Mécanique analytique/Notes du volume 2/Note 4

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Gauthier-Villars et Fils (Œuvres de Lagrange. Tome XIIp. 353-355).
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Note du tome II

NOTE IV.

Sur un théorème de Mécanique ; par M. Ossian Bonnet.


Lagrange a montré, à la page 110 de ce Volume, que la même section conique qui peut être décrite en vertu d’une force tendante à l’un des foyers en raison inverse du carré-de la distance, ou tendante au centre en raison directe de la distance, peut l’être encore, sous certaines conditions, en vertu de trois forces pareilles tendantes aux deux foyers et au centre ; ce qui, dit-il, est très remarquable.

Legendre a été conduit plus tard à une conséquence analogue, mais plus explicite, dans le Traité des fonctions elliptiques ; on lit, en effet, à la page 426 du Tome Ier de cet Ouvrage :

« Soit le sommet d’une ellipse dont et sont les deux foyers ; soit la vitesse en nécessaire pour que cette ellipse soit décrite en vertu de la force appliquée au foyer soit pareillement la vitesse en nécessaire pour que l’ellipse soit décrite en vertu de la force appliquée à l’autre foyer si ces deux forces agissent à la fois sur le mobile et que la vitesse initiale soit telle que il décrira encore la même courbe. »

Ces résultats ne sont que des corollaires d’un théorème général que l’on peut énoncer comme il suit :

Théorème.Si plusieurs masses respectivement soumises à l’action des forces et partant toutes d’un point avec des vitesses de grandeur différente mais de même direction, décrivent la même courbe la masse quelconque soumise à l’action de la résultante des forces et partant du point avec une vitesse ayant la même direction que les vitesses décrira encore la courbe pourvu que les forces soient indépendantes du temps et que la force vive initiale de la masse soit égale à la somme

des forees vives initiales des masses

Démonstration. — Afin d’abréger le discours, appelons mouvements partiels ceux qui sont produits par les forces agissant séparément, et mouvement composé celui qui produit la résultante de ces forces.

Si le mobile ne décrit pas la courbe dans le mouvement composé, on pourra lui faire décrire cette courbe en adjoignant à la résultante des forces une force normale convenablement choisie, et l’on aura alors les équations connues

représentant les coordonnées du mobile au bout du temps les composantes respectives prises parallèlement aux axes des forces l’intensité de la force normale, et les angles que la direction de cette force fait avec les parties positives des axes des coordonnées.

Multipliant la première équation par la deuxième par la troisième par et ajoutant, il viendra

étant la vitesse du mobile au point mais, remarquons que étant les vitesses des masses lorsqu’elles passent par le même point dans les mouvements partiels, on a

 

On a donc aussi

d’où, intégrant,

ou simplement

en remarquant que, d’après l’hypothèse, cette égalité a lieu au point de départ.

Cela nous montre déjà que, pour toutes les positions comme pour la position initiale, la force vive de la masse dans le mouvement que nous considérons, est égale à la somme des forces vives des masses dans les mouvements partiels.

Il est maintenant bien facile de prouver que la force est nulle et, par conséquent, que le mobile parcourt la courbe dans le mouvement composé. En effet, cette force est égale et contraire à la résultante de la force centrifuge et des composantes normales des forces or la force centrifuge dirigée en sens inverse du rayon de courbure de la courbe est, en appelant ce rayon de courbure,

ou, d’après ce que nous avons démontré,

d’ailleurs les composantes normales des forces sont respectivement égales et contraires à puisque les masses décrivent la courbe dans les mouvements partiels ; il y a donc équilibre entre la force centrifuge et les composantes normales des forces extérieures par conséquent, la force est nulle.

Nous avons supposé, dans ce qui précède, le point complètement libre ; s’il était assujetti à rester sur une surface, le théorème serait encore vrai, car ce dernier cas se ramène à celui d’un point libre par l’introduction d’une force normale à la surface.


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