Le Fils d’Ugolin/12

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Calmann-Lévy éditeurs (p. 125-139).
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XII

Un soir de l’hiver 1896, averti par un télégramme, Hyacinthe Arbrissel s’en fut attendre son fils dans ce hall de rêve de la gare Saint-Lazare dont Claude Monet, vingt ans auparavant, avait traduit pour toujours l’apparence fuligineuse et embrumée d’un no man’s land entre la vie et le mystère de l’espace. L’âme du grand Arbrissel plongea dans ces masses impondérables du brouillard que l’éclairage au gaz trouait de vastes cônes d’une lumière presque palpable. On baignait dans une substance vaporeuse dont la profondeur était incommensurable ; et, çà et là, le volcan que semblait devenue quelque machine en chauffe lançait une éruption titanesque.

Enfin, du fond de la nuit émergea, hurlante et bouillante, une locomotive : celle du train de Rouen. La foule se rua aux barrières. Instinctivement, Arbrissel chercha la capote bleue et le pantalon rouge du jeune soldat parmi les voyageurs. Mais Pierre avait repris ses vêtements civils et il tomba dans les bras de son père avant Page:Yver - Le Fils d Ugolin.djvu/136 Page:Yver - Le Fils d Ugolin.djvu/137 Page:Yver - Le Fils d Ugolin.djvu/138 Page:Yver - Le Fils d Ugolin.djvu/139 Page:Yver - Le Fils d Ugolin.djvu/140 Page:Yver - Le Fils d Ugolin.djvu/141 Page:Yver - Le Fils d Ugolin.djvu/142 Page:Yver - Le Fils d Ugolin.djvu/143 Page:Yver - Le Fils d Ugolin.djvu/144 Page:Yver - Le Fils d Ugolin.djvu/145 Page:Yver - Le Fils d Ugolin.djvu/146 Page:Yver - Le Fils d Ugolin.djvu/147 Page:Yver - Le Fils d Ugolin.djvu/148 moindre lien à cette fille singulière dont l’originalité et une dignité flagrantes allumaient en lui une curiosité si inconnue et si savoureuse. Tout en rentrant par l’omnibus de la porte Maillot, il méditait puérilement sur l’agrément de la société féminine, sur la supériorité d’un commerce intellectuel lié avec une femme au même diapason qu’avec un homme, mais, se disait-il, dans une souplesse, une flexibilité de l’esprit qui permet un contact bien plus direct et comme électrique avec elle. « Dommage de ne l’avoir pas abordée plus tôt ! » Et il pensait avec une sorte d’humeur au départ prochain pour Kerzambuc. C’était bien la première fois.