Aller au contenu

Mémoires extraits des recueils de l’Académie royale de Berlin/Sur différentes questions d’Analyse relatives à la Théorie des intégrales particulières

La bibliothèque libre.


SUR
DIFFÉRENTES QUESTIONS D’ANALYSE
RELATIVES À LA
THÉORIE DES INTÉGRALES PARTICULIÈRES.


(Nouveaux Mémoires de l’Académie royale des Sciences et Belles-Lettres
de Berlin
, année 1779.)


Séparateur


La Théorie des intégrales particulières est une branche aussi importante que féconde du Calcul intégral ; et je crois être le premier qui ait donné les vrais principes de cette Théorie. On entend par intégrales particulières ces intégrales qui satisfont à des équations différentielles sans être pour cela des cas particuliers de leurs intégrales complètes, et qui échappent par conséquent aux règles générales du Calcul intégral. De très-grands Géomètres avaient depuis longtemps remarqué cette singularité et cette espèce de défaut de l’Analyse ordinaire, et avaient cherché des moyens d’y suppléer ; on était même déjà parvenu à trouver des règles plus ou moins générales, non-seulement pour reconnaître à priori si une intégrale donnée d’une équation différentielle en est une intégrale particulière, ou seulement un cas de son intégrale complète, mais aussi pour découvrir toutes les intégrales particulières dont une équation différentielle est susceptible ; mais personne, que je sache, n’avait encore expliqué la nature et l’origine de ces sortes d’intégrales, ni fait voir que, loin de former une exception à la Théorie générale du Calcul intégrale, elles sont une conséquence immédiate et naturelle des premiers principes de ce Calcul. C’est ce que je crois avoir démontré et développé avec tout le détail nécessaire dans mon Ouvrage sur les intégrales particulières, imprimé parmi les Mémoires de l’année 1774[1].

Je vais maintenant appliquer la Théorie des intégrales particulières à la solution de différentes questions d’Analyse qui n’avaient pas encore été traitées, ou du moins qui ne l’avaient pas été sous le point de vue sous lequel on les considère dans ce Mémoire. Cette application donnera en même temps le dénoûment de quelques paradoxes qui se présentent naturellement dans la solution de ces mêmes questions, et servira de plus en plus à montrer l’utilité et la nécessité de la Théorie dont il s’agit dans le Calcul intégral.

Article Ier.Sur les développées.

1. On sait que la développée d’une courbe est le lieu des centres de tous les cercles osculateurs de cette courbe ; on sait aussi que le cercle osculateur est celui qui coupe la courbe proposée dans trois points intiniment proches. Or soient l’abscisse, l’ordonnée rectangle, et des constantes ; on a pour l’équation générale au cercle

dans laquelle est le rayon, et sont l’abscisse et l’ordonnée qui déterminent la position du centre.

Soit maintenant une courbe quelconque rapportée aux mêmes coordonnées et qui ait pour cercle osculateur celui dont nous venons de donner l’équation ; comme ce cercle doit couper la courbe dont il s’agit dans trois points infiniment prochès, il faudra que non-seulement l’équation

mais encore que les différences premières et secondes de cette équation aient lieu par rapport à la même courbe, c’est-à-dire en supposant que les valeurs de et de leurs différences soient les mêmes pour le cercle et pour la courbe. Alors deviendra le rayon du cercle osculateur de la courbe proposée au point qui répond aux coordonnées et seront les coordonnées qui déterminent le lieu du centre de cercle ; ce seront par conséquent les coordonnées de la développée de la même courbe.

On aura donc ces trois équations

au moyen desquelles on déterminera en et ses différences ; et l’on trouvera successivement

Ces valeurs sont les mêmes que celles que l’on trouve par d’autres voies ; mais la méthode précédente est plus appropriée au but de ces recherches.

2. On voit par les expressions précédentes de et que le Problème de trouver la développée d’une courbe se résout par le seul Calcul différentiel, et demande une double différentiation de l’équation de la courbe proposée ; d’où il s’ensuit que lorsque cette courbe est algébrique, sa développée ne saurait manquer de l’être aussi ; c’est ce qui est connu depuis longtemps.

Réciproquement donc il paraît naturel d’en conclure que lorsque la développée est donnée et qu’on demande la courbe qui résulterait de son développement, c’est-à-dire dont elle serait la développée, le Problème doit dépendre du Calcul intégral et exiger une double intégration. En effet, la méthode la plus naturelle de résoudre ce dernier Problème est de substituer dans l’équation de la développée entrp et les valeurs précédentes de ces quantités ; ce qui donnera, si l’équation entre et q est algébrique, une équation différentielle du second ordre entre et et qui sera celle de la courbe cherchée ; en sorte qu’il faudra une double intégration pour avoir l’équation finie de cette courbe. Mais voici une difficulté à laquelle il ne me paraît pas que personne ait encore pensé.

3. Comme chaque intégration peut introduire une constante arbitraire, il s’ensuit que l’équation finie entre et doit renfermer deux constantes arbitraires ; cependant il est facile de voir par la Théorie des développées que la courbe engendrée par le développementd’une courbe donnée ne peut renfermer qu’une seule constante arbitraire, laquelle dépend du point où le développement commence. Car il est visible qu’on ne peut faire passer la développante (ou courbe formée par le développement de celle qu’on nomme la développée) que par un seul point arbitraire. En effet, un point étant donné par lequel la développante doive passer, on tirera par ce point une tangente à la développée, et, regardant cette tangente comme une partie de la courbe déjà développée, on continuera le développement suivant la loi connue ; moyennant quoi la développante sera entièrement déterminée.

Il s’ensuit de ce raisonnement que lorsque l’équation de la développée est algébrique, celle de la développante doit être différentielle du premier ordre seulement, au lieu que la méthode précédente la donne du second ordre. C’est aussi ce que l’on trouve directement en considérant le Problème sous un autre point de vue que voici.

4. Comme les quantités sont variables d’un point à l’autre de la développée, on peut aussi les considérer comme telles dans les équations du no 1. Or la seconde et la troisième de ces équations n’étant que les différentielles respectives de la première et de la seconde, en n’y regardant que et comme variables, il est visible que la supposition de la variabilité de donnera ces deux autres équations différentielles

lesquelles devront avoir lieu en même temps que celles du numéro cité.

5. On aura donc de cette manière ces quatre équation

au moyen desquelles, en éliminant on aura une équation différentielle du premier ordre entre ensuite on aura exprimées algébriquement en et leurs différences premières. Ainsi, étant donnée en par l’équation de la développée, il ne faudra qu’une seule intégration pour trouver et de là et

À l’égard de la troisième équation du no 1, elle devient inutile puisqu’elle est renfermée dans la seconde et dans la quatrième des précédentes en effet, en différentiant la seconde et en effaçant, en vertu de la quatrième, les termes qui contiendront et on aura l’équation dont il s’agit.

6. Éliminant d’abord la quantité de la seconde et de la quatrième des équations précédentes, on aura celle-ci

laquelle étant combinée avec la troisième servira à déterminer et

de manière que l’on aura

Substituant maintenant ces valeurs dans la première équation, on aura

savoir

et, tirant la racine carrée,

Cette dernière formule fait voir que le rayon osculateur varie par des différences égales à celles de l’arc de la développée dont l’élément est Désignant donc cet élément par on aura

et, intégrant,

étant une constante arbitraire qui dépend du point où est supposé commencer le développement. Cela s’accorde avec la Théorie connue des développées, et l’on voit en même temps que le signe supérieur répond au cas où le fil qui par son extrémité décrit la développante se développe en effet de la courbe qu’on nomme la développée, et que le signe inférieur répond au cas contraire dans lequel le fil est supposé s’envelopper à la même courbe.

7. L’analyse précédente donne, comme on voit, les mêmes résultats qui se déduisent de la considération synthétique du développement des courbes ; mais ne pourrait-on pas y parvenir aussi par la première méthode, qui est d’ailleurs la plus directe et la plus naturelle ? Voici comment.

L’équation de la développée étant donnée entre ses coordonnées rectangles et on aura égale à une fonction donnée de que je dénoterai, en général, par donc, puisque

on aura, en différentiant,

Or je remarque que les valeurs de et du no 1 sont telles, que

comme on le voit par la quatrième équation du no 5 ; et l’on peut aussi s’en assurer directement par la différentiation actuelle de ces valeurs ; car on aura

donc

Donc, substituant dans l’équation différentielle

à la place de sa valeur on aura

équation qui se décompose d’elle-même en ces deux-ci

8. Considérons ces deux équations séparément ; et d’abord l’équation

étant intégrée donnera

une constante arbitraire ;
ainsi sera aussi une constante. Or, chassant des expressions de et du no 1 la quantité on a

donc, multipliant par et intégrant, on aura

étant une nouvelle constante arbitraire.

C’est, comme on voit, la même équation d’où nous somines partis d’abord (1) ; en sorte que cette solution ne donne autre chose qu’un cercle quelconque ayant le centre placé sur la circonférence de la courbe donnée. Il est clair en effet que le cercle résout la question, considérée sous le point de vue où nous l’avons d’abord envisagée ; et il est visible aussi que l’on peut faire passer le cercle dont il s’agit par deux points arbitraires ; car en joignant ces deux points par une droite et élevant sur le point du milieu de cette droite une perpendiculaire, il suffira que le centre du cercle soit dans le point où cette perpendiculaire coupera la développée donnée. D’où l’on doit conclure que cette solution a toute la généralité que la question peut comporter (2).

9. Venons maintenant à l’autre équation

cette équation étant combinée avec l’équation

laquelle résulte de l’élimination de la seconde différence des expressions de et donnera, à cause de celle-ci

d’où, éliminant au moyen de l’équation

on aura une équation du premier ordre entre et et qui étant intégrée ne contiendra par conséquent qu’une constante arbitraire.

Au lieu d’éliminer il sera plus simple d’éliminer pour cela il n’y aura qu’à différentier l’équation

ce qui donnera

et, substituant pour sa valeur il viendra l’équation

dont l’intégration est facile par les méthodes connues. Cette solution revient à celle que l’on a déjà trouvée (5).

Pour s’en convaincre on n’a qu’à supposer, ce qui est permis,

étant ici une variable indéterminée, et combiner cette équation avec les deux équations

car, en différentiant l’équation dont il s’agit, on aura, à cause de

celle-ci

En sorte qu’on aura les mêmes quatre équations du no 5, et par conséquent aussi les mêmes résultats.

10. Quoique la méthode que nous venons d’exposer ne laisse rien à désirer relativement à la solution du Problème proposé, il faut avouer néanmoins que cette méthode, considérée analytiquement et indépendamment de toute considération géométrique, n’est pas aussi directe qu’on pourrait le désirer ; car elle demande qu’on commence par différentier l’équation qu’il s’agit d’intégrer, ce qui est peu naturel et peu conforme à la marche ordinaire du Calcul intégral. En effet, supposons qu’il soit proposé d’intégrer l’équation du second ordre

qui n’est autre chose, comme on voit, que l’équation de la développée

sans qu’on sache comment on est parvenu à cette équation, il ne serait pas facile de prévoir que l’intégration d’une telle équation peut être facilitée beaucoup par une différentiation préliminaire. Voyons donc comment on pourrait parvenir au but en ne faisant usage que des artifices ordinaires du Calcul intégral. Un des artifices les plus ordinaires de ce Calcul est celui des substitutions, et il est clair que la substitution qui paraît la plus naturelle dans l’équation proposée est celle de supposer la quantité affectée du signe lequel dénote une fonction arbitraire égale à une nouvelle variable ce qui donnera ces deux équations

au moyen desquelles on pourra éliminer par exemple la variable et

obtenir une équation entre et qui aura l’avantage que le signe n’affectera plus que la seule variable finie

11. Faisons, pour plus de simplicité,

les deux équations précédentes deviendront

la première donne

ce qui étant substitué dans la seconde donne celle-ci

laquelle étant différentiée, pour en chasser la variable finie donne

équation d’où l’on chassera au moyen de la précédente

Substituons-y d’abord la valeur de tirée de cette dernière, savoir

elle deviendra

savoir

laquelle donne immédiatement

L’équation

donne

une constante arbitraire,

et restera indéterminée. On reprendra donc dans ce cas l’équation

et l’on y substituera pour sa valeur primitive on aura une équation entre et dont l’intégrale sera

C’est la même équation au cercle trouvée (8).

L’autre équation

donne

moyennant quoi on chassera de l’équation

et l’on aura une équation du premier ordre entre et Au lieu de chasser il est plus simple de chasser car, ayant

on aura égal à une fonction donnée de que nous dénoterons par

alors on aura cette équation entre et

laquelle est intégrable par les méthodes connues ; pour l’intégrer il n’y a qu’à la multiplier par et l’on aura cette intégrale

On aura ainsi en ensuite on chassera au moyen de l’équation

en y substituant pour sa valeur Cette dernière solution répond, comme on voit, à celle du no 9.

12. On peut encore intégrer la même équation par une autre méthode que voici.

Ayant égalé la quantité sous le signe à une nouvelle variable ce qui donne

ou bien, en faisant

comme dans le no 11, j’intègre cette dernière équation en y regardant comme une constante. Pour cela il n’y a qu’à la multiplier par et intégrant on aura

d’où l’on tire

multipliant par et intégrant de nouveau, on aura

et étant deux nouvelles constantes arbitraires.

Cette expression de serait la véritable si la duantité était effectivement constante, comme nous l’avons supposée ; mais, quelle que soit la quantité comme elle est indéterminée, on peut toujours supposer que l’expression précédente de ait lieu, en y regardant comme une nouvelle variable ; on y peut de plus regarder aussi les quantités et comme variables, et, comme elles sont indéterminées, on pourra établir entre elles telles relations qu’on voudra ; on pourra donc aussi faire en sorte que les valeurs de et de soient les mêmes que si les trois quantités ne variaient point ; et cela en égalant à zéro séparément la partie de chacune de ces valeurs qui résultera des variations de ce qui donnera deux équations différentielles du premier ordre entre et On substituera maintenant les valeurs de et ou de exprimées en dans l’équation proposée

et l’on aura une équation finie entre et au moyen de laquelle on pourra chasser une des variables des deux équations différentielles trouvées auparavant. En voici le calcul.

13. Puisque

on aura d’abord, en faisant varier et en égalant la variation de à zéro,

alors la valeur de ou sera

comme dans le cas où sont constantes.

Faisant varier de nouveau dans cette expression de et égalant à zéro la variation résultante de on aura l’équation

et la valeur de sera

comme dans le cas de et constantes.

Qu’on substitue maintenant les valeurs précédentes de dans l’équation proposée ; il est d’abord visible que la partie

redeviendra égale à comme on peut aussi s’en assurer par les substitutions quant à l’autre partie

elle deviendra par les mêmes substitutions égale à .

De sorte que l’on aura cette équation entre les seules varialbes et savoir laquelle servira à déterminer en Et il n’y aura plus qu’à déterminer et en au moyen des deux équations

Si l’on substitue dans la première la valeur de tirée de la seconde, elle deviendra

d’où

et, à cause de

d’où l’on tirera par l’intégration en Cette même valeur de étant substituée dans la seconde équation ci-dessus, elle deviendra

laquelle donne, ou et par conséquent égal à une constante arbitraire, auquel cas on aura immédiatement l’équation finie

et sera une autre constante arbitraire (12). Ou bien l’équation précédente donnera

d’où l’on tirera en ou en à cause que est déjà déterminé en par l’équation

On aura ainsi :

et, substituant cette valeur dans l’expression de ci-dessus, on aura

Il est visible que cette dernière solution revient au même que celle du no 6 ; aussi est-elle déduite de principes analogues. À l’égard de l’autre solution qui donne un cercle quelconque, on l’aurait trouvée également par les formules du numéro cité, si l’on y avait substitué à la place de  ; car l’équation

aurait donné sur-le-champ,

qui est la seule dont nous ayons fait usage dans ce numéro.

Article II.Sur les roulettes.

1. J’appelle, en général, roulette toute courbe décrite par le roulement ou révolution d’une courbe quelconque donnée autour de la circonférence d’une autre courbe donnée, comme la roulette ou cycloïde ordinaire est formée par la révolution d’un cercle sur une ligne droite, et les épicycloïdes le sont par la révolution d’un cercle sur la circonférence d’un autre cercle.

Il est évident, par la génération de ces roulettes : 1o que les arcs révolus en même temps, soit de la courbe mobile, soit de la courbe immobile, doivent toujours être égaux ; 2o que, si du point décrivant de la courbe mobile on mène au point d’attouchement des deux courbes une droite que nous appellerons le rayon, ce rayon sera nécessairement perpendiculaire à la roulette ; en sorte que, si l’on décrit un cercle avec ce même rayon, ce cercle coïncidera avec l’arc de la roulette en deux points infiniment proches.

2. Cela posé, soient l’abscisse et l’ordonnée de la courbe immobile, l’arc correspondantde cette courbe, lequel doit être égal à l’arc révolu en même temps de la courbe mobile, le rayon de la courbe mobile, qui répond à cet arc, et l’abscisse et l’ordonnée de la roulette qui en résulte. En prenant ces mêmes coordonnées et pour celles du cercle décrit du rayon il est facile de-voir qu’on aura pour l’équation de cercle

Or ce cercle devant coïncider avec la roulette dans deux points infiniment proches, il faudra que tant l’équation précédente que sa différentielle première ait lieu par rapport à la courbe dont il s’agit, c’est-à-dire en regardant les coordonnées et comme appartenant à cette courbe.

On aura de cette manière, pour la roulette, les deux équations

Maintenant la courbe immobile étant donnée, on aura, par l’équation de cette courbe, l’ordonnée et l’arc donnés par l’abscisse De plus, par la nature de la courbe mobile, le rayon sera aussi donné par l’arc révolu de la même courbe, lequel devant être égal à on aura donc aussi r donné en

Soit donc

et dénotant des fonctions données ; on substituera ces valeurs dans les deux équations précédentes, et éliminant on aura une équation différentielle du premier ordre entre et qui sera celle de la roulette cherchée.

3. Cette équation étant intégrée admettra donc une constante arbitraire en sorte qu’il sera possible de faire passer la roulette par un point donné. Cependant, si l’on considère la génération de cette courbe, il n’est pas difficile de se convaincre que tout y est déterminé, dès que les deux courbes, la mobile et l’immobile, sont données, et que le point décrivant est aussi donné dans le plan de la courbe mobile, ainsi que notre analyse le suppose. D’où il s’ensuit que l’équation de la roulette ne saurait renfermer aucune constante arbitraire, et que la courbe elle-même ne saurait être décrite de manière qu’elle passe par un point donné à volonté.

Il se présente donc ici une difficulté analogue à celle que nous avons rencontrée dans le Problème des développées, et qu’on pourra par conséquent résoudre d’une manière semblable. En efiet, si l’on considère d’abord les quantités comme variables, ainsi qu’elles le sont en effet, il est clair que la différentielle de l’équation

prise en faisant varier seulement ces mêmes quantités devra avoir lieu aussi, puisque la différentielle de cette même équation, en faisant varier et a déjà lieu d’elle-même en vertu de la seconde équation

Ainsi l’on aura l’équation

laquelle, en mettant pour et leurs valeurs et devient

Cette équation se décompose, comme on voit, en ces deux-ci

La première étant intégrée donne

une constante arbitraire.

Ainsi et seront aussi constantes ; et l’on aura sur-lechamp pour la roulette l’équation finie

qui n’exprime, comme on voit, qu’un cercle décrit du rayon régal à la distance du point décrivant au point d’attouchement des deux courbes. Cette solution satisfait, comme il est aisé de le voir, au Problème envisagé analytiquement, et, de ce qu’elle renferme une constante arbitraire, il s’ensuit qu’elle a toute l’étendue que demande l’équation différentielle trouvée plus haut ; mais il est visible en même temps qu’elle ne satisfait pas à la question envisagée mécaniquement et sous le point de vue où on l’a proposée.

Ce dernier objet se trouve rempli par l’autre équation, savoir

laquelle, en éliminant au moyen de l’équation finie

et étant égaux à et donnera une équation finie en et dans laquelle il n’y aura aucune constante arbitraire, et qui sera la véritable équation de la roulette décrite par la révolution d’une courbe donnée sur une autre courbe donnée.

4. En combinant les deux équations

on en tire les valeurs de et lesquelles, en mettant à la place de sa valeur se trouveront exprimées ainsi

Pour faire usage de ces formules, il sera plus simple d’exprimer les coordonnées et de la courbe immobile, ainsi que le rayon de la courbe mobile, par l’arc qui est commun aux deux courbes. On trouvera de cette manière les valeurs de et exprimées en d’où, éliminant on aura l’équation de la roulette.

5. Pour donner quelques exemples de l’application des formules précédentes, considérons d’abord le cas de la roulette ou cycloïde ordinaire. Ici la courbe immobile n’est autre chose que l’axe même des abscisses en sorte qu’on aura

Ensuite la courbe mobile est un cercle dont nous ferons le rayon égal à or, en prenant le point décrivant sur la circonférencede ce cercle, il est visible que sera la corde de l’arc en sorte qu’on aura

substituant ces valeurs, il viendra

Si le point décrivant n’était pas sur la circonférence du cercle, mais à la distance du centre, alors il est facile de prouver qu’on aurait

ou bien

d’où

de sorte qu’après les substitutions on aura

Enfin, si dans ce dernier cas on voulait que la courbe immobile fût aussi un cercle dont le rayon il est facile de voir qu’on aurait pour lors

en supposant que l’axe des abscisses passe par le centre du cercle immobile. De là on trouvera, après les réductions,

d’où l’on voit que la roulette sera géométrique toutes les fois que sera à comme nombre à nombre.

6. Si la courbe immobile étant quelconque, la courbe mobile devenait une ligne droite, et que le point décrivant fût pris dans cette même droite, il est visible qu’on aurait alors ou plus généralement étant une constante quelconque. Les formules de la roulette (4) deviendront alors

lesquelles sont, comme l’on voit, identiques avec celles que nous avons trouvées dans le no 6 de l’Article I pour la développante de la courbe dont et sont les coordonnées. Il est facile de concevoir en effet que dans ce cas la roulette ne saurait être autre chose que la développante de la courbe immobile ; c’est ce que d’autres Géomètres ont déjà remarqué.

Article III.Des différents ordres de contact des courbes, et de la manière de trouver des courbes qui aient avec une infinité de courbes données des contacts d’un ordre donné.

1. On sait que, dans le point d’attouchement de deux courbes, il y a une réunion de deux points d’intersection des mêmes courbes ; on sait de plus que, dans le point où deux courbes se touchent en sorte qu’elles aient la même courbure, il y a une réunion de trois points d’intersection ; et si outre cela la variation de la courbure est encore la même, alors il y aura une réunion de quatre points d’intersection ; et ainsi de suite.

Nous appellerons, en général contact du premier ordre tout attouchement de deux courbes où il y a réunion de deux intersections, contact du second ordre tout attouchement dans lequel il y aura réunion de trois points d’intersection, contact du troisième ordre celui où quatre points d’intersection seront réunis ; et ainsi de suite.

De cette manière l’attouchement ordinaire sera un contact du premier ordre, l’osculation sera un contact du second ordre, etc.

2. Cela posé, soit proposée une courbe dont l’équation soit

étant une fonction donnée des coordonnées et de deux constantes arbitraires et et qu’on demande les valeurs de ces arbitraires pour que la courbe proposée ait un contact du premier ordre avec une autre courbe quelconque. Il faudra que, dans ce contact, non-seulement les valeurs de et mais aussi celles de et soient les mêmes pour les deux courbes ; donc non-seulement l’équation mais encore sa différentielle devra avoir lieu par rapport à la nouvelle courbe. Ainsi il n’y aura qu’à tirer de ces deux équations

les valeurs de et lesquelles se trouveront exprimées en et

Si est une fonction de et de trois constantes arbitraires on pourra déterminer les valeurs de en sorte que la courbe proposée ait un contact du second ordre avec une autre courbe quelconque ; car la nature de ce contact exigeant que non-seulement et mais aussi et soient les mêmes pour tes deux courbes, il n’y aura qu’à supposer que les trois équations

aient lieu en même temps relativement à ces deux courbes, et l’on tirera de ces équations les valeurs de lesquelles seront exprimées en et et ainsi de suite.

Nous nommerons, en général, courbe touchante la courbe proposée par rapport à laquelle les quantités sont constantes ; et nous nommerons ensuite courbe touchée l’autre courbe par rapport à laquelle ces mêmes quantités sont variables, étant des fonctions de ses coordonnées et de leurs différentielles

Enfin nous nommerons ces mêmes quantités éléments du contact ; de sorte qu’un contact du premier ordre n’aura que deux éléments, un contact du second ordre n’en aura que trois, etc.

3. Supposons que la courbe touchante soit un cercle quelconque, dont l’équation soit

et étant les coordonnées qui déterminent le lieu du centre et le rayon. Si l’on veut que ce cercle ait un contact du second ordre avec une courbe quelconque, c’est-à-dire qu’il en devienne le cercle osculateur, il faudra déterminer les trois éléments du contact au moyen des trois équations

en faisant

et l’on retrouvera les mêmes expressions de ces quantités que l’on a déjà trouvées dans l’Article Ier (1).

Si l’on fait tomber le centre du cercle dans l’axe des abscisses, on aura et l’équation

ne renfermera plus que deux constantes et Ce cercle ne pourra donc

plus avoir qu’un contact du premier ordre avec une autre courbe quelconque et il est clair que dans ce point de contact le rayon deviendra la normale à la courbe touchée, et que la quantité sera la partie de l’axe interceptée entre l’origine des abscisses et le concours de la normale, partie qu’on nomme quelquefois la resecte.

On déterminera donc ces deux éléments et au moyen des deux équations et lesquelles donneront

On peut supposer aussi que le centre du cercle tombe sur la circonférence d’une courbe donnée ; alors deviendra la partie de la normale interceptée par cette courbe. Dans ce cas on aura une équation entre et qui sera celle de la courbe donnée, et au moyen de cette équation et des deux équations et on déterminera On en a un exemple dans le no 2 de l’Article II.

L’équation générale de l’ellipse rapportée au foyer est

dans laquelle est le rayon vecteur égal à est le demi-paramètre du grand axe, est l’excentricité, et est la tangente de l’angle que le grand axe de l’ellipse fait avec l’axe des abscisses dont l’origine est dans le foyer, et qui sont supposées positives en allant vers l’apside le plus proche.

Si donc on veut que cette ellipse ait un contact du second ordre avec une courbe quelconque, c’est-à-dire qu’elle devienne osculatrice de cette courbe, il n’y aura qu’à déterminer les éléments au moyen des mêmes équations

mais en faisant

On trouvera ainsi

Si la position du foyer de l’ellipse osculatrice n’était pas donnée, nommant l’abscisse et l’ordonnée qui répondent à ce foyer, on aura alors pour l’équation générale de l’ellipse

dans laquelle

la signification des autres quantités demeurant la même qu’auparavant.

Comme cette équation renferme cinq constantes arbitraires, il s’ensuit que l’ellipse dont il s’agit pourra avoir un contact du quatrième ordre avec une autre courbe quelconque, et pour cela on déterminera les cinq éléments de ce contact au moyen des cinq équations

en faisant

4. Imaginons maintenant qu’il y ait une relation donnée entre les éléments du contact et qu’on demande la courbe touchée dans laquelle cette relation aura lieu. Il n’y aura pour cela qu’à substituer dans l’équation donnée entre les valeurs de ces quantités exprimées en (2).

On aura ainsi, si le contact est du premier ordre, une équation différentielle du premier ordre entre les coordonnées et de la courbe cherchée ; si le contact est du second ordre, on aura une équation différentielle du second ordre entre les mêmes coordonnées ; et ainsi de suite. Il ne s’agira donc plus que d’intégrer ces différentes équations, et pour cela je remarquerai d’abord qu’on peut supposer que les quantités soient constantes ; car, comme l’équation donnée entre ces quantités est supposée ne renfermer que ces mêmes quantités sans les variables il est visible que cette équation pourra toujours subsister dans l’hypothèse que les quantités dont il s’agit soient constantes ; et l’effet de cette équation consistera alors à déterminer une de ces constantes par toutes les autres, lesquelles demeureront par conséquent arbitraires. Ainsi le nombre des constantes arbitraires sera égal à celui des éléments du contact moins un, et par conséquent égal à l’exposant de l’ordre de ce contact (2) ; donc ce nombre sera aussi égal à celui de l’exposant de l’ordre de l’équation différéntielle qu’il s’agit d’intégrer (3).

Cela posé, puisque les expressions des quantités en ont été déduites de l’équation et de ses différentielles en y regardant ces quantités comme constantes (2), il est visible que la même équation finie satisfera, dans l’hypothèse présente, à l’équation différentielle proposée ; et comme parmi les constantes que l’équation renferme, il en reste toujours autant d’arbitraires qu’il y a d’unités dans l’exposant de l’ordre de l’équation différentielle dont il s’agit, il s’ensuit que cette équation sera l’intégrale finie et complète de la même équation différentielle. Or l’équation est celle de la courbe touchante ; donc l’intégrale complète de l’équation différentielle proposée ne donnera jamais autre chose que la même courbe touchante que l’on connaissait déjà, et ne donnera nullement la courbe touchée qu’il s’agit de trouver. Cependant il est facile de se convaincre que l’équation différentielle en question appartient également à la courbe touchée ; donc, puisque cette courbe n’est pas renfermée dans l’intégrale complète de la même équation, il faudra nécessairement qu’elle le soit dans une intégrale particulière. C’est ce que nous allons examiner.

5. Nous commencerons par rappeler ici les principes de la Théorie des intégrales particulières que nous avons exposée en détail dans notre Mémoire sur cette matière [Nouveaux Mémoires de l’Académie royale des Sciences de Berlin pour 1774[2]] ; et nous les présenterons même d’une manière plus simple et plus générale à quelques égards que nous ne l’avons fait dans ce Mémoire.

Soit

une équation différentielle d’un ordre quelconque entre deux ou plusieurs variables ; et soit

une équation différentielle d’un ordre inférieur entre les même variables, laquelle soit une intégrale complète de l’équation Par la Théorie connue du Calcul intégrale on sait que l’équation doit renfermer autant de constantes arbitraires qu’il y a d’unités dans la différence des exposants des ordres des deux équations, en sorte que si de manière que l’intégrale complète soit finie, le nombre des constantes arbitraires doit égaler le nombre de l’ordre de l’équation différentielle On sait de plus que l’équation différentielle ne peut être autre chose que le résultat de l’élimination de toutes ces constantes arbitraires au moyen de l’équation et de ses différences jusqu’à inclusivement : en effet, ces équations étant au nombre de et les constantes arbitraires n’étant qu’au nombre de on aura par l’élimination de ces constantes une équation finale de l’ordre de laquelle devra être identique, ou du moins équivalente à l’équation

Or, comme l’élimination dont il s’agit est indépendante de la valear particulière des constantes arbitraires, il est clair qu’on aura toujours le même résultat, soit que ces quantités arbitraires soient constantes ou non, pourvu que l’on ait les mêmes équations

D’où il s’ensuit que l’équation satisfera toujours à l’équation d’un ordre supérieur, même en supposant que les constantes arbitraires qui entrent dans la fonction deviennent variables, pourvu que les différences de cette fonction jusqu’à restent les mêmes que dans le cas où ces arbitraires seraient constantes. Or c’est ce qui aura lieu si l’on fait disparaître dans chacune de ces différences la partie qui viendrait de la variation des arbitraires supposées variables.

Désignons, en général, par la caractéristique la différence prise en faisant varier uniquement les constantes arbitraires de la fonction et conservons la caractéristique pour représenter les différences ordinaires, relatives aux variables de la même fonction Il est clair que, dans l’hypothèse où les constantes arbitraires deviendront variables, la différence totale de l’équation sera

donc, pour que l’on ait

il faudra que l’on ait en même temps

Par la même raison la différence totale de l’équation sera

donc, pour que l’on ait

il faudra que l’on ait en même temps

On continuera ce raisonnement pour les différences des ordres suivants, et l’on trouvera de la même manière

jusqu’à

inclusivement.

Or par la Théorie connue des variations on sait que est la même chose que que est la même chose que et ainsi des autres.

Donc les équations de condition pour que l’équation satisfasse à l’équation d’un ordre supérieur de unités, en y supposant variables les constantes arbitraires, seront

dont le nombre est, comme on voit, égal à et par conséquent égal à celui de ces mêmes quantités.

Il n’y aura donc qu’à déterminer les valeurs de ces quantités au moyen des équations de condition dont il s’agit, et à les substituer ensuite dans l’équation ou, ce qui revient au même, il n’y aura qu’à éliminer les mêmes quantités, au moyen de cette équation et des équations de condition

l’équation résultante satisfera également à l’équation différentielle proposée et, comme elle sera toujours d’un ordre moins élevé d’une unité que cette dernière équation, elle en sera l’intégrale particulière.

6. Pour éclaircir davantage cette Théorie, soient les différentes variables qui avec leurs différences jusqu’à l’ordre entrent dans l’intégrale complète et soient les constantes arbitraires au nombre de que cette intégrale renferme. En différentiant la fonction dans la supposition que les quantités varient seules, on aura

ensuite, faisant varier seulement les quantités on aura

Ainsi les équations de condition seront

jusqu’à

où l’on remarquera que les quantités et leurs différences jusqu’à l’ordre ne renferment que les quantités finiès , et les variables avec leurs différences jusqu’à l’ordre ou Or comme ces différentes équations ne renferment aucun terme qui ne soit multiplié par ou ou, etc., il est visible qu’en éliminant ces différences dont le nombre est le même que celui des équations, on aura une équation finale qui sera divisible par la dernière de ces inconnues, et qui ne renfermera plus que les quantités finies et les variables avec leurs différences jusqu’à l’ordre

Que l’on combine donc cette équation avec l’équation et avec ses différentielles jusqu’à lesquelles ne renferment aussi que les mêmes quantités finies et les variables avec leurs différences jusqu’à l’ordre on aura de cette manière équations, au moyen desquelles on pourra éliminer les inconnues et l’on obtiendra une équation finale entre les variables et leurs différences jusqu’à l’ordre laquelle sera par conséquent d’un ordre moins élevé d’une unité que l’équation qu’on suppose de l’ordre Ce sera donc l’intégrale particulière de l’équation proposée

7. Qu’on applique maintenant cette méthode au Problème du no 4, et qu’on cherche l’intégrale particulière de l’équation proposée, au moyen de son intégrale complète en y faisant varier les constantes arbitraires on verra aisément que cette intégrale particulière représentera précisément la courbe touchée, puisqu’il est évident que dans cette courbe les éléments du contact doivent être en effet variables et c’est la raison qui empêche que cette courbe, quoique contenue dans la même équation différentielle, ne puisse être renfermée dans l’intégrale complète de cette équation dans laquelle les quantités , sont constantes.

Les Problèmes que nous avons résolus dans les Articles I et II peuvent servir d’exemples au Problème général que nous traitons ici, et pour peu qu’on examine la manière dont nous avons intégré les équations différentielles des courbes développantes et des roulettes en regardant comme variables les éléments du contact on s’apercevra aisément que nous n’avons fait autre chose que chercher l’intégrale particulière de cette équation suivant les principes établis plus haut.

8. De ce que nous venons de démontrer il s’ensuit, en général, que l’intégrale particulière d’une équation différentielle quelconque entre deux variables n’est autre chose que l’équation de la courbe touchée par toutes les courbes qui peuvent être représentées par les différentes intégrales complètes de la même équation différentielle, en faisant varier dans ces intégrales les constantes arbitraires qu’elles renferment ; de manière que le contact sera toujours du même ordre que celui de l’équation différentielle proposée.

9. Nous avons supposé jusqu’ici que les courbes touchantes étaient connues et qu’on cherchait les courbes touchées ; mais, si ces dernières étaient données et qu’on cherchât les premières, le Problème serait l’inverse du précédent et serait même en quelque sorte indéterminé. Pour en donner une solution aussi générale qu’il est possible, soit l’équation de la courbe touchée que nous supposerons d’abord finie, en sorte que soit une fonction des deux coordonnées et On prendra pour les courbes touchantes une équation quelconque entre les mêmes coordonnées et et dans laquelle il entre deux constantes arbitraires et si le contact ne doit être que du premier ordre, ou trois constantes arbitraires si le contact doit être du second ordre ; et ainsi de suite.

Dans le premier cas on combinera les deux équations

avec leurs différentielles

et chassant et il viendra une équation entre et qui servira à déterminer l’une de ces constantes par l’autre.

Dans le second cas on combinera les mêmes équations

avec leurs différentielles premières

et avec leurs différentielles secondes

en éliminant par leur moyen les quantités il en résultera deux équations entre les trois constantes au moyen desquelles on déterminera deux de ces constantes par la troisième ; et ainsi de suite.

Il restera donc toujours une constante arbitraire dans l’équation de la courbe touchante ; et, en donnant à cette constante arbitraire toutes les valeurs possibles, on aura la suite de toutes les courbes qui toucheront la courbe donnée dont l’équation est

Supposons maintenant que l’équation de la courbe touchée soit différentielle du premier ordre ; on ne pourra considérer alors que les contacts du second ordre et des ordres supérieurs. On prendra donc pour la courbe touchante une équation finie quelconque dans laquelle il y ait trois constantes indéterminées pour les contacts du second ordre, quatre constantes arbitraires pour les contacts du troisième ordre ; et ainsi de suite.

Dans le premier cas on combinera les deux équations

avec ces trois

en éliminant par leur moyen les quatre quantités il restera une équation entre par laquelle on déterminera, par exemple, en et

Dans le second cas on combinera les trois équations

avec ces quatre-ci

en éliminant les cinq quantités il viendra deux équations entre les quatre constantesarbitraires, par lesquelleson déterminera deux de ces constantes en fonction des deux autres ; et ainsi de suite.

De cette manière il restera toujours deux constantes arbitraires dans l’équation de la courbe touchante et, en donnant toutes les valeurs possibles à ces constantes, on aura toute la famille des courbes qui toucheront la courbe donnée par l’équation

On traitera d’une manière analogue les cas où l’équation de la courbe touchée sera différentielle du second ordre ou des ordres suivants.

10. On peut par les mêmes principes résoudre cette question analytique : Trouver toutes les équations différentielles qui ont pour intégrale particulière une équation donnée. Il est visible en effet, par ce que nous avons démontré plus haut, que cette question revient à celle-ci : Trouver l’équation différentielles de toutes les courbes touchantes lorsque la courbe touchée est donnée.

Or nous avons donné la manière de trouver l’équation finie qui renferme toutes les courbes touchantes, à l’aide d’une ou de plusieurs constantes arbitraires ; il n’y aura donc autre chose à faire qu’a éliminer ces constantes au moyen de la différentiation, et l’équation différentielle qui en résultera satisfera à la question.

Article IV.Sur les surfaces composées de lignes d’une nature donnée[3].

1. Soit proposé de trouver l’équation des surfaces composées de lignes droites ; il n’y aura qu’à chercher cette des surfaces formées par l’intersection d’une infinité de plans dont la position varie suivant une loi quelconque.

Or l’équâtion généraled’un plan est

étant des constantes dépendantes de la position du plan. Qu’on suppose donc et des fonctions quelconques de et qu’on fasse ensuite varier seul dans cette équation, on aura

et, éliminant au moyen de ces deux équations, la résultante sera l’équation cherchée.

2. Cette équation sera donc la même que nous avons trouvée dans le no 49 du Mémoire Sur les intégrales particulières des équations différentielles[4], pour l’intégrale de l’équation aux différences partielles

ainsi cette dernière équation appartiendra aussi aux surfaces dont il s’agit, en supposant que dénote une fonction quelconque. Or cette équation admet de plus une intégrale particulière qu’on peut trouver par la diffé-

rentiation, suivant la méthode générale du no 46 du Mémoire cité ; mais cette intégrale particulière ne donnera point les surfaces demandées, et ne représentera que les surfaces-formées par l’intersection de celles-ci, comme on peut le conclure de la Théorie que nous avons donnée de ces sortes d’intégrales.

3. On peut parvenir encore d’une manière plus directe à la solution du Problème proposé, par la simple considération des lignes dont la surface cherchée doit être composée. On sait qu’une ligne droite est représentée, en général, par deux équations de cette forme

étant des constantes arbitraires qui dépendent de la position de la ligne par rapport aux axes des coordonnées Faisant donc varier infiniment peu ces constantes, on aura les équations d’une autre ligne droite infiniment proche de celle-là, et pour que ces deux droites soient sur une même surface, il est clair qu’elles doivent nécessairement se couper dans un point quelconque, à moins qu’elles ne soient parallèles, auquel cas le point d’intersection est censé éloigné à l’infini.

D’où il s’ensuit que, pour que les équations

puissent appartenir aussi à la surfaces cherchée, il faudra que les quantités soient telles que les différentielles de ces équations, en faisant varier seulement ces quantités, puissent avoir lieu en même temps que les équations dont il s’agit. Or ces différentielles sont

d’où, en chassant on aura l’équation de condition

Par cette équation on déterminera, par exemple, en en supposant

et des fonctions quelconques de ensuite il n’y aura plus qu’à chasser des deux équations

et la résultante sera l’équation de la surface cherchée, laquelle contiendra deux fonctions arbitraires comme celle du no 1.

4. Si l’on fait

on aura aussi

si l’on suppose de plus

et étant des fonctions quelconques de on aura

et, intégrant,

Ainsi l’on aura la surface cherchée en éliminant des deux équations

ou bien

Or ces dernières équations sont de la même forme que celles qu’on a trouvées dans le no 1 ; ainsi les deux solutions sont d’accord.

Le résultat de la seconde solution est conforme à celui que M. Euler a trouvé par des considérations géométriques dans le tome XVI des Nouveaux Commentaires de Pétersbourb, page 32, ce qui peut servir à confirmer la bonté de notre méthode.

5. Il est bon de remarquer que les deux équations

d’où on a déduit la condition donnent de plus une valeur de

cette valeur servira à déterminer le lieu de tous les points d’intersection des lignes droites sur la surface et pour cela il n’y aura qu’à combiner l’équation

avec une des deux équations

en éliminant la résultante sera celle de la projection de la courbe qui sera le lieu de tous les points dont il s’agit.

6. Il est facile maintenant de généraliser cette Théorie, et de l’appliquer à la recherche des surfaces composées de lignes quelconques d’une nature donnée.

Soient

les deux équations qui expriment la nature des lignes dont la surface cherchée doit être composée, et étant des fonctions données des coordonnées et des constantes qui déterminent la position et l’espèce des lignes dont il s’agit. On fera varier ces constantes dans les deux équations

ce qui donnera ces deux-ci

On éliminera au moyen de ces quatre équations les trois coordonnées

il restera une équation différentielle du premier ordre entre laquelle sera l’équation de condition qui doit avoir lieu entre ces quantités. S’il n’y a que deux quantités et cette équation servira à déterminer en S’il y a trois quantités on supposera

et l’on déterminera de même en S’il y a quatre quantités on fera

et l’on déterminera en et ainsi de suite. On substituera maintenant ces expressions de , en dans les deux équations et, éliminant l’indéterminée on aura une équation en qui sera celle de la surface cherchée, et dans laquelle les fonctions désignées par les caractéristiques demeureront arbitraires.

Si l’on fait les mêmes substitutions dans les deux équations

et qu’on élimine ensuite on aura une autre équation en laquelle étant combinée avec la précédente servira à déterminer le lieu de tous les points d’intersection des lignes représentées par les équations données

7. Au reste parmi les différentes constantes qui peuvent entrer dans les équations il est clair qu’il ne faudra prendre pour variables que celles qui par leur variation doivent donner les différentes lignes dont on veut que la surface soit composée.

Ainsi, par exemple, si la surface ne devait être composée que des mêmes lignes mais situées différemment, il ne faudrait prendre pour variables que les constantes qui déterminent la position de la ligne, et n’avoir aucun égard à celles qui déterminent la forme et l’espèce de cette ligne ; et ainsi du reste.

On pourrait pousser cette Théorie plus loin, mais je me contente d’en avoir ici exposé les principes.

Article V.Sur l’intégration des équations aux différences
partielles du premier ordre.

1. Je me propose ici de généraliser la méthode que j’ai donnée dans le no 52 du Mémoire Sur les intégrales particulières des équations différentielles [Mémoires de 1774, page 253[5]] pour intégrer les équations aux différences partielles du premier ordre dans lesquelles ces différences ne paraissent que sous la forme linéaire.

Soit l’équation

dans laquelle soient des fonctions quelconques données des variables et où soit une fonction inconnue de

Pour intégrer cette équation, c’est-à-dire pour trouver une équation finie entre je forme ces équations particulières

dont le nombre sera, comme on voit, égal à celui de toutes les variables moins une.

Ces équations sont des équations ordinaires du premier ordre entre les variables et peuvent par conséquent s’intégrer par les méthodes connues. Qu’on les intègre donc, en ajoutant dans chaque intégration une constante arbitraire ; on aura, en nommant ces constantes, autant d’équations finies entre et qu’il y aura de ces constantes arbitraires en sorte qu’on pourra déterminer la valeur de chacune de ces constantes en fonction connue de Ces valeurs étant ainsi trouvées, il n’y aura qu’à les substituer dans l’équation

la caractéristique dénotant une fonction arbitraire et indéterminée, et l’on aura l’intégrale cherchée de l’équation proposée ; laquelle intégrales sera complète, puisqu’elle contient une fonction arbitraire.

2. Par cette méthode on peut donc intégrer, en général, toute équation aux différences partielles du premier ordre dans laquelle ces différences ne paraissent que sous la forme linéaire, quel que soit d’ailleurs le nombre des variables ; du moins l’intégration de ces sortes d’équations est ramenée à celle de quelques équations aux différences ordinaires ; mais on sait que l’art du Calcul intégral aux différences partielles ne consiste qu’à ramener ce Calcul à celui des différences ordinaires, et qu’on regarde une équation aux différences partielles comme intégré lorsque son intégrale ne dépend plus que de celle d’une ou de plusieurs équations différentielles ordinaires.

Quant à la démonstration de la méthode précédente, on peut la déduire des mêmes principes du numéro cité, et nous ne nous y arrêterons pas ; mais, pour ne laisser aucun doute sur la bonté de cette métlode, nous allons faire voir synthétiquement la justesse du résultat qu’elle donne.

3. Ne considérons, pour plus de simplicité, que l’équation entre trois variables

on aura intégrer ces deux équations entre

dont les intégrales contiendront deux constantes arbitraires regardant donc et comme des fonctions de données par ces deux

équations, on aura, pour l’intégrale de l’équation proposée, celle-ci

dénotant une fonction arbitraire.

Pour s’assurer maintenant si cette équation est en effet l’intégrale de la proposée, il n’y a qu’à faire disparaître la fonction arbitraire au moyen de deux différentiationspartielles. On aura ainsi, en faisant varier successivement et

d’où, en éliminant on tire

Or, et étant des fonctions de on aura en différentiant

d’où, en regardant comme fonction de et on tire

Substituant ces valeurs dans l’équation précédente, on aura

laquelle se réduit à

Je considère maintenant que, puisque et sont les constantes arbitraires des intégrales des deux équations

il faut que ces équations soient identiques avec celles qui résultent de la supposition de

c’est-à-dire avec celles-ci

donc il faudra qu’en substituant dans ces dernières les valeurs de et de tirées des premières, savoir et on ait des équations identiques, lesquelles seront, en divisant par

ces équations donnent

donc

ces valeurs étant substituées dans l’équation ci-dessus, elle devient, en divisant par qui en multiplie tous les termes,

qui est l’équation proposée.

4. Pour donner un exemple de la méthode précédente, soit proposée l’équation entre quatre variables

on aura donc à intégrer ces trois équations particulières

et, pour cet effet, j’en tire d’abord celles-ci

d’où, éliminant j’ai trois équations intégrables, et dont les intégrales seront

de là on aura pour l’intégrale de la proposée

5. Pour montrer maintenant l’usage de cette méthode dans la solution d’un Problème géométrique, je suppose qu’on demande l’équation générale de toutes les surfaces qui peuvent couper à angles droits une infinité de surfaces données, lesquelles ne diffèrent entre elles que par un paramètre constant dans la même surface, mais variable d’une surface à l’autre. Ce Problème est par rapport aux surfaces ce que le Problème connu des trajectoires rectangles est pour les lignes mais il est beaucoup plus difficile que ce dernier, à cause qu’il conduit à une équation aux différences partielles.

En effet soient les coordonnées rectangles de chacune des surfaces à couper ; on aura, par la nature de ces surfaces, une équation finie entre et le paramètre laquelle étant différentiée, en faisant constant et éliminant sera de la forme

et étant des fonctions finies et données de et appartiendra en cet état à toutes les surfaces à couper.

Maintenant, comme dans les points d’intersection des surfaces les coordonnées doivent être les mêmes, on aura aussi dans ces points pour les coordonnées des surfaces coupantes ; et si l’on représente, en général par

l’équation différentielle de chacune de ces surfaces, il n’est pas difficile de trouver par les méthodes connues que la condition du Problème, laquelle consiste en ce que les perpendiculaires aux deux surfaces représentées par les équations

fassent entre elles un angle droit, il n’est pas difficile, dis-je, de trouver que cette condition donnera l’équation

mais

par conséquent l’équation à résoudre ou à intégrer sera

et étant des fonctions données de

Cette équation est, comme on voit, intégrable par notre méthode, et la difficulté se réduira à intégrer ces deux équations particulières en savoir

ou bien

Ces équations étant intégrées, et étant les deux constantes arbitraires, on fera

et il n’y aura plus qu’à éliminer et au moyen des intégrales trouvées ; l’équation résultante sera celle de toutes les surfaces coupantes.

6. Supposons, par exemple, que les surfaces à couper soient sphériques, et qu’elles soient placées de manière qu’elles passent toutes par un même point, et que leurs centres soient placés sur une même ligne droite. Prenant ce point et cette ligne, l’un pour l’origine des coordonnées et l’autre pour l’axe des abscisses et le rayon de la sphère pour le paramètre on aura cette équation générale pour toutes les surfaces dont il s’agit

laquelle, étant divisée par et ensuite différentiée pour faire disparaître le paramètre donnera

en sorte qu’on aura

Les équations particulières à intégrer seront donc

la seconde donne d’abord

et, cette valeur étant substituée dans la première, on aura

équation intégrale, étant divisée par et dont l’intégrale sera

Avant donc trouvé

on aura, pour l’équation des surfaces coupantes,

ou, ce qui revient au même,

dénotant une fonction arbitraire.

7. Si l’on veut que les surfaces coupantes ne soient pas d’un ordure supérieur au second, il faudra supposer

et l’on aura alors l’équation

laquelle appartient aussi à une surface sphérique passant par l’origine des coordonnées, mais dont le rayon sera et dont le centre sera placé sur une droite menée par l’origine des coordonnées dans le plan des et et faisant avec l’axe des un angle dont la tangente sera

Donc, puisque les constantes et sont arbitraires, toute surface sphérique, qui passera par l’origine des coordonnées et dont le centre sera placé dans le plan des et coupera partout à angles droits toutes les sphères qui passeront par la même origine des coordonnées, et qui auront leurs centres placés dans l’axe des perpendiculaire au plan dont il s’agit.

De là résulte ce Théorème général, que : si par un point donné on mène deux droites perpendiculaires entre elles, et qu’on décrive deux sphères quelconque dont les surfaces passent par ce même point et dont les centres soient placés sur les deux lignes, ces surfaces se couperont partout à angles droits ; et, comme on peut mener par un même point trois droites perpendiculaires entre elles, il s’ensuit que si trois sphères quelconques ont leurs centres placés sur ces trois droites et que leurs surfaces passent. par le point de concours de ces droites, ces surfaces se couperont partout mutuellement à angles droits.

Au reste ce Théorème n’est pas difficile à démontrer par la Géométrie, et l’on peut prouver de plus que, si les droites sur lesquelles sont placés les centres des sphères forment entre elles des angles quelconques, les surfaces de ces sphères se couperont partout sous les mêmes angles ; ce qui suit évidemment de ce que deua sphères se coupent nécessairement dans tous les points de leurs surfaces sous le même angle.

8. On peut aussi généraliser et simplifier les méthodes des nos 53 et 54 du même Mémoire.

Soit

on aura, en différentiant et en supposant toujours fonction de

Mais, étant aussi fonction de il est clair qu’on peut regarder et et par conséquent aussi comme fonctions de , et dans cette hypothèse on aura

Donc, si l’on a une équation de la forme

dans laquelle soient des fonctions quelconques données de on pourra par les substitutions précédentes lui

donner cette autre forme

dans laquelle seront des fonctions données de

Or cette dernière équation est intégrable par la méthode précédente, et l’on peut en conséquence trouver la valeur de en fonction de , d’où, en différentient par rapport à on tirera aussi celle de en On aura donc ainsi les valeurs de et de en d’où, éliminant on aura une équation en qui sera l’intégrale de l’équation proposée.

9. Soit

on aura en différentiant

donc, regardant et comme fonctions de on aura

Donc, si l’on a une équation de la forme

dans laquelle soient des fonctions quelconques données de on pourra par les substitutions précédentes la changer en une équation de la forme suivant

dans laquelle seront des fonctions données de

Cette équation étant intégrable par la méthode donnée ci-dessus, on aura la valeur de en et, différentiant successivement par rapport à et on aura aussi les valeurs de et de en On aura ainsi les valeurs de de et de en d’où, chassant et on aura une équation en qui sera l’intégrale de la proposée.

On pourra intégrer de même les équations de la forme

dans lesquelles seraient des fonctions connues de et ainsi de suite.


Séparateur

  1. Œuvres de Lagrange, t. IV, p. 5.
  2. Œuvres de Lagrange, t. IV, p. 5.
  3. Il n’est question, dans cet Article, que de la génération des surfaces par des lignes d’une nature donnée, assujetties à la condition d’être tangentes à une même courbe. C’est en se plaçant ainsi exclusivementau point de vue des surfaces enveloppes, que Lagrange regarde comme nécessaire, dans le no 3, la rencontre de deux génératrices infiniment voisines d’une surfaces réglée. (Note de l’Éditeur.)
  4. Œuvres de Lagrange, t. IV, p. 75.
  5. Œuvres de Lagrange, t. IV, p. 82.