Le Fils d’Ugolin/16

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Calmann-Lévy éditeurs (p. 200-210).
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XVI

Au mois de septembre de cette année 1899 où le procès Dreyfus avait été revisé, où la conférence de la Paix s’était tenue en mai à La Haye pour le règlement pacifique des conflits internationaux, où l’on sentait comme un mouvement désespéré des hommes de bonne volonté vers une condition meilleure des peuples recrus de guerres, dans un taillis du bois de Kerzambuc Pierre Arbrissel et Antoinette de Penven cheminaient l’un près de l’autre à petits pas. Pierre, qui, bien que toujours frêle et un peu languissant, était de haute taille, se penchait vers la petite Bretonne courtaude pour lui confier des choses qu’il ne convenait pas de publier à haute voix, même dans cette solitude : dentelles, voiles d’un vert d’émeraude où commençait à peine pour les oiseaux l’agitation du crépuscule.

— … Elle, disait-il lentement, cherchant ses mots, c’était une fille mystérieuse. Dans son maintien, dans toutes ses attitudes, elle avait l’air de rassembler et de mettre en lieu sûr des secrets. Quand on cherche l’âme chez une femme Page:Yver - Le Fils d Ugolin.djvu/211 Page:Yver - Le Fils d Ugolin.djvu/212 Page:Yver - Le Fils d Ugolin.djvu/213 Page:Yver - Le Fils d Ugolin.djvu/214 Page:Yver - Le Fils d Ugolin.djvu/215 Page:Yver - Le Fils d Ugolin.djvu/216 Page:Yver - Le Fils d Ugolin.djvu/217 Page:Yver - Le Fils d Ugolin.djvu/218 Page:Yver - Le Fils d Ugolin.djvu/219 Rien. Nous voyons des souvenirs qui s’estompent, forcément ! — Oui ; oui, je comprends tout ; vous le savez bien. Oh ! ne protestez pas. Ne vous croyez pas obligé à me dire que vous m’aimez. Je le sais mieux que vous. Ah ! oui, bien sûr, vous m’aimez, mon chéri. Mais n’oubliez pas qu’avant d’être votre femme, je fus votre confidente. C’est cela qui différencie notre union des mariages de tout le monde. Nous nous sommes épousés vraiment tout à fait, et non pas aveuglément, dans une passion inconsciente : ce qui fait que je suis, en même temps qu’une compagne, un ami à qui l’on peut tout dire. Même ceci : que l’on s’est laissé un peu bouleverser par l’apparition de l’Autre, l’Autre qu’on ne peut oublier tout à fait. Je n’en suis pas bien contente. Non, certes ! Mais nous sommes de si bons amis, vous et moi, si franchement épaulés l’un par l’autre, que je puis tout comprendre. Sinon tout agréer… »