclamé contre cet apaisement, produit du temps, et qui, s’il ne faisait pas l’ « unité », faisait la paix ? Les réformés de Metz n’offraient-ils pas aux esprits sérieux un spectacle digne de respect, — celui d’une « erreur » dont la bonne tenue excusait la constance ?

Leur fidélité française et monarchique était parfaite : les plus exaltés controverseurs n’osaient même pas la mettre en doute. Leur bonne volonté chrétienne était visible ; leur valeur spirituelle, imposante.

Ils ont trois temples, un en ville, l’autre à la Horgne, l’autre à Courcelles. Ils ont vingt-deux écoles, à quelques-unes desquelles fréquentent même des enfants catholiques. Ils ont même, en 1634, failli avoir un collège, qui se fût ouvert, sans la résistance acharnée des Jésuites, avec près de cent élèves pour effectif de début. Ils ont cinq pasteurs, dont quatre en ville ; deux consistoires, l’un pour la ville, l’autre pour les villages. À chaque pasteur sont attachés plusieurs diacres, chargés du soin des pauvres. Tous ces organes fonctionnent de concert. Composé des quatre ministres et de vingt anciens, le Consistoire se réunit une ou deux fois la semaine. En ville, il y a service tous les deux jours dans chaque temple ; on prêche une fois chaque mercredi et vendredi, deux fois chaque dimanche. Les réunions cultuelles sont presque aussi fréquentes au temple qu’à l’Eglise. La moralité est incontestable. Le Consistoire est une magistrature morale autant que spirituelle, tribunal d’enquête, de censure et de conciliation tout à la fois. Les scandales semblent rares. Les fidèles sont généreux, — nous verrons tout à l’heure Bossuet le constater. — « Nul pauvre protestant ne mendiait par la ville, dit le biographe de David Ancillon ; dans les assemblées, point d’habits misérables. » « Lorsque, en 1666, écrit au siècle dernier le pasteur Othon Cuvier, le gouvernement demanda aux Consistoires de combien de deniers ils imposaient leurs adhérents, le Consistoire de Metz put répondre fièrement « qu’il n’imposait rien à personne » et qu’encore qu’il fallût rémunérer quatre pasteurs, entretenir ou rebâtir les temples, subvenir aux besoins des pauvres comme à ceux du culte, des écoles locales et des étudiants envoyés aux Académies, « les offrandes volontaires suffisaient. » Parfois même et sans peine, on faisait aux protestants de la vieille France d’extraordinaires libéralités. « Ainsi, en 1661, deux cents livres étaient votées » par le Consistoire « pour le traitement d’un second professeur de théologie au collège calviniste de Die en Dauphiné. » Et un autre jour, à la suite d’un sermon prêché pour les religionnaires persécutés en France, Ancillon recevait mille ducats avant le soir.

Vraiment, quand les cortèges des baptêmes, mariages et enterrements, défilent, en plein jour, et » en grande compagnie » malgré les ordonnances, mais sans aucun scandale, à travers la ville ; — quand le pasteur Ferry, qui, originaire du pays, est là depuis cinquante ans, et que secondent son petit-fils Couet du Vivier, puis son gendre Bancelin, — quand ce pasteur, « personnage majestueux, » dit un contemporain, au profil ascétique, passe gravement en robe longue, ou en soutane à manches et à rabat, — le vulgaire le distingue-t-il nettement des prélats ou des prêtres catholiques ? Ce « fidèle ministre du saint Evangile, comme il s’intitule, n’égale-t-il pas en prestige les chanoines « les plus accommodés ? » Et « l’Église du Christ » qu’il gouverne avec ses collègues, est-elle moins bien ordonnée que l’autre ? A-t-elle moins que l’autre figure et substance d’Eglise ?

Or, voilà ce que Bossuet trouve à Metz[10].

Et ce spectacle, sans doute, ne répond guère ni à ce qu’on lui avait enseigné aux Ecoles, dans les cours de controverse du collège de Navarre, sur le compte du protestantisme, ni même à ce qu’il a entendu ou vu à Paris. Même en avait-t-il vu, des protestants, à Paris, autrement que dissimules et perdus dans la masse ? Était-il allé jamais à Charenton, ou seulement aux « services » clandestins, qui se tenaient dans les chapelles des ambassadeurs étrangers protestants ? Avait-t-il causé avec d’autres hérétiques que M. de Ruvigny, ou M. de Turenne, ou M. Conrart, ou autres gens du monde, protestants de cour et de société, sans signes visibles, hérétiques réservés, discrets, émoussés, portant dans les compagnies avec une sorte d’embarras, comme un habit démodé, une croyance qui n’est pas celle du Roi ?

Eh ! bien, à Metz, au contraire, il voit « l’hérésie » vivante, il la touche et la mesure. Elle se révèle à lui, et non point telle que ses cours ou ses livres de controverse la lui dépeignaient : erreur expirante, branche dont la rupture a épuisé la sève, monstruosité que la France élimine et qui ne demande que le coup de grâce ; infime « petit troupeau, » dispersé, discrédité ; secte boiteuse n’ayant qu’obstination et qu’impudence, mais point de véritable assurance en soi ni de ressources et de vigueur solide… Il s’en faut de tout. De cette révélation, sa foi n’est pas ébranlée, je le sais bien : car elle est trop fondée en raison. Mais tout de même, l’orgueil naïf de convertisseur qu’il apportait de Paris est déçu. Et comme il a vingt-sept ans, le réflexe immédiat de cette désillusion, ce n’est pas l’acceptation résignée d’une réalité contraire à ses rêves ; c’est une sorte de dépit irrité, c’est la tentation de recourir, contre l’ennemi reconnu plus fort, aux moyens de force. Cette vision déconcertante d’un protestantisme inattendu, dont la forte et brillante réalité messine était pour l’Eglise catholique une redoutable concurrence, voilà où il faut chercher l’une des causes, et la plus vraie sans doute, de l’attitude polémique par où Bossuet, dans ses rapports avec les protestants, débute.

Plus tard seulement, de cette expérience désagréable, il saura tirer un enseignement : celui d’estimer et de ménager le protestantisme en le combattant ; — celui de chercher ce qui le rapproche de cette Église catholique » dont il est la contrefaçon spécieuse ; — celui de le discuter dans ses racines et son essence religieuse plus que dans ses doctrines erronées. — Mais ce changement heureux, nous ne le verrons s’esquisser qu’un tout petit peu dans la période présente ; par exemple, dans une de ces lettres, dont je parlerai tout à l’heure, à la directrice de la Propagation de la Foi de Metz, où il osera représenter à cette professionnelle du prosélytisme, que, dans les plans de Dieu, l’hérésie a sa raison d’être, et que les hérétiques ont en quelque sorte leur place dans l’Église. Mais cette lettre ne sera écrite qu’en 1659. Pour le moment, au commencement de 1658, il est, comme tous ceux de son milieu habituel, tenté de violence et de persécution.


III. — L’INFLUENCE DE SAINT VINCENT DE PAUL

C’est sur un autre point du développement chrétien de Bossuet que nous offrent encore quelques indications précieuses les lettres écrites par lui à saint Vincent de Paul à propos de la mission de Metz.

Il prêchait beaucoup dans ces premières années, on le sait, mais ce que l’on ne sait jamais trop, c’est avec quelle ardeur il accomplissait cette partie du devoir sacerdotal. Qu’il fût un de ces vrais et fervents prédicateurs qui s’inquiètent des effets utiles de leur parole, ce n’est pas là une de ces suppositions optimistes comme s’en est permis trop souvent l’admiration illimitée de quelques-uns de ses biographes. La rédaction même, et jusqu’à l’écriture de ses sermons, dont nous avons tant d’autographes, attestent l’homme qui fait sa besogne de toute son âme, qui veut persuader, qui prétend obtenir des résultats, qui a l’ambition de l’apôtre. — Or, à Metz, après quatre ou cinq ans d’exercice, il ne paraît pas que sur ce point il fût très satisfait. En 1656-1657, fréquemment, il accuse ses auditeurs de tiédeur, de torpeur : ainsi sur la charité due aux pauvres, qui le préoccupe tellement, il a des explosions de sainte colère : « Quelle insensibilité ! quelle dureté ! » Voulez-vous donc « attendre que les ennemis de la foi prennent, » eux, « le soin des misérables ? » — Assurément il appelait de ses vœux du renfort et la secousse salutaire d’une mission. Nul doute qu’en 1657, quand la Cour vint à Metz, il n’ait été de ceux qui sollicitèrent de la Reine-Mère l’envoi d’une de ces expéditions spirituelles que les Dévots multipliaient pour reconquérir la France a un catholicisme effectif.

Ce fut à M. Vincent qu’Anne d’Autriche fit appel[11]. Le choix, à regarder Metz, était excellent. Le saint homme, depuis 1635, avait consacré une large part de son activité au soulagement matériel et moral des provinces ruinées par la guerre. Par un chef-d’œuvre de patiente vaillance et d’ingénieuse obstination, il avait, dans le Nord-Est de la France, réalisé ce miracle : « d’exercer, » comme dit Abelly son biographe, « toutes sortes d’œuvres de miséricorde spirituelle et corporelle, avec ordre, avec sûreté, parmi la terreur et le désordre des armées. À l’égard de peuples entiers, et durant une longue suite d’années, où la Justice et les Lois n’avaient plus de force, il avait fait régner la Charité. » En 1640, au témoignage des Echevins de Metz, il avait sauvé la ville « envahie en dedans, assiégée au dehors par une armée de quatre ou cinq mille pauvres. » Dans les Trois Evêchés, dans la principauté de Sedan, en Lorraine, son nom était populaire. « Il faut que M. Vincent soit lorrain, disait-on, pour être aux pauvres Lorrains si secourable. » À Metz, une première mission de ses prêtres, en 1644, avait été un triomphe : Jean Bouchez, en son si émouvant journal, décrit la conduite que firent les Messins, au départ, jusque dans les vignes du Sablon, à « ces bons ecclésiastiques qui s’étaient comportés moult gentils au service de Dieu et des hommes, et qui si dévotement endoctrinaient les petits enfants. » On pouvait croire que cette fois encore ses envoyés seraient « accueillis comme des anges. »

Ce ne furent pas en 1658, je Vin dit déjà, des « prêtres de la Mission » proprement dits, mais des « messieurs » de la « Conférence des mardis. » Le jeune Bossuet leur était affilié déjà ; invité à collaborer avec eux, il accepta d’être leur coopérateur en sous-ordre, « dans les choses, » écrit-il modestement, dont on le jugerait capable. » Il commença par préparer leur venue. Comme M. Vincent avait posé pour règle, que, quand ses prêtres viendraient en un endroit, les stations commencées devraient s’interrompre, Bossuet aide Mgr Bédacier de sa diplomatie pour débarrasser le terrain d’un prédicateur dominicain de la maison de Tours que l’évêque a engagé, pour le Carême, antérieurement à la démarche de la Reine mère, et qui ne veut pas s’en aller, — sans indemnité. — Bossuet se charge de l’entretenir en particulier, mais il conseille à M. Demonchy, délégué de M. Vincent, d’être bien conciliant, pour « éviter quelques murmures du peuple. » D’ailleurs c’est surtout, semble-t-il, de ses bons confrères du Chapitre qu’il se méfie ; toujours grincheux, ils n’hésiteraient guère à susciter quelques difficultés à l’évêque, dussent-ils « traverser l’œuvre. » « Je tâcherai de tout mon pouvoir de faire prendre un autre cours aux choses… Je veillerai soigneusement. » — Il aide, en même temps, le lieutenant du Roi à Metz à assurer l’installation matérielle des « Messieurs » de Paris : lits, matelas, draps et couvertures, linge de table, plats et batterie de cuisine. Il négocie avec les cuisiniers de la ville un prix raisonnable pour la nourriture : il marchande : « quarante sols par jour, c’est excessif pour Metz. » — Petits soins qui sur la simplicité de Bossuet nous édifient, et sur son côté d’homme d’affaires, nous instruisent.

Voici maintenant autre chose, dans ces lettres précieuses[12] : voici l’effet que la mission fait sur lui-même. La brave troupe est venue, malgré les inondations qui rendaient, cet hiver-là, les chemins périlleux. La prédication des « messieurs » s’est poursuivie, sous la direction de l’abbé de Chandenier, tout le carême. Bossuet remercie et félicite saint Vincent de Paul. Sans phrases, certes. « Je m’épancherais avec joie sur ce sujet-là,… » dit-il. Mais il ne s’épanche point : M. Vincent n’est-il pas « informé d’ailleurs et par des témoignages plus considérables que le sien ? » Toutefois le peu qu’il dit, gravement, est très notable. Il dit en quoi consiste son obligation personnelle aux missionnaires qu’il a vus travailler et avec lesquels il a travaillé en union : c’est qu’ils lui ont inspiré le désir de « prendre leur esprit, » de « chrétiennement prêcher l’Évangile. »

Qu’est-ce à dire ? Sans doute c’est la forme, d’abord, que vise cet éloge reconnaissant. État-major de l’armée des missionnaires de M. Vincent, M. de Chandenier et ses collègues ont apparemment parlé comme les simples soldats et comme le saint lui-même : dans une simplicité toute nue, dans l’ « horreur » de « se prêcher eux-mêmes, et non pas Jésus-Christ[13]. » Des plans très clairs, sobrement divisés, et avec le relief d’une netteté insistante ; — quelques idées fortes, dominant chaque partie, enchaînées non par leurs développements, mais par leurs sommets : — des préceptes précis, analogues aux « ordonnances » quotidiennes d’une retraite ; — de la lumière beaucoup, et, rien qu’à la fin, du sentiment ; — un mélange de doctrine catéchétique et de « direction » très pratique. — Et de fait, telle est bien la méthode didactique, le ton « facile et familier » que, depuis 1658-1659 jusque vers 1661, Bossuet va s’efforcer et réussir à prendre. Judicieusement, on l’a remarqué (Sainte-Beuve) ; abondamment, on l’a prouvé (Eugène Gandar) ; à leur suite, tous les critiques littéraires ont reconnu que cette période de 1658 à 1661 tranche aussi distinctement dans l’histoire de l’éloquence de Bossuet qu’une « couche » dans la série des superpositions terrestres.

Mais « prêcher chrétiennement, » cela s’entend du fond aussi. Cela signifie prêcher avec une exactitude rigoureuse, avec courage, sans atténuations, sans voiles, les enseignements logiques qui découlent du Christ, de son Incarnation, de sa Rédemption. Voilà ce qu’entendent par ce terme, dont ils se servent volontiers, les Jansénistes, depuis Saint-Cyran jusqu’à Quesnel, depuis M. Hamon jusqu’à Nicole. Or, sans doute, — et j’ai hâte de le dire, — il s’en fallait de beaucoup que saint Vincent de Paul permît à ses missionnaires de pactiser avec le Jansénisme, avec ses affirmations dogmatiques, ses préférences cultuelles, et surtout ses graves et dangereuses curiosités. Mais sur la sévérité de la loi, leur permettait-il plus que les Jansénistes de biaiser, de transiger pour le succès ou par douceur humaine, pour épargner ou pour amadouer les pécheurs ? Il est très sûr que non. Une « mission, » dans l’idée, dans la haute idée que s’en fait M. Vincent, c’était, pour le fidèle, une saison de pénitence et d’humiliation, — pour les prédicateurs une opération violente et rude ; c’était, — rompant le train-train de la vie médiocre, de la routine des pasteurs et de la sécurité des troupeaux somnolents à l’envi, — le rappel à la règle rigide et, barrant la voie large, la croix. Or, que ce soit cela aussi que Bossuet ait admiré, ait aimé dans la parole des envoyés de M. Vincent, ici encore, ceux de ses sermons qui sont contemporains de la Mission de Metz ou immédiatement consécutifs nous incitent à le croire. Lisez le sermon sur la Satisfaction, prêché par lui le mardi de la Passion de 1658, vers la fin de cette mission à laquelle il s’associe en disciple, en émule. Sur toutes les questions relatives à la réparation par le pécheur du mal qu’il a fait, partout, c’est le point de vue sévère. On demande si la « satisfaction » est nécessaire ? Belle question ! Allez la poser aux saints pénitents de la primitive Eglise ! « Il n’en faut point d’autre preuve que leurs exemples. » Avec eux on doit se convaincre « que, pour se relever de la chute où le péché nous a fait tomber, il ne suffit pas de changer sa vie ni de corriger ses mœurs déréglées : il faut réparer. » « Il ne suffit pas de ne plus faire de nouvelles dettes envers la justice divine ; il faut payer les anciennes. » Désirer de ne plus pécher, regretter d’avoir péché, c’est bien ; mais à ces sentiments doit être liée la volonté de satisfaire : « ces choses sont inséparables. » Si quelques casuistes ont dit que la satisfaction n’est pas nécessaire « de la nécessité du sacrement de pénitence, » la définition que Bossuet donne de ce sacrement en s’inspirant de saint Augustin et de saint Prosper, implique au contraire, la nécessité impérieuse et fondamentale de la satisfaction. Du moment où « le sacrement de la pénitence est un échange mystérieux qui se fait, par la bonté divine, de la peine éternelle en une peine temporelle », la satisfaction, peine temporelle, devient indispensable. Elle est une condition du « compromis. » « La réconciliation ne se fera pas, pécheur, si tu rejettes cette condition. »

Elle ne se fera pas non plus, confesseur, si tu ne l’imposes pas. Et l’austère leçon de Bossuet vise et poursuit le prêtre comme le fidèle : « Prenez garde, ô confesseurs ! Ce n’est pas moi qui vous parle, c’est le Concile de Trente qui vous avertit ; c’est Dieu même… Déliez, je vous le permets, mais liez, puisque je l’ordonne. Usez de ma miséricorde, mais ne l’abandonnez pas au mépris des hommes par une molle condescendance. » « Ah ! mon Sauveur !… quand je considère votre tête couronnée d’épines, votre chair si cruellement déchirée, je dis aussitôt en moi-même : Quoi ! une courte prière, un Pater, un Ave Maria, un Miserere sont-ils capables de nous crucifier avec vous ? Non. Il faut quelque chose de plus pénible, et c’est pourquoi le sacré Concile avertit sagement les confesseurs qu’ils doivent donner des pénitences proportionnées… En ordonnant des peines très légères pour des péchés très griefs, ils se rendent participants des crimes des autres. O sentence terrible ! Que répondront devant Dieu ces confesseurs lâches ?… C’est vous, diront les pécheurs, qui nous avez damnés, c’est votre pitié inhumaine, c’est votre pernicieuse indulgence. O Seigneur ! faites-nous justice contre ces ignorants médecins…, contre ces lâches conducteurs !… »

Ainsi a parlé Bossuet, non pas, remarquez-le, au temps où il frôla Arnauld à Port-Royal, mais dès le temps où, à Saint-Jean de la Citadelle, à Metz, il faisait sa partie, sous la conduite de MM. de Saint-Lazare, tâchant comme eux de « prêcher chrétiennement. » La lettre du 23 mai 1658, à saint Vincent de Paul, qui nous montre, en quelques mots significatifs, Bossuet prenant conscience de la poussée qu’il vient de subir, marque une espèce de date dans l’évolution consciente de sa pensée religieuse.


IV. — LA SŒUR ALLIX CLERGINET. — LE BOSSUET MYSTIQUE DE TRENTE-DEUX ANS

Parmi les occupations diverses qui remplissaient la vie provinciale de Bossuet, il faut sans nul doute compter la « direction spirituelle. »

Nous en aurions déjà au moins une preuve dans une lettre adressée à Mme de Schomberg, — lettre écrite par Bossuet soit pour le compte de la sœur Allix Clerginet, supérieure de la maison messine de la Propagation de la foi, — soit en son nom propre, car il connaissait lui aussi, on l’a vu, le gouverneur des Trois Évêchés, et il en était le protégé et l’ami. Mme de Schomberg, veuve déjà depuis quelque temps, non seulement continuait d’être accablée de sa douleur, mais encore, scrupuleuse comme elle l’avait toujours été, elle doutait du « salut » de son mari. La lettre que Bossuet lui écrit, — soit, je le répète qu’il l’ait signée lui-même, soit qu’il ait tenu la plume pour l’humble sœur Allix, embarrassée d’écrire à une grande dame, — cette lettre est moins une consolation amicale qu’une consultation dogmatique et mystique. C’est bien le ton du « directeur, » — de l’homme habitué déjà à être le recours et l’oracle des âmes troublées, le conducteur inspiré à qui elles demandent et qui accorde à leur confiance soumise une force et une lumière. Il relève, il soutient, mais d’une main robuste et impérieuse. Il instruit, avec la décision du représentant de Dieu, de celui qui sait et qui a conscience de savoir « les paroles de la vie éternelle. »

À cette lettre, datée de 1658 par les nouveaux éditeurs, Doivent s’ajouter ici, quoiqu’elles soient légèrement postérieures, les lettres intitulées dans les anciennes éditions « Lettres à une demoiselle de Metz. » Mieux encore elles nous montrent à quelle maîtrise et assurance il s’était déjà haussé.

Directeur, on le pouvait être, nous le savons, au XVIIe siècle, de plusieurs manières. D’abord, — et le plus souvent sans doute, — pour régler dans le siècle la conduite du fidèle. Tel directeur faisait sa chose de la morale, des difficultés de la vertu, des embarras possibles du devoir, des « cas de conscience ; » — tel autre n’avait pas son pareil pour l’aiguillage et le gouvernement des chrétiens et des chrétiennes à travers les problèmes et les intérêts quotidiens, pour l’habileté à les résoudre et régler, en subordination à l’esprit chrétien. C’est de celui-là surtout, on le sait, que se sont égayés jadis les ironistes indévots ; — c’était là le directeur envahissant pour qui la tentation était forte de s’insinuer dans les familles, d’y contrôler et ordonner tout, depuis le mariage de la fille jusqu’au renvoi du fermier. Vous vous rappelez La Bruyère.

Bossuet fut-il quelquefois appelé à des fonctions de ce genre ? Nous n’en savons rien. Fut-il tenté de ces ingérences ? On en peut douter ; j’en indiquerai plus tard les raisons. Mais ce que nous montrent ses lettres de 1659 « à une demoiselle de Metz, » c’est qu’il est, à cette date, le directeur spirituel, dans toute l’exactitude du terme : celui qui guide l’âme chrétienne, pieuse, beaucoup moins dans la vie courante et active que dans la vie intérieure invisible.

Et voici qui mérite d’être souligné plus encore : c’est qu’en cet office, il s’affirme un mystique, je veux dire un théologien de l’amour divin trouvé dans « l’oraison ».

C’était, par excellence, une femme d’œuvres que cette Allix Clerginet, laquelle est, selon l’hypothèse absolument vraisemblable de M. l’abbé Levesque, la « demoiselle de Metz » des éditions. Mais c’était aussi une fort dévote personne, chez qui la propagande dérivait d’une concentration mystique, l’action de l’oraison.

Comment elle fut amenée à s’ouvrir à Bossuet du souci qu’elle avait d’attiser en elle-même ce foyer de vie, l’amour de Dieu, — les nouveaux éditeurs de la « Correspondance » l’ont singulièrement bien éclairci.

Le 15 mai 1659, Bossuet, revenu de Paris, — où, depuis quelques semaines, il avait commencé de s’établir, — prêchait à Metz, dans cette maison précisément dont la sœur Allix était supérieure, pour la profession d’une postulante, la sœur Claude Maillard. Il exposait les obligations de la vie religieuse : rompre avec le monde, persévérer dans cette rupture, et puis, enfin, « tâcher d’acquérir la perfection dans la vie solitaire. »

Sur ce dernier point, il disait à peu près ceci : « Il faut croître, ma sœur, » croître spirituellement, « croître jusqu’à la mort. Un bon courage ne se peut prescrire de bornes. La générosité du Christianisme ne doit pas être moindre que l’ambition du monde : monter toujours. » Mais comment monter ? Par « la Charité, » par l’amour. Connaissez l’amour « qui opère en vous, ma sœur ; il ne demande autre chose que de retourner à sa source ; » laissez-le faire ; laissez-le emporter en haut votre âme, l’entraîner « par l’impétuosité de sa course jusqu’à tant qu’elle se soit, reposée dans le sein du Bien-Aimé. »

Ainsi ce n’était pas seulement à créer une volonté de vertu que tendait sa prédication de perfection, mais à susciter un essor de l’amour.

Ces idées frappèrent la supérieure. Quoi donc ! Une modeste religieuse, de culture peu raffinée, dans une congrégation tout active, pouvait-elle concevoir de telles ambitions, écouter ces Sursum corda, et s’abandonner à cette « impétuosité » de son cœur ? Ses compagnes et elles n’ont, pourtant, guère de loisir pour la contemplation ! Elles recueillent ou attirent à elles des jeunes filles protestantes ou juives ; elles les prennent comme pensionnaires ; elles leur font l’école… Par leurs rapports soit avec les familles, soit avec les « convertisseurs, » qui recrutent leurs élèves, soit avec les autorités publiques, elles sont en contact constant, parfois même en combat, avec le « siècle. » Elles ne sont point cloitrées. « Habillées à la mode du temps, » — « robes plissées dont les plis sont rehaussés en un tas au-dessous du dos, » « mouchoirs garnis d’une espèce de fraise, » — elles ne diffèrent guère des femmes laïques de condition médiocre ; elles vont et viennent « en ville[14]. » Tout cela, est-ce que cela cadre avec les envols mystiques où M. Bossuet les convie ? Peuvent-elles sans crainte aspirer aux souveraines tendresses, aux sommets mystérieux où les saints, seuls, ont atteint ? Est-ce permis ? Est-ce possible ? Ce fut ce qu’elle demanda, de vive voix, au jeune prédicateur hardi, qui ouvrait de tels horizons.

Et alors, mis en demeure de justifier ce qu’il avait dit en chaire, Bossuet ne s’en dédit pas. Au contraire. Ecoutez plutôt :

« Il faut donc, ma chère fille, que vous désiriez ardemment d’aimer Jésus-Christ. Je suis pressé de vous écrire quelque chose touchant ce désir, dans lequel je fus occupé tout le jour d’hier. » Ainsi débute la première de ces lettres. C’est la gravité de saint François de Sales, écrivant à sainte Chantal « de la part de Dieu » et quasi comme son secrétaire… C’est l’accent inspiré de « Monsieur Olier » avouant à Marie Rousseau qu’il pense autant à fonder Dieu en elle qu’à fonder Saint-Sulpice.

Or, l’amour divin, qu’est-ce ? Un peu vague, peut-être, est la première formule venue sous sa plume : « s’abandonner sans réserve…, se donner tout entier à lui jusqu’à s’y perdre pour n’être plus qu’avec lui. » On a lu cela. Mais le vague ne sera jamais le défaut de Bossuet. Tout de suite après, combien plus de finesse ! « Désirer d’aimer, » dira l’âme pieuse, est-ce donc aimer ? Eh ! oui. « Quiconque aime Jésus-Christ commence toujours à l’aimer ; il compte pour rien tout ce qu’il a fait pour cela : c’est pourquoi il désire toujours… » « Quand l’amour aurait fait, s’il se peut, son dernier effort, c’est dans son extrémité qu’il voudrait recommencer tout ; et, pour cela, il ne cesse jamais d’appeler le désir à son secours, désir qui commence toujours et ne finit jamais… Et c’est ce désir qui rend l’amour infini… »

— Mais quoi ! ne sont-ce pas là des encouragements de pasteur ? les Grands Mystiques les contresigneraient-ils ? — Assurément. Et pour justifier l’idée de cet amour, sans cesse recommençant, et tirant de son inachèvement même son progrès, à quelle autorité Bossuet va-t-il tout droit ? À la plus vieille, à la plus illustre, à la plus sublime, au Cantique des Cantiques, à ce texte dont les plus déterminés mystiques autorisent leurs ivresses. Et là, s’installant avec eux (soit qu’il les connût, soit qu’il se trouve les rejoindre), il raconte, comme eux, sans embarras, le beau roman de l’âme éprise, les étapes de son voyage aux cimes, ses poursuites et ses approches du « Bien-Aimé » : — silence initial, puis appels et cris impatients : « Eh ! mon bien-aimé, où êtes-vous ? Venez, venez, venez, je n’en puis plus ; »… — puis « l’invocation à la nature » pour qu’elle aussi appelle, célèbre le Bien-aimé : « Eh ! parlez donc » de Lui ! « Dites encore ! dites encore ! »… — Et l’impatience de l’Epouse, qui voudrait que tout lui fit écho, et qui, rudement, « impose silence » à tout ce qui ne l’entretient pas « du Bien-Aimé. « Ah ! gêne et enfer de l’amour, d’être contraint de s’expliquer par autre chose que par soi-même et par son propre transport ! » Du moins, poursuit Bossuet, exégète de cette psychologie passionnée, « que l’Epouse sache qu’elle est ouïe. » Le Bien-Aimé connaît « non seulement l’amour, mais le désir, non seulement le désir, mais la première pensée du cœur lorsqu’il va penser un désir. » « N’ayez donc crainte, vous l’atteindrez, » son cœur à lui, — « cœur toujours veillant qui n’échappe pas à qui le vise de quelque trait de pur amour. » — De « pur amour : » notez le mot. Ce Bossuet de 1659 ne serait-il donc qu’un pré-Fénelon qui se serait oublié par la suite ?

Non pourtant, et il semble qu’on voie déjà dans ces lettres qu’il est autre. Lisez-les entières : vous comprendrez la raison de la grande place qu’y tient cette idée que « le désir de l’amour, c’est l’amour. » S’il y tient, ce n’est pas pour provoquer aux rêves. C’est, au contraire, pour écarter le vague des rêves, et le tourment dangereux du mieux et du meilleur, et l’ambition malsaine des états extraordinaires et suspects… L’amour divin, est-on jamais sur qu’on l’a ? C’est comme la foi. Mais alors faut-il s’évertuer, se guinder à des efforts qui sont des tours de force dans le vide de la chimère ? Non. Vous désirez d’aimer ? Alors vous aimez. Allez en paix. Soyez satisfaits. C’est la doctrine de Pascal : « Tu ne me chercherais pas si tu ne m’avais trouvé[15]… »

Relevez encore, dans les mêmes lettres, dans le même sens, d’autres traits. De ce Cantique des cantiques palpitant et bouillant, ne voilà-t-il pas que c’est une sagesse réaliste que Bossuet trouve moyen de faire sortir. Elle voudrait, l’Epouse, l’ « âme aimante, » « que tout parlât de son amour ; que tout lui fût langue pour en parler, ou plutôt que tout fût cœur… » Que la sœur Clerginet comprenne bien ce langage : il est la poétique hyperbole de la passion. Qu’entendre par là ? Tout bonnement la solidarité chrétienne, comme nous dirions aujourd’hui. Cet amour, plus exalté il sera, et plus désireux de se traduire, plus, par conséquent, il sera actif et bienfaisant. Voilà ce que veut dire, « fille de l’Église » que vous êtes, cet appel de l’Épouse aux Filles de Jérusalem, lorsque la Sulamite les prie, si elles rencontrent le Bien-Aimé, de lui porter son message d’amour. Cela veut dire qu’en aimant pour soi on aime pour tous, qu’ « on parle pour tous, en parlant pour soi, » et « pas davantage pour soi » que pour tous. « Tirez-moi après vous, dit l’Épouse, nous courrons après l’odeur de vos parfums. » Lisez bien le texte, pesez les mots : « Tirez-moi et nous courrons… Ne me tirez pas tellement que j’aille à vous moi toute seule, mais de telle sorte que j’entraîne avec moi toutes les âmes. » Admirons dans cette exégèse ingénieuse la transposition, positiviste, si j’ose dire, des lyrismes de la contemplation unitive. Ce « pur amour » se résout en bon sens. Et voilà un mysticisme qui, en dépit de son apparente exaltation, ne risque pas de s’égarer dans l’individualisme et d’aller s’enfermer dans les petites chapelles où les initiés guyonistes célébreront à huis clos les rites suspects d’un aristocratique et paralysant « pur amour ».


V. — LA DERNIÈRE LETTRE À UNE DEMOISELLE DE METZ !
UNE PROFESSION DE FOI

La dernière des lettres à « une demoiselle de Metz » doit être particulièrement signalée. Entre l’Ascension et la Pentecôte de 1659, Allix Clerginet s’est enhardie à questionner encore le théologien qui anime et règle son âme. Elle n’est pas savante. Elle n’a vécu que de la vie de la charité agissante. Elle a de son mieux servi l’Eglise. Mais qu’est-ce donc, au fond, que cette Église, dont l’éloquent archidiacre a toujours le nom à la bouche ? Que doit-elle en savoir pour qu’aucun doute ne s’insinue en elle dans le milieu de non-catholiques où elle travaille, et où, toujours sur la brèche, elle doit répondre non seulement aux ignorances, mais aux préjugés des nouvelles converties, et parfois éviter leurs pièges et leurs sophismes ?

Bossuet reçoit à Paris, où il va se fixer, les questions de sa dirigée. « Un matin, » il se trouve « avec le loisir et une disposition de cœur plus prochaine à la satisfaire. » Il se sent à son égard la confiance affectueuse qu’elle a en lui. Pour cette âme plébéienne, le jeune docteur va faire, sans hésiter, ce qu’il ne fera plus tard que dans les grandes circonstances. Gravement il prend la plume : « J’ai pensé devant Dieu et voici ce qu’il me donne pour vous… Sa volonté soit faite. » Et c’est une longue leçon, pleine de réflexions et d’expériences, dont il la gratifie sur la matière de l’Eglise, un mémoire éloquent et ému, — encore que gêné en quelques endroits par la teneur, parfois, ce semble, un peu puérile des questions de la mère Allix[16], — mais remarquable par le fond très lié, comme par la quasi solennité de la forme.

Sa conception de l’unité de l’Eglise, tout en étant très orthodoxe, est fort personnelle. D’abord, par cette expression d’ « unité de l’Eglise, » il veut que l’on entende surtout l’union de la grande Cité chrétienne avec Dieu lui-même, et la fusion entre le cœur chrétien et le cœur de Jésus. Quant à « la composition » de cette Cité, il la voit avec toute la largeur possible. L’étreinte de l’Eglise est immense. Elle enserre toutes les créatures visibles et invisibles ; elle embrasse les Anges ; elle s’annexe même les créatures rebelles et dévoyées, même les Infidèles et les réprouvés. Elle « enferme tout, « « profite de tout. »

« Quelle sorte de monstre ! » dites-vous ; « quel horrible mélange, » cette église indistincte en son universalité si fort ouverte ! Ne dites point cela. De ce mélange l’Eglise se purifie, « se démêle peu à peu. » Elle « se démêle » collectivement, dans le siècle, par les schismes et les hérésies : la paille s’en va, le bon grain reste. Elle « se démêle » dans les individus, lorsque la séparation du bien et du mal, de la lumière et des ténèbres se fait dans leur cœur, en attendant que la mort et « le jugement » la confirment. Et c’est la vie de l’Eglise que ce travail de discernement sur elle-même.

Mais que penser, maintenant, des épreuves, extérieures, intérieures, de l’Eglise : les persécutions qui la gênent, « le déluge des mauvaises mœurs qui l’inondent et l’erreur, » qui quelquefois « menace, » — remarquez le mot, — « de la couvrir toute ? » Que rien de tout cela ne vous trouble ! « Sa sainteté demeure entière » et sa santé, et sa force, parce que Jésus-Christ est fort et fidèle, et qu’il est dans son Eglise, faisant tout pour elle, parce que l’Eglise est en lui, faisant tout, souffrant tout, avec lui ; et Dieu a bien fait toutes choses.

Seulement, tout cela « c’est par la foi qu’il faut le comprendre… Le Seigneur nous a mis la clef à la main : « Entrez, voyez ! » Bossuet, lui, est entré, est resté, et il voit. D’où le ton de cette lettre : à chaque pas le contentement de sa raison récompensée s’échappe en lyrisme : « Alléluia ! louange à Dieu pour l’Eglise ! Amen, ainsi soit-il pour elle, et le même Amen pour toutes les âmes que Dieu fait participer à cette conduite !.., » « En confiance, que tout notre cœur, toutes nos entrailles, toute la moelle de nos os crient après Jésus-Christ : Venez ! Je le crie, et je le crierai sans fin ; mais il faut conclure… »

Et il conclut par ce verset du livre des Nombres : « Que tes tabernacles sont beaux, ô Jacob ! que tes tentes sont admirables, ô Israël !… » Ce verset, vingt-deux ans plus tard, deviendra, on le sait, le texte du sermon de l’Unité de l’Église. Inversement, les définitions de l’autorité pontificale, qu’en 1682, dans un moment de conflit critique entre le Saint Siège et la France, Bossuet donnera, avec des circonspections scrupuleuses, ce sont elles qu’il donne déjà ici. Déjà, catéchisant Allix Clerginet, il enseigne que le Souverain Pontife est doté d’ « une prérogative d’honneur et de charité, » et comment le Saint-Siège est investi, pour « la proclamation de la foi, » pour la préservation de sa pureté, de l’autorité de la discipline. Et ce que Bossuet proclamera, au temps où il fera de l’histoire, des éclipses fréquentes de la discipline, — à savoir qu’il ne se faut pas scandaliser des lézardes du bâtiment et des réfections nécessaires, — ici déjà, sans hésiter, il le déclare. De même encore, en 1659, à cette humble religieuse, il inculque ce qu’il remontrera, si fréquemment plus tard, et aux ultramontains, et aux religieux et religieuses qui appuient sur eux leur insubordination : à savoir que les Evêques, tous les Évêques, sont les chefs à qui doit se fier et obéir le peuple fidèle ; que » l’ordre épiscopal enferme en soi, avec plénitude, l’esprit de fécondité de l’Eglise ; » « que l’Episcopat est un, comme toute l’Eglise est une ; — si bien que les évêques n’ont ensemble qu’un même troupeau, où chacun conduit une partie du tout, » de sorte qu’en vérité, « ils sont un tout, » et que « Dieu ne les a partagés que pour la facilité de l’application ; » — de sorte, enfin, que le successeur de Pierre n’est que le pasteur central, si l’on peut dire, « donné par Dieu pour consommer ce tout » et pour « lier en unité » cette dissémination forcée.

Ainsi quelques-unes des idées les plus importantes du Bossuet de l’âge mûr, du « Père » futur de l’Église française, apparaissaient déjà, en 1659, écloses et presque complètement organisées, dans cette quatrième lettre à la directrice de la Propagation de la Foi messine, — comme se révèle, dans les trois premières de ces lettres, son cœur de piété.


VI. — BOSSUET ET LE PAYS LORRAIN

Ces documents nous amènent à l’époque où Bossuet va quitter Metz, sans que rien parmi eux nous renseigne sur sa vie matérielle depuis 1653. Cependant cette vie se continuait active, et point sédentaire. Ses fréquents voyages, il n’y a guère pour nous les apprendre que l’histoire de sa prédication depuis qu’elle a été si soigneusement fouillée[17]. Il en fit plusieurs à Paris, un à Dijon. Il allait et venait de Metz à Toul, où il avait, dans l’une et l’autre ville, tant de famille : son père Bénigne, son oncle Bretagne, l’un conseiller, l’autre premier président au Parlement ; son frère Claude, chanoine ; sa sœur Marguerite, religieuse ; son cousin, Jacques Bretagne, doyen du Chapitre. Quand son père Bénigne fut délégué près de l’intendant Colbert au Conseil souverain d’Alsace, il y a chance pour que Jacques Bénigne l’ait visité à Ensisheim. Archidiacre de Sarrebourg pendant environ dix-huit mois, il ne prit, il est vrai, possession que par procureur, mais il est possible qu’ensuite, malgré la difficulté des transports dans ce pays de montagnes et de forêts, malgré celle aussi des rapports spirituels avec une population « ont une grande partie ne parlait qu’un patois alsacien, Bossuet y soit allé en inspection. Il est donc assez probable qu’il parcourut en divers sens le territoire des Trois Evêchés, traversa peut-être, le duché de Lorraine, poussa des pointes dans la Lorraine française et en Alsace. Or ces voyages étaient lents. S’il est allé à Sarrebourg par les routes d’étapes, il a passé soit par Courcelles-Chaussy, Longueville, Saint-Avold, Albestroff, Fenestrange, — soit par Juville, Marsal, Moyenvic, Bourdonnais, Héming. Quand il se rendait à Toul, il suivait l’une ou l’autre des rives de la Moselle. — Mais de ce qu’il put apercevoir, durant tous ces déplacements, des gens et des choses, il n’y a nulle trace en ses lettres, ni en ses sermons. On sait seulement par ailleurs, qu’à Toul, il causait de la Grâce et du Cartésianisme avec dom Robert Desgabets.

Aussi bien, même à Metz, aucune des curiosités, que la ville lui présentait quotidiennement, ne paraît lui avoir laissé de souvenir. Lui qui, en sa qualité de membre du Conseil des Trois Ordres, avait l’occasion de s’occuper des travaux publics municipaux, il ne dit pas un mot de ces belles rivières enserrant d’une ceinture ou coupant d’une écharpe la surface presque circulaire de la ville. Ce Dijonnais qui trouvait, autour de la cité lorraine comme autour de sa cité natale, de beaux vignobles et des vignerons laborieux et passionnés, — lui qui avait des vignes dans les revenus de sa prébende, — il n’en souffle pas mot, même dans ceux de ces discours où il passe en revue les formes diverses du travail humain[18]. Pas un mot, non plus, de ces « grands et superbes édifices », de ces belles marques de l’antiquité » dont Abraham Fabert, l’imprimeur, fait, dans son Voyage du Roi à Metz en 1610 d’enthousiastes descriptions. À la cathédrale, où il prêcha souvent, il n’a ni entendu la Mutte et ses carillons « dont le son va jusqu’aux terres d’Empire ; » ni pris garde au baptistère de porphyre. Il a prêché à l’église de la Citadelle, à Saint-Gorgon, à Sainte-Glossinde : vieux temples ayant chacun leur physionomie : il n’y paraît point. Lui qui est déjà et qui redeviendra un humaniste, il n’a pas fait attention aux vestiges lorrains de l’antiquité romaine. Le viaduc de Jouy, avec ses arcades « hautes et superbes, qu’une main artiste a si bien cimentées qu’elles ont résisté à l’injure du temps ; » « les grands carreaux de marbre, de jaspe et de pierre ophite, reliques admirables des palais romains, » qu’on trouvait alors, nous dit Fabert, à chaque pas sur le sol messin, — le futur auteur de l’Histoire Universelle ne les a pas dû remarquer, car il aurait eu plus tard l’occasion de les alléguer.

Cette absence de certaines impressions est certainement à noter pour sa psychologie. Implique-t-elle une « lacune » de sa mentalité, une complète carence de tout apport des yeux à son esprit ? Il ne le semble point.

Et cela, je ne le dis pas par complaisance pour ces grands bossuétistes d’antan qui tenaient, je ne sais pourquoi, à ce que Bossuet fût « un poète, » voire » un peintre » et qui, faisant en cela le jeu de malins détracteurs, le démontraient avec indiscrétion. Je le dis parce que, tout de même, on trouve chez lui des « choses vues. » Mais on en trouve dans deux cas seulement. D’abord, lorsque ces choses ont un sens moral, et qu’à ce titre elles lui ont inspiré une réflexion et qu’une leçon lui a paru s’en dégager. Dans tel de ses sermons que je citais tout à l’heure, il y a, sur les grabats et les réduits des misérables, des paroles qui prouvent que ce visiteur des pauvres ne les exhortait pas les yeux fermés. D’autre part, dans beaucoup d’autres discours de cette époque, quand il décrit des scènes de l’Ancien ou du Nouveau Testament, la Passion, par exemple, plus d’un critique a signalé des traits d’un pittoresque violent et d’une décision réaliste…

Toutefois, ici encore, l’exception confirme la règle. C’est parce qu’il ne regarde pas souvent, pas volontiers ; les choses matérielles, que, quand il les regarde, il ne voit que les traits gros, voyants, et les saillants reliefs. Ce que son « réalisme » prouve, c’est moins une observation coutumière qu’une accidentelle vision. Avouons qu’il est un de ces hommes pour qui je ne dis pas que le monde extérieur n’existe point, mais qu’il est intermittent, et, surtout, secondaire. Bossuet n’a pour ses phénomènes nulle considération. Dédain très compatible, au surplus, avec l’action, et avec cette acceptation de la vie qui nous a frappés dès sa jeunesse. Oui, il se mêle au monde pour y faire loyalement, sérieusement, cordialement même sa besogne ; mais, site devoir l’intéresse, le décor du devoir le laisse indifférent. Il va voir les obsèques de Richelieu et en conserve, on nous l’a dit, « une impression. » Mais une « impression » spirituelle, une impression de la vanité des grandeurs et des œuvres humaines ; je doute qu’il ait gardé du catafalque une image. Il est en contact avec les condottieri de Condé ou de don Juan d’Autriche : il n’en a point vu la trogne et le costume. Il fait réparer à Metz les digues de Wadrineau : il n’a pas pour les grâces sinueuses de la Moselle les yeux d’Ausone. Praeterit figura hujus mundi : la figure de ce monde passe ; ce qui reste, ce sont les actes de l’homme de bien, et ses pensées sages et pieuses. Il est toujours très utile, croyons-le, pour comprendre Bossuet, de se rappeler qu’il a voulu être un vrai chrétien.


ALFRED RÉBELLIAU.

  1. Voyez la Revue du 15 juin.
  2. Le chanoine Finot, Mémoires de l’Académie de Metz, année 1907-1908, p. 365.
  3. Le P. Caussin l’avait déjà dit : « Sola Lotaringia Hierosolymam calamitate vincit. » Maynard, Saint Vincent de Paul, IV, 73.
  4. Chéruel, Hist. de France sous le Ministère de Mazarin, I, p. 197 et suiv. (Émeute du 25 juin 1652, combat de la porte Saint-Antoine, 2 juillet, massacres et incendie à l’hôtel de Ville, 4 juillet).
  5. Duc d’Aumale, Histoire des Princes de Condé, t. VI, passim. Cf. t. III, 364, Cf. Bourrelly, Le maréchal de Fabert.
  6. Corresp. t. T, p. 418.
  7. Thirion, Essai sur l’histoire du Protestantisme à Metz.
  8. Voyez la Revue des 1er juillet, 1er août et 1er septembre 1904.
  9. Prédications en 1656, du fougueux jésuite le P. Lescossois, ou du « controverseur » Mauduy qui poursuit en disputant les huguenots dans les rues.
  10. Sur toutes ces questions d’histoire messine, outre les anciens ouvrages, de l’évêque Meurisse, du protestant Élie Benoît (Histoire de l’Édit de Nantes, t. III), et des Bénédictins (Histoire de Metz), on peut consulter l’importante Histoire du Protestantisme à Metz de Thirion, citée plus haut ; Othon Cuvier, notice sur Paul Ferry, dans les Mémoires de l’Académie de Metz (1868-1869) ; les grands ouvrages d’O. Douen et de Paul de Félice ; John Viénot, Bull, hist. du Protestantisme français, t. LVII (1908 ; ) les publications de R. Allier et les nôtres (spécialement, Revue des Deux Mondes, 1904-1910), sur la Compagnie secrète du Saint Sacrement ; Dietsch, die evangelische Kirche im Metz, 1910. Grâce à l’obligeance de M. le pasteur N. Weiss, j’ai tiré de nombreux renseignements, statistiques et anecdotiques, des manuscrits de Paul Ferry et des copies des Archives départementales de la Moselle, d’Othon Cuvier, conservées à la Bibliothèque protestante de la rue des Saint-Pères.
  11. Floquet. études, X. 1, p. 426-466, L’abbé Maynard, Saint Vincent de Paul, t. IV, p. 90-108.
  12. Que mettra dans tout leur prix le commentaire de l’édition prochaine des œuvres de saint Vincent de Paul, préparée par les Lazaristes. — Voir dans l’édition actuelle des Lettres du Saint, t. III, 246 ; t. IV, p. 22 et suivantes ; et Bourelly, ouvrage cité.
  13. Ce sont les mots de saint Vincent de Paul en ses lettres ou allocutions. Cf. Maynard, II, 393, 405, etc.
  14. Histoire de Metz par les Bénédictins, t. III, pp. 289-290.
  15. J’ajoute que ces conseils de « grand amour, » d’intensité dévote, un collaborateur docile et admirateur discipliné de saint Vincent de Paul pouvait bien les donner. M. Vincent ne pensait pas différemment. « Il y a plusieurs amours de Dieu, disait-il dans une de ses instructions conservées : l’un petit, faible, imparfait ; un autre médiocre ; un autre grand ; un autre très grand. Et c’est à ce dernier que nous devons buter (viser) (Les mêmes idées se retrouvent dans une Méditation sur le commandement d’aimer Dieu, publiée en 1901 par l’abbé Grisolle). »
  16. C’est ainsi qu’il semble qu’elle demandait pourquoi « l’Église est le corps de Jésus et en même temps son épouse ; » en quel sens elle est « mère des fidèles si elle n’est que l’union de tous les fidèles » et comment cette fécondité se concilie avec l’unité, et cette unité avec la hiérarchie.
  17. Abbé Lebarq Histoire de la prédication de Bossuet.
  18. Cf. Ernest Jovy, Recherches sur Bossuet, pp. 5, 8, 11, 157, 178, 177