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Mémoires extraits des recueils de l’Académie royale de Berlin/Sur la forme des racines imaginaires des équations

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SUR LA
FORME DES RACINES IMAGINAIRES
DES ÉQUATIONS.


(Nouveaux Mémoires de l’Académie royale des Sciences et Belles-Lettres
de Berlin
, année 1772.)


Séparateur


Il semble que les Analystes aient toujours regardé comme vraie cette proposition, que toutes les racines imaginaires des équations peuvent se réduire à la forme

et étant des quantités réelles ; mais ce n’est que dans ces derniers temps qu’on est parvenu à la démontrer d’une manière rigoureuse et générale.

La première démonstration qu’on ait donnée de ce beau Théorème est celle qui se trouve dans les Mémoires de cette Académie pour l’année 1746 et qui est due à M. d’Alembert. Cette démonstration est très-ingénieuse et ne laisse, ce me semble, rien à désirer du côté de l’exactitude ; mais elle est indirecte, étant tirée de la considération des courbes et des suites infinies, et elle porte naturellement à croire qu’on peut arriver au même but par une analyse plus simple, fondée uniquement sur la théorie des équations. En effet, comme le radical imaginaire peut avoir indifféremment le signe ou il est clair que s’il y a dans une équation quelconque une racine qui soit représentée par il devra y en avoir en même temps une autre qui le soit par ainsi chaque facteur imaginaire tel que sera toujours accompagné du facteur correspondant en sorte que le produit de ces facteurs sera

qui est un facteur du second degré tout réel.

D’où il suit que toute équation pourra se décomposer en des facteurs réels du premier ou du second degré. Or cette proposition paraît de nature à pouvoir être démontrée par les seuls principes de la théorie des équations, et il est clair qu’il suffit pour cela de prouver que toute équation d’un degré plus haut que le second peut toujours se partager en deux autres équations dont les coefficients soient des quantités réelles. C’est l’objet que M. Euler s’est proposé dans les savantes recherches qu’il a données, dans les Mémoires de 1749, sur les racines imaginaires des équations. Il y considère séparément le cas où l’exposant de l’équation est une puissance de et celui où cet exposant est une puissance de multipliée par un nombre quelconque impair ; et dans ce dernier cas il trouve que toute équation du degré ( étant un nomhre impair) peut être divisée par une équation du degré dont le coefficient du second terme soit déterminé par une équation d’un degré impair, laquelle aura par conséquent toujours une racine réelle. De la M. Euler conclut d’abord que les coeflicients des autres termes auront aussi des valeurs réelles, parce qu’il suppose qu’en éliminant successivement les puissances de ces coefficients plus hautes que la première, à l’aide des différentes équations de condition qu’on aura entre tous les coefficients, on puisse toujours parvenir à déterminer les coefficients dont il s’agit par des fonctions rationnelles de celui du second terme. Cette réduction paraît en effet toujours possible en général ; il se trouve néanmoins des cas particuliers où elle ne saurait avoir lieu, et dans lesquels par conséquent la démonstration de M. Euler sera insuffisante ; mais cette démonstration est surtout insuffisante à l’égard du premier cas, où le degré de l’équation proposée est supposé être une puissance de

La résolution de ce cas paraît d’abord beaucoup plus difficile ; car lorsqu’on cherche à diviser une équation du degré par une autre équation d’un degré inférieur quelconque, on parvient toujours à des équations de degrés pairs pour la détermination de ses coefficients ; de sorte que pour pouvoir s’assurer que l’un de ces coefficients sera réel il faut que l’équation dont il dépend ait son dernier terme négatif. Quand on décompose une équation du quatrième degré, dont le second terme est évanoui, en deux autres du second degré suivant la méthode de Descartes, on trouve que les coefficients des seconds termes de ces diviseurs sont donnés par une équation du sixième degré, dont le dernier terme est essentiellement négatif, étant égal à un carré affecté du signe Cette observation a porté M. Euler à penser que la même chose pourrait avoir lieu dans toute équation dont le degré sera une puissance de et où le second terme sera pareillement évanoui, lorsqu’on cherchera à la décomposer en deux autres d’un degré moindre de la moitié. M. Euler tâche de démontrer, par la nature même des racines de l’équation qui doit servir à déterminer les coefficients des seconds termes de ces diviseurs, que cette équation aura toujours pour dernier terme un carré avec le signe négatif ; mais il faut avouer que son raisonnement est peu concluant, ainsi que M. le chevalier de Foncenex l’a déjà remarqué dans le premier volume des Miscellanea Taurinensia ; et comme nous le montrerons encore avec plus de détail dans ce Mémoire.

Cette raison a même engagé l’habile Géomètre dont nous venons de parler à prendre un autre chemin pour parvenir à une démonstration exacte du même Théorème, et l’on ne saurait disconvenir que celle qu’il a donnée dans le volume cité n’ait l’avantage de l’élégance et de la simplicité mais, d’un autre côté, elle est aussi sujette à quelques-unes des difficultés qui ont lieu dans celle de M. Euler, et qui viennent de ce qu’on y suppose faussement que dès que l’un des coefficients d’un diviseur d’une équation quelconque est réel, tous les autres doivent l’être aussi.

Il paraît donc, par tout ce que nous venons de dire, que le Théorème dont il s’agit n’a pas encore été démontré d’une manière aussi directe et aussi rigoureuse qu’on pourrait le désirer. Comme je me suis depuis quelque temps particulièrement appliqué à perfectionner la théorie des équations, j’ai cru devoir aussi m’attacher à la discussion d’un point si important de cette théorie c’est l’objet que je me suis proposé dans ce Mémoire. En suppléant à ce qui manque à la démonstration de M. Euler, je tâcherai de-faire en sorte qu’il ne reste plus de difficulté ni d’incertitude sur cette matière.

1. On sait que toute équation d’un degré impair a nécessairement une racine réelle positive si son dernier terme est négatif, ou une racine réelle négative si son dernier terme est positif, et de plus que toute équation d’un degré pair a nécessairement deux racines réelles, l’une positive et l’autre négative, lorsque son dernier terme est négatif.

Ces Théorèmes sont si connus, que nous ne croyons pas devoir nous arrêter à les démontrer ; il est vrai que la démonstration qu’on en donne ordinairement est peu naturelle, étant tirée de la considération des lignes courbes ; mais nous en avons donné ailleurs une plus directe, déduite des seuls principes de la composition des équations [voyez les Mémoires pour l’année 1767[1]].

Hors les cas précédents on n’a point encore de caractère général par lequel on puisse reconnaître à priori si une équation a des racines réelles ou non. Nous nous proposons de donner dans une autre occasion nos recherches sur ce point, qu’on peut regarder comme un des plus importants de la théorie des équations.

2. Cela posé, il est d’abord clair que toute équation d’un degré impair telle que

pourra s’abaisser à un degré moindre d’une unité, c’est-à-dire au degré pair immédiatement inférieur.

Car, comme on est assuré que cette équation doit avoir une racine réelle, si l’on dénote cette racine par on aura

donc

ce qui étant substitué dans l’équation précédente, on aura celle-ci

laquelle se décompose naturellenoent en ces deux-ci

Ainsi il suffira de considérer les équations de degrés pairs.

3. Soit donc proposée l’équation générale

il s’agit de prouver que cette équation, lorsque est un nombre pair plus grand que peut toujours se décomposer en deux autres équations dont les coeificients soient des quantités réelles.

Supposons que

soit un des facteurs de l’équation dont il s’agit ; l’autre facteur sera de la forme

et pour déterminer les coefficients qui sont au nombre de il n’y aura qu’à multiplier ces deux facteurs ensemble, et égaler ensuite chaque terme du produit au terme de l’équation proposée dans lequel aura le même exposant ; on aura par là équations qui serviront à déterminer tous les coefficients inconnus des facteurs supposés.

On peut aussi considérer simplement le facteur

et remarquer que, comme il doit diviser exactement l’équation proposée, si l’on fait la division à la manière ordinaire et qu’on la pousse jusqu’à ce qu’on parvienne à un reste où l’inconnue monte à des puissances moindres que et qui par conséquent ne puisse plus donner des puissances entières de dans le quotient, ce reste devra être nul de lui-même, et indépendamment de la valeur de de sorte que, désignant ce reste par

il faudra qu’on ait à la fois les équations

lesquelles, étant au nombre de serviront à déterminer les coefficients indéterminés du facteur proposé.

4. Telles sont les méthodes qui se présentent naturellement pour décomposer une équation quelconque en deux autres de degrés inférieurs ; mais pour notre objet il n’est pas nécessaire d’exécuter cette décomposition, il suffit de faire voir qu’elle est possible sans tomber dans des quantités imaginaires.

Or si l’on suppose que dans les équations qui renferment les indéterminées on élimine toutes ces indéterminées hors une quelconque, par exemple on aura une équation finale en qui montera à un degré d’autant plus élevé que le nombre de ces équations sera plus grand, et la question se réduira à savoir : 1o si cette équation aura au moins une racine réelle ; 2o si les valeurs des autres indéterminées correspondantes à cette racine seront réelles aussi.

5. Quant à la première condition, on ne peut être assuré de son existence que lorsque l’équation finale sera d’un degré impair, ou d’un degré pair, mais avec le dernier terme négatif (I). À l’égard de la seconde, elle paraît d’abord une suite nécessaire de la première ; car, comme on a entre les indéterminées autant d’équations qu’il y a de ces indéterminées, il semble qu’on puisse toujours par les méthodes ordinaires de l’élimination parvenir à exprimer, par des fonctions rationnelles d’une quelconque de ces indéterminées, les valeurs de toutes les autres ; auquel cas il est clair que les valeurs de celles-ci seront nécessairement réelles dès que la valeur de celle-là sera réelle.

C’est en effet ce que la plupart des Analystes ont toujours supposé, et sur quoi M. Euler et M. le chevalier de Foncenex ont fondé principalement leurs démonstrations du Théorème dont il s’agit. Mais quoique cette proposition soit vraie, en général, il se trouve cependant des cas où elle devient absolument fausse, comme nous l’avons déjà fait voir dans le no 102 de nos Réflexions sur la résolution algébrique des équations[2].

Supposons en effet qu’on soit parvenu par des éliminations réitérées à une équation entre les indéterminées et de la forme

et étant des fonctions rationnelles de on aura donc par là en sorte que sera toujours réelle dès que le sera ; mais s’il arrive que la valeur réelle de soit telle, que les quantités et s’évanouissent à la fois, on aura ce qui ne fera rien connaître ; dans ce cas il sera donc douteux si à la valeur réelle de répond une valeur réelle de ou non ; en effet, l’expression indéterminée qu’on trouve pour est une marque que cette quantité ne peut pas être donnée simplement par une équation du premier degré, mais qu’elle doit dépendre d’une équation d’un degré supérieur, en sorte qu’à la même valeur de puissent répondre différentes valeurs de

6. Pour éclaircir ceci par un Exemple, je suppose qu’on ait l’équation du quatrième degré

et qu’on veuille la décomposer en deux du second degré, représentées par

on trouvera, en comparant le produit de ces deux-ci terme à terme avec celle-là, ces quatre équations

La première et la dernière donnent d’abord

et ces valeurs étant substituées dans les deux autres, on aura

lesquelles serviront à déterminer et

Supposons qu’on veuille exprimer par on multipliera la première par et on en retranchera la seconde, ce qui donnera

d’où l’on tire

et cette valeur de étant substituée dans l’une quelconque des deux équations précédentes, donnera une équation finale en qui montera au sixième degré.

Maintenant je remarque que si l’une des racines de cette équation se trouve égale à et qu’on ait en même temps cette valeur de donnera et pour trouver la éritable valeur de dans ce cas il faudra reprendre les équations où montait au second degré, lesquelles, en y faisant

se réduiront à cette équation unique

savoir

laquelle est, comme on voit, du second degré, et donnera par conséquent deux valeurs différentes de répondantes à la même valeur de

D’où l’on voit qu’il ne suffit pas d’être assuré que l’équation en a nécessairement une racine réelle, pour pouvoir l’être aussi que le facteur

sera réel, puisqu’il peut arriver que le coefficient soit imaginaire, ce qui aura lieu dans le cas que nous venons d’examiner si

7. Au reste, il est bon de remarquer que la valeur de sera nécessairement une racine double de l’équation en c’est de quoi on peut se convaincre à priori par cette considération que, comme les deux facteurs

sont semblables, les coefficients correspondants et doivent être les racines d’une même équation, ainsi que les coefficients et ce qui est d’ailleurs évident par les équations mêmes qui servent à déterminer ces quatre quantités, et qui sont telles, qu’elles demeurent les mêmes en y changeant en et en Ainsi, comme on a trouvé il s’ensuit que l’équation en devra être telle, que si est une de ses

racines, en soit une aussi ; donc lorsque les deux racines et deviendront égales.

On peut encore prouver la même chose par la nature même de l’équation en car pour avoir cette équation il n’y aura, comme nous l’avons dit, qu’à substituer l’expression générale de trouvée ci-dessus, et que nous désignerons, pour plus de simplicité, par dans l’équation

ce qui donnera, en ôtant les fractions,

Maintenant il est clair que si l’on a en même temps et non seulement l’équation précédente aura lieu elle-même, mais aussi sa différentielle, qui sera

d’où il s’ensuit que la racine sera nécessairement une racine double.

8. Comme la voie de l’élimination est très-longue, et que d’ailleurs elle ne pourrait jamais conduire qu’à des résultats particuliers, il faudra tâcher de découvrir à priori le degré et la nature de l’équation par laquelle la quantité devra être déterminée, ainsi que la nature des fonctions qui exprimeront les valeurs des autres quantités en

Pour cela on considérera que, puisque l’équation

est supposée être un facteur de l’équation proposée

il faudra qu’elle soit formée du produit de facteurs simples pris parmi les facteurs simples de celle-ci ; de sorte que comme le nombre des manières différentes de prendre choses parmi un nombre de choses égal à est exprimé, suivant la théorie des combinaisons, par la formule

il s’ensuit que l’équation proposée admettra un pareil nombre de diviseurs de la forme

et qu’ainsi chaque coefficient sera susceptible d’autant de valeurs différentes, et par conséquent devra être déterminé par une équation d’un degré marqué par la même formule.

9. Cette proposition est connue depuis longtemps des Géomètres, et l’on a coutume de la prouver par un raisonnement semblable à celui que nous venons de faire ; mais il est facile de voir que cette preuve est sujette à quelques difficultés. Car, quoiqu’il soit démontré qu’une équation du degré peut avoir autant de différents diviseurs du degré qu’il y a de manières de combiner choses à et qu’en même temps il paraisse hors de doute que les coefficients analogues de ces différents diviseurs doivent être donnés par une même équation dont ils seront les racines, cependant il n’est pas évident que cette équation ne pourra avoir d’autres racines, puisqu’il arrive le plus souvent que les équations qu’on trouve pour la solution des Problèmes tant algébriques que géométriques renferment bien des racines inutiles, outre celles qui servent à la résolution cherchée.

C’est pourquoi il semble qu’on ne saurait, à proprement parler, conclure autre chose du raisonnement ci-dessus, sinon que l’équation qui doit donner la valeur de chaque coefficient du diviseur cherché ne peut être d’un degré moindre que celui qu’on a assigné, sans qu’on soit en droit de prononcer qu’elle ne peut pas être non plus d’un degré plus haut.

Si l’on joint cette objection à celles que M. d’Alembert a déjà proposées dans le premier volume de ses Opuscules, page 227, on conviendra aisément que la proposition dont il s’agit, sur le degré de l’équation par laquelle chaque coefficient doit être déterminé, ne peut être admise sans une démonstration rigoureuse ; mais nous nous contenterons ici de renvoyer pour cet objet à la Section IV de nos Réflexions sur la résolution des équations citées ci-dessus, où nous avons démontré cette proposition d’une manière qui ne laisse rien à désirer du côté de l’exactitude et de la généralité.

10. La question se réduit donc maintenant à voir si, en supposant que soit un nombre quelconque pair donné, on peut toujours prendre le nombre moindre que et tel, que le nombre

qu’on sait devoir être toujours entier, soit en même temps un nombre impair.

Il est d’abord visible que si est un nombre impairement pair en sorte que étant un nombre impair autre que l’unité, il n’y aura qu’à prendre ce qui donnera la formule

laquelle, à cause de et de impairs, représentera nécessairement un nombre impair. Si en supposant toujours impair, on fera ce qui donnera la formule

laquelle représentera nécessairement un nombre impair, à cause que et sont tous impairs.

On prouvera de même que, si et qu’on prenne on aura une formule qui ne donnera que des nombres impairs, et ainsi de suite d’où l’on conclura, en général, que si étant un nombre impair autre que l’unité, et qu’on prenne la formule

représentera nécessairement des nombres impairs.

En effet il est clair qu’elle deviendra dans ce cas, en écrivant le dénominateur à rebours,

c’est-à-dire, en divisant les facteurs correspondants du numérateur et du dénominateur autant de fois par qu’il est possible,

où l’on voit que le numérateur et le dénominateur ne renferment plus que des facteurs impairs ; de sorte que, la division faite, on aura nécessairement un quotient qui sera un nombre impair.

11. Il est donc démontré que toute équation d’un degré pair ( étant un nombre quelconque impair autre que l’unité) peut être divisée par une équation du degré inférieur dont chaque coefficient sera déterminé par une équation d’un degré impair ; de sorte qu’on sera d’abord assuré qu’un quelconque de ces coefficients aura une valeur réelle, et qu’il ne restera plus qu’à prouver que les autres devront aussi avoir des valeurs réelles ; car quoique chaque coefficient en particulier puisse avoir une valeur réelle, étant donné par une équation de degré impair, cependant on n’en saurait conclure que tous les coefficients auront à la fois des valeurs réelles, puisqu’il n’est pas démontré que les valeurs réelles que ces coefficients doivent avoir soient précisément celles qui se correspondent et qui peuvent avoir lieu en même temps.

Or nous avons déjà fait voir plus haut que, dès que l’un des coefficients est supposé connu, on peut toujours exprimer tous les autres par des fonctions rationnelles de celui-là, à l’exception de quelques cas particuliers où il arrive que la détermination de ces coefficients demande encore la résolution d’une équation de deux ou de plusieurs dimensions ; ainsi tout se réduit à déterminer à priori quels sont ces cas, et quel est le degré de l’équation qu’on a alors à résoudre.

12. Cette question dépend de celle dont nous avons donné la solution ailleurs [Réflexions sur la résolution des équations, Section IV, no 100[3]], et qui consiste à trouver la valeur d’une fonction quelconque des racines d’une équation donnée, lorsqu’on connaît déjà celle d’une autre fonction quelconque des mêmes racines. Car il est visible que les coefficients du diviseur

sont des fonctions des racines de l’équation proposée

et il est facile de conclure de ce que nous avons dit dans le no 7, que le coefficient en particulier sera égal à la somme de quelconques des racines de la proposée, que le coefficient sera égal à la somme des produits deux à deux de ces racines, que le coefficient sera égal à la somme de leurs produits trois à trois, et ainsi de suite.

13. En appliquant donc à ce cas notre solution générale, on verra qu’on peut toujours exprimer par des fonctions rationnelles d’un quelconque dès coefficients la valeur de chacun des autres, excepté les seuls cas où, l’équation par laquelle ce coefficient-là doit être déterminé ayant des racines égales, on voudra prendre précisément une de ces racines pour sa valeur.

Alors chacun des autres coefficients devra nécessairement être déterminé par une équation dont le degré sera égal au nombre de ces racines égales, et dont les coefficients seront des fonctions rationnelles du même coefficient, qu’on suppose connu.

De là il s’ensuit :

1o Que si la valeur réelle que doit avoir nécessairement un quelconque des coefficients dans le cas du no 10, est une racine inégale de l’équation par laquelle ce coefficient doit être déterminé, on sera assuré que tous les autres coefficients auront aussi nécessairement des valeurs réelles ;

2o Que si cette valeur est une racine égale de la même équation, alors pourvu que l’exposant de l’égalité soit impair, c’est-à-dire que ce soit une racine triple, ou quintuple, ou, etc., on sera aussi assuré que les autres coefficients auront des valeurs réelles, puisqu’ils dépendront d’équations de degrés impairs ; mais il n’en serait pas de même si le degré de la multiplicité était pair.

14. Considérons, en général, une équation quelconque du degré laquelle ait racines inégales, racines inégales entre elles, mais dont chacune en ait autres égales, racines inégales entre elles, et dont chacune en ait autres égales, et ainsi de suite, en sorte que l’on ait

On sait par la théorie des racines égales que l’équation proposée pourra toujours se décomposer, sans aucune extraction de racines, en différentes équations dont chacune renferme toutes les racines inégales du même ordre ; c’est-à-dire en une équation du degré qui ne renferme que les racines simples et inégales, en une équation du degré qui ne renferme que les racines inégales dont chacune se trouver fois dans la proposée, en une équation du degré qui ne renferme que les racines inégales dont chacune se trouve fois dans la proposée, et ainsi de suite.

Maintenant, si l’on suppose que l’exposant soit un nombre quelconque impair, il faudra que la somme des nombres soit un nombre impair, et par conséquent il faudra qu’un quelconque de ces nombres soit impair ; si est impair, l’équation du degré aura nécessairement une racine réelle, laquelle sera une racine inégale de l’équation proposée ; si est impair il faudra que et soient l’un et l’autre impairs ; donc l’équation du degré aura nécessairement une racine réelle qui sera une racine égale de la proposée, dont l’exposant d’égalité sera et par conséquent aussi impair ; il en sera de même si est impair, et ainsi de suite.

15. De là et de ce qu’on a démontré plus haut, il s’ensuit donc que toute équation du degré ( étant un nombre impair) pourra toujours avoir pour diviseur une équation du degré dont les coefficients seront nécessairement des quantités réelles (11 et 13) ; de sorte qu’en divisant l’équation proposée par cette dernière on aura pour quotient une autre équation du degré laquelle aura aussi tous ses coefficients réels.

Or, comme est supposé un nombre impair, sera un nombre pair qu’on pourra représenter, en général, par ( étant un nombre impair) donc l’exposant deviendra et l’on pourra prouver de même que l’équation de ce degré pourra se décomposer de nouveau en deux autres équations réelles, l’une du degré et l’autre du degré et faisant ( étant un nombre impair) cette dernière équation aura pour exposant le nombre et pourra par conséquent se partager de nouveau en deux équations, l’une du degré l’autre du degré et ainsi de suite.

De sorte que par cette méthode on pourra toujours décomposer toute équation d’un degré pair quelconque en autant d’équations réelles, dont les degrés soient marqués par des puissances de qu’il y aura de pareilles puissances dans le degré de l’équation proposée. Ainsi une équation du sixième degré pourra se décomposer en deux, l’une du second degré, l’autre du quatrième ; une équation du douzième degré pourra se décomposer en deux, l’une du quatrième degré, l’autre du huitième, et ainsi du reste.

16. Il ne reste donc plus qu’à considérer les équations des degrés marqués par des puissances de Il est facile de voir que dans ce cas la formule du no 10 donnera toujours des nombres pairs, quelque nombre qu’on prenne pour au moins tant que sera moindre que comme il le faut ; de sorte que la détermination des coefficients des diviseurs de ces sortes d’équations dépendra toujours nécessairement d’une équation de degré pair, dans laquelle on ne pourra par conséquent s’assurer de l’existence d’une racine réelle, à moins que le dernier terme ne soit négatif (1).

Désignons, en général, l’exposant de l’équation proposée par et supposons que l’exposant du diviseur soit la moitié de celui-là, c’est-à-dire égal à en ce cas la formule du numéro cité deviendra, en disposant le dénominateur au rebours,

c’est-à-dire, en divisant les facteurs correspondants du numérateur et du dénominateur autant de fois par qu’il est possible,

où l’on voit que tous les facteurs du numérateur sont impairs à l’exception du premier qui est et que tous ceux du dénominateur sont aussi impairs ; d’où il s’ensuit que cette formule représentera toujours des nombres impairement pairs.

17. Cela posé, considérons l’équation par laquelle doit se déterminer le coefficient elle sera, comme on vient de le voir, d’un degré impairement pair, et aura pour racines toutes les différentes sommes possibles qu’on peut faire des racines de l’équation proposée en ne prenant à la fois qu’un nombre de ces racines qui soit la moitié du nombre total (12).

Qu’on fasse maintenant dans cette équation étant le coefficient du second terme de l’équation proposée et une nouvelle inconnue, on aura une transformée en du même degré, dont les racines seront exprimées par c’est-à-dire qu’elles seront égales aux différents résidus qu’on aura en retranchant successivement de la somme totale des racines de la proposée, somme qui est égale à le double des différentes sommes particulières qu’on peut faire de ces racines en ne les prenant qu’au nombre de la moitié ; de sorte que les racines dont il s’agit ne seront autre chose que les différences entre la somme de la moitié du nombre des racines de la proposée et la somme de l’autre moitié, en prenant ces sommes de toutes les différentes manières possibles.

Par exemple, si l’équation proposée est du quatrième degré et a, par conséquent, quatre racines on aura

et les valeurs de seront

donc les valeurs de

seront

et ainsi des autres équations des degrés supérieurs.

18. De là il est d’abord facile de conclure que l’équation en manquera de toutes les puissances impaires, puisqu’il est évident que chaque racine positive doit avoir nécessairement une racine négative égale ; ce qu’on voit clairement dans l’Exemple précédent, où les quantités

sont les négatives des quantités

Donc, si l’on fait l’équation en s’abaissera à un degré moindre de la moitié, et comme on a prouvé que le degré de l’équation en est pairement impair, il s’ensuit que le degré de l’équation en sera nécessairement impair ; de sorte que cette équation aura nécessairement une racine réelle, laquelle sera positive si son dernier terme est négatif, et négative s’il est positif (I). Or, pour que et par conséquent ait une valeur réelle, il faut que celle de soit réelle et positive ; par conséquent la question est réduite à voir si le dernier terme de l’équation en sera négatif ; et comme le dernier terme de toute équation d’un degré impair pris avec un signe contraire est égal au produit de toutes les racines, tout consistera à voir si le produit de toutes les différentes valeurs de est une quantité positive ou non.

19. Pour parvenir à ce but avec plus de facilité, considérons d’abord le cas où l’équation proposée est du quatrième degré, et dans lequel nous avons déjà vu que les différentes valeurs de sont

il est clair que, comme les trois dernières quantités sont égales aux trois premières prises négativement, les différentes valeurs de ou seront seulement ces trois-ci

de sorte que le produit de ces trois valeurs sera égal au carré de la quantité

et il ne s’agira plus que de voir si ce carré est toujours une quantité positive, quelles que soient les racines Il est d’abord clair que, si ces racines sont toutes réelles, la quantité précédente sera aussi toute réelle, en sorte que son carré sera nécessairement une quantité réelle positive ; mais il peut n’en être pas de même s’il y a des racines imaginaires, d’autant que la forme des racines imaginaires est encore regardée comme inconnue.

20. M. Euler, ayant supposé pour plus de facilité le coefficient du second terme de la proposée nul, a trouvé, à la place de la quantité précédente, celle-ci

qui, à cause de est égale à celle-là divisée par et

il se contente ensuite de dire que ce produit est déterminable, comme on sait, par les quantités et qu’il sera par conséquent réel ; mais, pour que cette conséquence soit légitime, il faut prouver qu’on peut déterminer ce produit par une expression rationnelle des mêmes quantités c’est ce que M. Euler n’a point fait, du moins d’une manière directe et à priori.

Il est vrai que le carré

sera toujours une fonction rationnelle des coefficients mais la difficulté consiste précisément a démontrer que sa racine en sera une aussi.

Pour sentir davantage la force de cette objection, il n’y a qu’à considérer, par exemple, la quantité

il est certain que le carré de cette quantité peut s’exprimer par une fonction rationnelle des coefficients mais il n’en est pas ainsi de la quantité elle-même en effet, on trouve pour la valeur du carré dont il s’agit l’expression

laquelle n’est pas un carré en général ; de sorte qu’on ne saurait en conclure que sa racine sera toujours une quantité réelle.

21. Le caractère, auquel on peut reconnaître à priori si une fonction proposée des racines d’une équation quelconque peut se déterminer par une expression rationnelle des coefficients de cette équation, consiste, comme nous l’avons démontré dans notre Mémoire sur les équations, en ce que cette fonction doit être telle, qu’elle ne change point de valeur, quelque permutation qu’on y fasse entre les racines dont elle est composée ainsi il n’y a qu’à voir si cette condition a lieu ou non dans la fonction

comme les trois racines y entrent également, il est d’abord visible que les permutations qu’on pourrait faire entre ces racines ne produiraient aucun changement dans la fonction ; mais on ne peut pas dire tout à fait la même chose par rapport à la racine puisqu’elle n’est pas disposée à l’égard des autres comme celles-ci le sont entre elles. Voyons donc ce que donneront les échanges de en en en

En changeant en les trois facteurs

se changent en ces trois-ci

par où l’on voit que le premier demeure le même, que le second devient le troisième avec un signe contraire, et que le troisième devient le second avec un signe contraire. On trouvera pareillement que, en changeant en ou en il y aura toujours un des trois facteurs qui demeurera le même, tandis que les deux autres se changeront l’un dans l’autre en changeant en même temps de signes ; d’où il est facile de conclure que le produit des trois facteurs demeurera toujours le même.

La circonstance qui fait que ce produit ne varie point, c’est que les facteurs qui se changent l’un dans l’autre, en changeant en même temps de signes, sont en nombre pair ; car si les facteurs qui changent de signes étaient en nombre impair, alors il est facile de voir que le produit dont il s’agit conserverait à la vérité la même valeur absolue, mais en changeant de signe c’est là la raison pourquoi la fonction dont on a parlé ci-dessus (20)

ne saurait être exprimée par les coefficients d’une manière rationnelle ; car en changeant, par exemple, en le facteur devient simplement négatif, les facteurs se changent dans les facteurs et le dernier facteur demeure le même ; de

sorte que, puisqu’il y en a un qui change simplement de signe, un qui demeure tout à fait le même, et quatre dont deux se changent dans les deux autres, il s’ensuit que le produit total devra devenir négatif.

22. Il est facile maintenant d’appliquer le même raisonnement au cas où il y aura plus de quatre racines, et de s’assurer à priori que le dernier terme de la réduite en sera toujours un carré avec le signe Supposons, par exemple, que les racines de l’équation proposée soient au nombre de six, savoir (quoique à proprement parler nous n’ayons besoin de considérer ici que les équations dont les degrés sont des puissances de cependant nous prendrons le cas d’une équation du sixième degré, parce qu’il est plus simple que celui d’une équation du huitième, et qu’il peut servir à faire voir que la proposition est générale pour toutes les équations des degrés pairs), on verra aisément, par ce qui a été démontré plus haut, que le dernier terme de la réduite en sera égal au carré du produit de ces dix quantités

pris avec un signe contraire ; de sorte qu’il ne s’agira que de voir si ce produit demeure le même en faisant toutes les permutations possibles entre les six racines auquel cas on sera assuré qu’il pourra être exprimé par une fonction rationnelle des coefficients de l’équation proposée.


Pour cela, je remarque d’abord que les dix quantités précédentes sont telles, qu’elles renferment toutes les permutations possibles entre les cinq racines puisqu’elles ne sont autre chose que les différéntes valeurs de la quantité

qui résultent de toutes les échanges possibles entre les cinq lettres la lettre étant regardée comme fixe ; d’où il s’ensuit qu’en faisant le produit de ces dix quantités on aura une fonction des racines qui sera telle, qu’elle ne recevra aucun changement par les permutations des cinq racines entre elles ; de sorte qu’il suffira de considérer les résultats des échanges de la racine a dans les cinq autres ; et comme les échanges de celles-ci entre elles ne produisent aucun changement dans la fonction dont il s’agit, il est clair qu’on aura le même résultat, soit qu’on change en ou en ou en ou, etc. ; par conséquent, il suffira de considérer une seule échange comme celle de en et si elle ne fait point varier le produit des dix quantités ci-dessus, on sera assuré que ce produit sera déterminable par une fonction rationnelle des coefficient de l’équation proposée.

Or, en changeant en il est visible que les quatre premières quantités, où les lettres et se trouvent jointes avec le signe demeureront les mêmes, puisque est la même chose que et que les six dernières, où les lettres et ont des signes différents, se changeront l’une dans l’autre en changeant en même temps de signes ; d’où l’on conclura que le produit de toutes ces quantités demeurera nécessairement le même, puisque les facteurs qui changent de signes sont en nombre pair.

23. On considérera maintenant que, pour avoir les dix quantités qui sont les facteurs du produit en question, il n’y a qu’à ajouter successivement à la racine les sommes des autres cinq racines prises deux à deux, et en retrancher en même temps les racines restantes ; d’où il est d’abord facile de conclure que, si le nombre de toutes les racines était il faudrait, pour avoir les facteurs dont il s’agit, ajouter successivement à la racine les sommes des autres racines prises à et en retrancher en même temps les racines restantes ; moyennant quoi le nombre de ces facteurs sera exprimé, comme il résulte de la théorie des combinaisons, par

Ensuite on considérera que, en changeant en quelques-uns de ces facteurs demeurent les mêmes, tandis que les autres se changent entre eux en changeant en même temps de signes ; de sorte que pour savoir le nombre de ces derniers il suffira de retrancher du nombre total celui des facteurs qui demeurent les mêmes en changeant en Or il est visible que ces facteurs-ci se trouveront en ajoutant successivement à la somme les différentes sommes des autres racines prises à et retranchant en même temps les racines restantes ; de sorte que le nombre de ces facteurs invariables sera exprimé par

donc, retranchant cette quantité de la précédente, on aura

ou bien, en réduisant au même dénominateur,

pour l’expression du nombre des facteurs qui s’échangent entre eux en changeant en même temps de signes.

Ainsi la question est de voir si ce nombre sera toujours pair ; or c’est ce qui est évident, car si l’on divise le haut et le bas de la fraction par elle deviendra

mais la quantité

est toujours un nombre entier, puisque c’est le coefficient du ième terme d’un binôme élevé à la puissance donc le double de ce nombre sera toujours nécessairement un nombre pair.

24. Nous venons donc de démontrer rigoureusement que, en considérant une équation du degré comme exactement divisible par une autre équation du degré le coefficient du second terme de celle-ci sera nécessairement déterminé par une équation telle, qu’en y faisant

( étant le coefficient du second terme de la proposée), et ensuite

il viendra une transformée en d’un degré impair, et qui aura son dernier terme négatif en sorte que l’inconnue aura toujours une valeur réelle positive ; moyennant quoi la valeur de sera aussi réelle.

Donc, puisque a nécessairement une valeur réelle, il s’ensuit (13) que tous les autres coefficients du diviseur en question auront aussi chacun une valeur réelle, à moins que la valeur réelle de ne soit une racine multiple de l’équation en auquel cas il peut arriver que les valeurs des autres coefficientssoient imaginaires, comme nous l’avons déjà remarqué plus haut.

Il est donc nécessaire d’examiner ce cas, et de voir comment il faudrait s’y prendre pour trouver alors un diviseur tout rationnel de l’équation proposée.

Je commence d’abord par remarquer que comme on aura d’où l’on voit que chaque valeur de donnera deux valeurs de qui ne seront jamais égales, à moins que l’on n’ait de plus il est clair que si toutes ces valeurs de sont inégales, celles de le seront aussi ; de sorte que l’équation en n’aura proprement de racines égales que dans deux cas, l’un où l’équation en en aura elle-même d’égales, l’autre où l’équation en aura une ou plusieurs racines égales à zéro.

Supposons d’abord que l’équation en n’ait aucune racine égale à zéro, mais qu’elle en ait plusieurs égales entre elles ; comme cette équation est d’un degré impair, on prouvera par un raisonnement semblable à celui du no 14 qu’elle aura nécessairement une racine réelle inégale, ou égale d’un ordre d’égalité marqué par un nombre impair ; d’où il est facile de conclure que l’équation en aura aussi nécessairement une pareille racine, et même deux, en sorte que chacun des autres coefficients aura nécessairement une valeur réelle (13).

Ainsi, quelles que soient les racines de l’équation en pourvu qu’aucune d’elles ne soit nulle, on sera assuré que les coefficients du diviseur auront tous des valeurs réelles.

25. Il n’en est pas de même lorsque l’équation en a une racine nulle, ce qui arrive quand son dernier terme se trouve égal à zéro. Dans ce cas il est clair que la racine donnera dans l’équation en deux racines égales à de sorte que chacun des autres coefficient dépendra nécessairement d’une équation du second degré qui pourra n’avoir aucune racine réelle ; il est vrai que l’équation en pourra avoir encore d’autres racines réelles, mais la difficulté consiste à prouver qu’elle en aura toujours de telles. En effet cette équation, étant divisée par ne montera plus qu’à un degré pair ; de sorte qu’il faudrait démontrer, en général, que le dernier terme sera toujours négatif, ce qui d’ailleurs n’est pas vrai.

Pour donner un exemple de l’insuffisance de la méthode précédente dans le cas dont il s’agit, nous reprendrons celui du no 6 où l’on propose de trouver un diviseur du second degré

de l’équation générale du quatrième degré

En substituant l’expression de en et faisant ensuite

on trouve cette réduite en

laquelle a, comme on voit, son dernier terme toujours négatif.

Maintenant, si l’on a

il est clair que l’équation précédente aura d’abord la racine laquelle donnant on tombera dans le cas que l’on a déjà examiné dans le numéro cité, et où l’autre coefficient du diviseur

dépendra d’une équation du second degré qui n’aura de racines réelles que tant ne surpassera pas de sorte que dans le cas où

le coefficient sera imaginaire, et l’équation proposée du quatrième degré se trouvera par ce moyen décomposée en deux équations imaginaires du second degré, lesquelles seront

et étant les racines de l’équation

Pour avoir donc des facteurs tout réels il faudra dans ce cas chercher une autre valeur de or l’équation en étant toute divisée par devient

ou bien, en substituant a la place de sa valeur

dans laquelle on voit que le dernier terme sera positif si

de sorte qu’on ne peut pas être assuré, en générale, que cette équation aura des racines réelles, à moins que l’on ne considère la condition qui est particulière aux équations du second degré.

26. Cependant si l’on observe que la condition

est celle qui rend réelles les racines de l’équation en ci-dessus, et que la condition opposée

est celle qui rend le dernier terme de l’équation précédente en négatif, on en pourra conclure d’abord qu’il est toujours possible d’avoir pour les coefficients et des valeurs réelles.

En effet

1o Soit

( désignant une quantité positive), on prendra dans ce cas la racine laquelle donnera

2o Soit

on prendra, dans ce cas, pour la racine positive de l’équation

et l’on aura (6)

27. Mais, pour pouvoir résoudre la difficulté dont il s’agit d’une manière générale et applicable aux équations de tous les degrés, il faut employer d’autres principes.

Reprenons pour cet effet l’équation proposée

et considérons les deux facteurs

dont on suppose qu’elle soit formée, étant égal à qu’on fasse, ce qui est permis,

c’est-à-dire qu’on introduise à la place des coefficients indéterminés leurs sommes

et leurs différences

et l’on trouvera (3) ou équations entre les indéterminées par lesquelles on pourra déterminer chacune de ces inconnues.

Qu’on supppose maintenant

étant des coefficients quelconques arbitraires, et qu’on introduise partout l’indéterminée à la place d’une quelconque des indéterminées par exemple à la place de en substituant au lieu de on aura équations entre les inconnues d’où, éliminant les inconnues il viendra une équation en qui sera du même degré et assujettie aux mêmes conditions que celle du no 17, comme je vais le démontrer.

28. Dénotons les racines de l’équation proposée par

et comme on suppose que cette équation soit le produit de ces deux-ci

il est visible, par la théorie des équations, que l’une de ces équations aura pour racines quelconques des racines et que l’autre aura pour racines les racines restantes ; ainsi prenant pour les racines de

et pour les racines de

on aura, comme on sait,

Donc

et ainsi de suite.

et ainsi de suite.

Donc, puisque

on connaîtra quelle fonction des racines doit être la quantité et de là on pourra déterminer à priori le degré et la forme de l’équation en par la considération de ses racines, lesquelles ne seront autre chose que les différentes valeurs que la fonction dont il s’agit pourra recevoir, en faisant entre les racines toutes les permutations possibles, comme nous l’avons expliqué suffisamment ailleurs.

29. Donc :

1o Comme le nombre des quantités est on sait que le nombre de toutes les permutations possibles sera représenté par

mais il est visible que les fonctions ne changent point de forme en faisant toutes les permutations possibles entre les quantités permutations dont le nombre est exprimé par et qu’il en est de même à l’égard des permutations entre les autres quantités donc, puisque chacune de ces permutations se combine avec toutes les autres dans le nombre total des combinaisons il s’ensuit que pour avoir le nombre des combinaisons utiles, c’est-à-dire qui donnent des expressions différentes de il faudra diviser deux fois le nombre par le nomhre ce qui donnera celui-ci

nombre qui, en supposant et par conséquent sera impairement pair, comme nous l’avons vu dans le no  16.

2o Il est clair que si l’on échange à la fois les quantités en dans les expressions de ces expressions changeront simplement de signes sans changer de valeur ; donc toutes les valeurs particulières de la fonction seront deux à deux égales et de signes contraires ; de sorte que l’équation en dont le degré doit être impairement pair, manquera de toutes les puissances impaires, et pourra se transformer par la supposition de en une équation en d’un degré impair.

3o On peut démontrer, par un raisonnement analogue à celui des nos 22 et 23, que le dernier terme de la transformée en dont nous parlons sera toujours négatif, étant nécessairement égal au carré d’une fonction rationnelle des coefficients de l’équation proposée, affecté du signe Car il est d’abord clair que si l’on supposait simplement on aurait le cas des numéros cités, puisque les lettres dans les formules de ces numéros désignent les mêmes quantités que nous avons représentées ci-dessus par c’est-àdire les racines de l’équation proposée.

De plus, en examinant les raisonnements des mêmes numéros, il n’est pas difficile de voir qu’ils ne tiennent pas à la forme particulière de la fonction mais seulement à la propriété qu’a cette fonction de demeurer la même, tandis qu’on échange entre elles les racines ou les racines et de devenir négative quand on échange les premières racines dans les dernières ; or cette propriété a lieu également dans les autres fonctions et dans la fonction générale comme nous l’avons déjà observé plus haut ; de sorte qu’on peut hardiment appliquer à l’équation ci-dessus en ou en les mêmes conclusions qu’on a trouvées dans les numéros cités.

30. On est donc assuré que l’équation en aura toujours une racine réelle positive, et que par conséquent la quantité aura toujours au moins une valeur réelle. Or, dès qu’on connaîtra la valeur de la quantité on pourra déterminer par son moyen les valeurs des autres quantités lesquelles sont, ainsi que la quantité représentées par des fonctions des mêmes racines et de ce que nous avons démontré ailleurs [Nouveaux Mémoires de l’Académie royale des Sciences et Belles-Lettres de Berlin, année 1771[4]], il s’ensuit que chacune de ces quantités sera donnée par une équation du premier degré seulement, si la valeur de est une racine inégale de l’équation en mais si cette valeur est une racine égale, alors chacune des quantités sera donnée par une équation dont le degré aura un exposant égal à celui de l’égalité de la racine or comme on voit d’abord que l’équation en n’aura de racines égales qu’autant que la transformée en en aura de telles, ou qu’elle aura des racines nulles ; car il est visible que donne deux valeurs égales à

Dans le premier cas, puisque l’équation en est d’un degré impair (29, 2o), on pourra démontrer, comme on l’a fait plus haut (24), que cette équation ne pourra avoir que des racines égales d’un degré d’égalité marqué par des nombres impairs ; d’où l’on conclura sur-le-champ que, quelles que soient les racines de l’équation en pourvu qu’aucune ne soit nulle, on aura toujours, non-seulement pour mais aussi pour des valeurs réelles ; de sorte que les coefficients des deux facteurs de l’équation proposée auront sûrement des valeurs réelles (27).

Le second cas, c’est-à-dire celui où l’équation en aurait quelque racine nulle, présente d’abord les mêmes difficultés qu’on a déjà considérées dans le no 25 ; mais je remarque qu’à cause de

où les coefficients sont à volonté, on peut toujours prendre ces coefficients tels, que le cas dont il s’agit n’ait pas lieu, à moins que parmi les valeurs correspondantes de il ne s’en trouve qui soient nulles à la fois. Car supposons que les valeurs de ne soient jamais nulles en même temps, en ce cas il est visible que si la quantité a des valeurs nulles, ce ne pourra être qu’en vertu de la relation qui se trouvera entre les coefficients par conséquent ces valeurs cesseront d’être nulles dès qu’on donnera d’autres valeurs aux mêmes coefficients ainsi l’on sera toujours le maître de faire en sorte que l’équation en n’ait aucune racine nulle.

Il ne reste donc plus de difficulté que pour le cas où l’on aurait à la fois

mais il est visible (27) qu’on aura alors

de sorte que dans ce cas l’équation proposée ne sera autre chose que celle-ci

élevée au carré ; par conséquent la proposée s’abaissera d’elle-même à un degré moindre de la moitié, et il est visible que les valeurs des coefticients devront être toutes rationnelles, et par conséquent réelles, autrement il serait impossible que l’équation

étant élevée au carré, devînt rationnelle et comparable à la proposée

D’ailleurs il est facile de prouver que les conditions

emportent nécessairement l’égalité entre les racines et les racines en sorte que la proposée du degré aura toutes ses racines égales deux à deux, et pourra par conséquent s’abaisser à une équation du degré qui aura les mêmes racines, mais simples et inégales.

Ainsi toutes les difficultés sont résolues, et il ne reste plus rien à désirer pour la démonstration complète du Théorème qui fait l’objet de ce Mémoire. Nous allons le terminer par donner un Exemple de l’application de la méthode qu’on vient d’expliquer.

31. Soit, comme dans le no 6, l’équation générale du quatrième degré

qu’on se propose de décomposer en ces deux-ci

en comparant terme à terme le produit de ces dernières avec celle-là, on aura d’abord

et faisant

on aura

d’où l’on tire d’abord

substituant ensuite ces valeurs dans les deux dernières équations, on aura

On fera maintenant

et substituant, par exemple, à la place de on aura ces deux équations-ci

d’où lon chassera pour avoir une réduite en

Supposons, pour abréger,

on aura

donc

donc

d’où l’on tire

ainsi il n’y aura plus qu’à substituer cette valeur dans la première équation

et l’on aura cette équation finale

laquelle, étant ordonnée par rapport à montera au sixième degré et ne contiendra que des puissances paires de de sorte qu’en faisant on aura celle-ci du troisième degré

où l’on voit que le dernier terme est un carré avec le signe de sorte que la quantité aura toujours une valeur réelle positive ; on voit de plus qu’à moins qu’on n’ait à la fois et on pourra toujours faire en sorte que n’ait aucune valeur nulle ; car il n’y aura qu’à prendre et de manière qu’on ait

je dis à moins que et ne soient nuls à la fois, car il est visible qu’alors la quantité dont il s’agit sera toujours nulle, quelque valeur qu’on donne à et mais alors on aura

et l’équation proposée deviendra

laquelle est évidemment le carré de celle-ci


Séparateur

  1. Œuvres de Lagrange, t. II, p. 541.
  2. Œuvres de Lagrange, t. III, p. 381.
  3. Œuvres de Lagrange, t. III, p. 374.
  4. Œuvres de Lagrange, t. III, p. 374.