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Mémoires extraits des recueils de l’Académie royale de Berlin/Sur une nouvelle espèce de calcul relatif à la différentiation et à l’intégration des quantités variables

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SUR UNE

NOUVELLE ESPÈCE DE CALCUL

RELATIF

À LA DIFFÉRENTIATION ET À L’INTÉGRATION
DES QUANTITÉS VARIABLES.


(Nouveaux Mémoires de l’Académie royale des Sciences et Belles-Lettres
de Berlin
, année 1772.)


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Leibnitz a donné, dans le premier volume des Miscellanea Berolinensia, un Mémoire intitulé Symbolismus memorabilis calculi algebraici, et infinitesimalis in comparatione potentiarum et differentiarum, etc., dans lequel il fait voir l’analogie qui règne entre les différentielles de tous les ordres du produit de deux ou de plusieurs variables, et les puissances des mêmes ordres du binôme ou du polynôme composé de la somme de ces mêmes variables. Ce grand Géomètre a aussi remarqué ailleurs que la même analogie subsistait entre les puissances négatives et les intégrales (voyez le Commercium epistolicum, Epist. XVIII) ; mais ni lui ni aucun autre que je sache n’a poussé plus loin ces sortes de recherches, si l’on en excepte seulement M. Jean Bernoulli, qui, dans la Lettre XIV du Commercium cité, a montré comment on pouvait dans certains cas trouver l’intégrale d’une différentielle donnée en cherchant la troisième proportionnelle à la différence de la quantité donnée et à cette même quantité, et changeant ensuite les puissances positives en différences, et les négatives en sommes ou intégrales. Quoique le principe de cette analogie entre les puissances positives et les différentielles, et les puissances négatives et les intégrales, ne soit pas évident par lui-même, cependant, comme les conclusions qu’on en tire n’en sont pas moins exactes, ainsi qu’on peut s’en convaincre à posteriori, je vais en faire usage dans ce Mémoire pour découvrir différents Théorèmes généraux concernant les différentiations et les intégrations des fonctions de plusieurs variables, Théorèmes dont la plupart sont nouveaux, et auxquels il serait d’ailleurs très-difficile de parvenir par d’autres voies.

C’est une espèce particulière de calcul qui me paraît mériter d’être cultivée et qui peut donner lieu à beaucoup de découvertes utiles et importantes dans l’Analyse ; l’objet principal de ce Mémoire est de donner plusieurs ouvertures pour cela, en montrant les règles qu’on doit suivre dans ce calcul et la manière de l’appliquer à différentes recherches ; mais je crois devoir commencer par établir quelques notions générales et préliminaires sur la nature des fonctions d’une ou de plusieurs variables, lesquelles pourraient servir d’introduction à une théorie générale des fonctions.

1. Si est une fonction quelconque finie d’une variable qu’on y mette à la place de et que par la théorie connue des séries on dégage la nouvelle variable de la fonction, on sait que deviendra de cette forme

seront de nouvelles fonctions de dérivées d’une certaine manière de la fonction

2. Si est une fonction de deux variables qu’on y mette à la place de à la place de qu’ensuite on dégage les quantités, par le moyen des séries, la fonction deviendra de la forme

seront de nouvelles fonctions de dérivées d’une certaine manière de la fonction

De même, si était fonction de trois variables en mettant à la place de et développant par les séries, cette fonction deviendrait de la forme

et ainsi de suite, si la fonction renfermait quatre variables, ou cinq, etc.

3. Le Calcul différentiel, considéré dans toute sa généralité, consiste à trouver directement, et par des procédés simples et faciles, les fonctions dérivées de la fonction et le Calcul intégral consiste à retrouver la fonction par le moyen de ces dernières fonctions.

Cette notion des Calculs différentiel et intégral me paraît la plus claire et la plus simple qu’on ait encore donnée ; elle est, comme on voit, indépendante de toute métaphysique et de toute théorie des quantités infiniment petites ou évanouissantes.

4. Considérons plus particulièrement le cas du no 1, où est supposé une fonction de seul, et voyons comment les fonctions dépendent les unes des autres.

Puisque la fonction en y mettant à la place de est devenue

si dans cette dernière fonction on met de nouveau à la place de il est clair qu’elle deviendra de la forme

où, seront des fonctions de dérivées de la fonction de la même manière que le sont de la fonction et, seront des fonctions dérivées de même de la fonction et des fonctions dérivées de et ainsi des autres.

D’un autre côté, il est facile de voir que l’expression précédente ne sera autre chose que ce que devient la fonction en y mettant à la fois à la place de ou bien ce que devient l’expression

en y mettant à la place de c’est-à-dire

Or, en développant les puissances de et ordonnant les termes, on aura

Donc, comme cette formule doit être identique avec la précédente on aura

Donc

Or, de la même manière que est dérivé de l’est de l’est de l’est de et ainsi de suite ; donc, si l’on fait et qu’on désigne de même par une fonction dérivée de de la même manière que l’est de et par une fonction dérivée de même de et ainsi de suite, on

aura

Ainsi la fonction deviendra, en mettant à la place de

où les fonctions dérivent l’une de l’autre par une même loi, de sorte qu’on pourra les trouver aisément par une même opération répétée.

5. Si maintenant on suppose que soit une fonction de deux variables et et qu’on cherche ce qu’elle devient en y mettant à la fois à la place de et à la place de on fera d’abord la première de ces deux substitutions, ce qui réduira la fonction à celle-ci (4)

ensuite on fera la substitution de à la place de dans les fonctions et elles se changeront, savoir

Ainsi la fonction deviendra, après les deux substitutions dont il s’agit,

Les accents qui sont avant la virgule se rapportent au changement de en et ceux qui sont après la virgule se rapportent au changement de en

En général, si est une fonction de et qu’on y mette, à la place de ces variables, la fonction dont il s’agit deviendra plus un nombre indéfini de termes, tels que

étant supposés successivement

6. Puisqu’en mettant à la place de dans cette fonction devient

si l’on regarde comme infiniment petit et qu’on néglige les puissances on aura simplement pour l’accroissement de de sorte que, désignant cet accroissement par et l’accroissement de par on aura

ainsi, pour avoir la fonction il n’y aura qu’à chercher li différentielle par les règles du calcul des infiniment petits, et la diviser ensuite par la différentielle

Ayant on aura de même

de sorte que devenant la fonction deviendra

désignent les différences première, seconde, troisième, etc., de prises en faisant varier de la différence infiniment petite

Ce Théorème est connu depuis longtemps, et M. Taylor en est, si je ne me trompe, le premier Auteur ; on peut le démontrer de différentes manières la précédente me paraît une des plus simples.

7. Si, au lieu de faire varier on fait varier dans la supposition que soit une fonction de et de on aura de même

et de là

donc

Par le même principe on aura

indique la différentielle seconde de en faisant varier d’abord ensuite or, comme les variations de et de sont indépendantes l’une de l’autre, il est facile de comprendre qu’on aura également

exprime maintenant la différentielle seconde de prise en faisant varier d’abord et ensuite de sorte qu’on aura

ce qui montre qu’il est indifférent dans quel ordre soient écrites les différences En général donc on aura

indiquera la différentielle ième de prise en faisant varier fois et fois quelque ordre qu’on suive d’ailleurs dans ces variations de sorte qu’il y aura autant de manières différentes de trouver la valeur de qu’il y aura de permutations entre deux choses différentes répétées l’une fois, l’autre fois ; or le nombre de ces permutations est, comme on sait, égal à

Et si est une fonction de plusieurs variables on aura

et cette fonction pourra se produire d’autant de manières différentes qu’il y aura de permutations entre différentes choses dont l’une serait répétée fois, l’autre fois, la troisième fois, la quatrième fois, etc. ; en sorte que par les règles connues le nombre dont il s’agit sera

lequel est aussi le coefficient du terme dans la puissance

8. De là et de ce qu’on a dit dans le no 5 il s’ensuit que, si dans une fonction d’un nombre quelconque de variables on met à la place de ces variables, la fonction proposée sera augmentée d’un nombre indéfini de termes représentés chacun par


ou, ce qui revient au même, par

étant le coefficient du terme dans le polynôme

élevé à la puissance

Ainsi, pour avoir aisément les différents termes qui doivent composer l’accroissement de la valeur de la fonction lorsque deviennent il n’y aura qu’à considérer la série

et, après avoir développé les puissances de on changera, dans chaque terme, en en en en et l’on multipliera le même terme par l’exposant de la différentiation étant égal à la somme des exposants de dans le même terme.

Or on sait que

Par conséquent il n’y aura qu’à faire le produit de ces différentes séries et changer ensuite chaque terme comme nous l’avons dit ci-dessus.

9. De là il est facile de conclure que si l’on considère l’expression

et qu’après l’avoir développée suivant les puissances de on applique les exposants de ces puissances à la caractéristique pour indiquer des différences du même ordre que les puissances, c’est-à-dire qu’on change en on aura l’accroissement cherché de la fonction lorsque y deviennent

Ainsi dénotant cet accroissement par on aura la formule générale

10. Maintenant, comme exprime la différence première finie de si l’on dénote de même par les différences finies de des ordres ultérieurs, on pourra trouver la valeur de chacune de ces différences en ne faisant qu’élever l’équation précédente au carré, au cube, etc. et y changeant ensuite les exposants des puissances en exposants des différences.

De cette manière on aura donc, en général,

et il ne s’agira plus que de développer le second membre de cette équation de la manière que nous l’avons dit à l’égard de celle du numéro précédent.

Mais il y a plus on peut supposer que l’exposant devienne négatif, auquel cas l’équation subsistera également si ce n’est que les différences qui auront un exposant négatif devront être censées changées en sommes du même ordre. Ainsi désignant, comme à l’ordinaire, par les sommes ou les intégrales ordinaires, qui répondent aux différences infiniment petites marquées par la caractéristique et par les sommes finies qui répondent aux différences finies marquées par la caractéristique on aura

et de même

et l’équation précédente deviendra, en faisant négatif, ou bien mettant à la place de et par conséquent à la place de

On traitera le second membre de cette équation d’une manière semblable à celle que nous avons prescrite ci-dessus.

Quoique l’opération, par laquelle nous avons passé de la différence à la différence et à la somme ne soit pas fondée sur des principes clairs et rigoureux, elle n’en est cependant pas moins exacte, comme on. peut s’en assurer à posteriori ; mais il serait peut-être très-difficile d’en donner une démonstration directe et analytique ; cela tient, en général, à l’analogie qu’il y a entre les puissances positives et les différentiations, aussi bien qu’entre les puissances négatives et les intégrations ; analogie dont nous verrons encore d’autres exemples dans la suite de ce Mémoire.

11. Supposons que soit une fonction de seul, on aura dans ce cas

par conséquent

Considérons donc l’expression et voyons comment elle peut se développer en une série réglée sur les puissances de Il est d’abord clair que, si l’on fait très-petit, on aura d’où il s’ensuit que le premier terme de la série sera nécessairement Supposons donc

et, prenant les logarithmes de part et d’autre, on aura

et différentiant

or

donc, substituant cette valeur et multipliant en croix, on aura

c’est-à-dire

d’où, en comparant les termes, on aura

Ayant ainsi déterminé les coefficients on mettra à la place de et changeant les puissances de en des différentielles de on aura, en général,

Cette formule servira donc à trouver immédiatement la différence d’un ordre quelconque d’une fonction quelconque de lorsque augmente successivement de, et cela au moyen des différentielles ordinaires ce qui peut être d’une grande utilité dans la théorie des séries.

Faisons maintenant négatif, c’est-à-dire mettons à la place de pour changer les différences en sommes, et l’on aura dans ce cas

Si on aura donc

parce que

C’est la formule connue pour trouver la somme d’une série dont on connaît le terme général.

En effet soit on aura, par la nature des sommations,

donc, si suivant la notation reçue on fait

on aura

Si maintenant dans cette formule on écrit à la place de on

aura de même

Donc, retranchant cette équation de la précédente, il viendra

Nous ne nous étendrons pas en détails sur cette matière parce qu’elle a déjà été traitée dans différents Ouvrages, et surtout dans le Traité des Fluxions de M. Maclaurin, et dans les Institutions du Calcul différentiel de M. Euler ; on trouve dans ce dernier Ouvrage des Remarques curieuses et importantes sur la nature et les propriétés des nombres dans le cas de mais personne que je sache n’avait encore donné l’expression générale de ces nombres pour les différences et les sommes d’un ordre quelconque.

12. Reprenons l’équation du no 10, savoir

elle donnera celle-ci

ou il faudra, après avoir développé le logarithme suivant les puissances de appliquer les exposants de ces puissances à la caractéristique De cette manière on aura donc

ce qui donne un moyen de trouver les valeurs de à l’aide des différences finies de la fonction

Mais ce n’est pas tout : on peut également élever les deux membres de l’équation à une puissance quelconque positive ou négative, en sorte qu’on ait

et cette équation sera toujours vraie pourvu qu’après le développement des deux membres suivant les puissances de et de on change les puissances positives en différences, et les négatives en sommes.

Pour cet effet, considérons la quantité et voyons comment elle peut se développer en une série qui procède suivant les puissances de Il est d’abord clair que si était très-petit, on aurait d’où il s’ensuit que le premier terme de la série dont il s’agit sera et qu’ainsi elle aura cette forme

Supposons donc

et, prenant les logarithmes de part et d’autre, on aura

d’où l’on tirera par la différentiation

Or

donc, multipliant cette série par on aura

donc, substituant cette valeur et multipliant en croix, il viendra

c’est-à-dire

De sorte qu’en comparant les termes on aura

Connaissant de cette manière les coefficients numériques on aura donc

ce qu’il faudra substituer dans l’équation ci-dessus.

13. Soit, comme dans le no 11, une fonction de seul : alors l’équation dont il s’agit deviendra

savoir

ce qui donne le moyen de trouver la valeur de la différentielle d’un ordre quelconque de la fonction à l’aide des différences finies de la même fonction.

Or, si dans la même formule on fait négatif, c’est-à-dire si l’on y met à la place de on aura, en changeant les différences en sommes,

où les coefficients seront déterminés par les formules suivantes

Si l’on fait on aura donc

formule qui peut servir à calculer les aires des courbes par les sommes et les différences des coordonnées équidistantes. Cotes, Stirling et d’autres ont déjà donné des formules pour calculer l’aire d’une courbe dont on connaît un certain nombre de coordonnées équidistantes ; mais la formule précédente est différente de celles de ces Auteurs, et me paraît préférable en ce qu’on y emploie les différences successives des cordonnées, lesquelles vont ordinairement en diminuant, et surtout en ce qu’on y voit aisément la loi des termes, de manière qu’on peut continuer la série aussi loin qu’on veut.

Pour donner un exemple de l’usage de cette formule, soit proposé de trouver l’intégrale de qu’on sait d’ailleurs être égale à on aura donc dans ce cas et faisant, pour plus de simplicité, on aura

Or puisque on aura

et, en général,

le signe supérieur étant pour le cas où est pair, et l’inférieur pour le cas où est impair.

Donc, substituant ces valeurs, on aura

De même, si l’on met à la place de étant un nombre entier quelconque, on aura

par conséquent, en retranchant cette équation de la précédente, on aura

Si l’on fait on aura

ou bien, en mettant à la place de et par conséquent à la place de

c’est-à-dire

14. Nous avons vu que toute fonction de plusieurs variables devient lorsque ces variables deviennent où l’accroissement est déterminé par la formule

De même, si l’on suppose que les variables deviennent étant des quantités différentes de et qu’on désigne par l’accroissement correspondant de on aura

Or la première équation donne, comme on l’a déjà vu plus haut,

et comme les quantités sont indépendantes les unes des autres, il est clair qu’en supposant d’abord on aura

désigne l’accroissementde qui a lieu tandis que seul croit de de sorte qu’en désignant cet accroissement partiel de par on aura

De même, si l’on désigne par les accroissements partiels de qui ont lieu lorsque deviennent chacun à part on aura

Ainsi l’on aura

Donc

Et par conséquent

équation par laquelle on pourra déterminer la valeur complète de la différence de la fonction lorsque les variables y croissent en même temps de au moyen des différences partielles de la même fonction, lesquelles résultent lorsque les variables croissent séparément des quantités,

Pour pouvoir faire usage de cette équation il faudra développer les puissances de et le produit de ces puissances, suivant les puissances de ensuite on appliquera à la caractéristique l’exposant de la puissance à laquelle la quantité se trouvera élevée, et l’on multipliera ensemble les quantités qui se trouveront au-dessous de la lettre ainsi par exemple donnera ce qui indiquera la différence seconde de prise en faisant varier seul successivement de mais donnera ce qui indiquera de même la différence seconde de mais prise en faisant varier d’abord de et ensuite de et ainsi des autres. La raison de cette opération est facile à apercevoir par la nature de notre calcul.

On pourra aussi tirer de là la valeur de la différence d’un degré quelconque, et pour cela il n’y aura qu’à élever les deux membres de l’équation à une puissance dont l’exposant soit le même que celui du degré de la différence ; de cette manière on aura, en général,

et, changeant en on aura aussi

où il faudra développer le second membre de la manière que nous l’avons dit ci-dessus.

15. Les formules précédentes renferment la théorie des interpolations prise dans toute la généralité possible ; par exemple, supposons d’abord que l’on ait une fonction de seul, dont on connaisse les différentes valeurs lorsque devient successivement et qu’on demande la valeur de la même fonction lorsque devient étant une quantité quelconque. On aura donc dans ce cas et par conséquent

Or la puissance étant développée suivant la méthode ordinaire donne

Donc, changeant en en et ainsi de suite, on aura

c’est l’accroissement que doit prendre la fonction lorsque devient égal à de sorte que la valeur de la fonction répondante à sera exprimée par la série

Ainsi, si l’on a une série dont les termes successifs soient exprimés par une même fonction de la formule précédente donnera la valeur d’un terme quelconque intermédiaire répondant à en prenant pour le terme répondant à pour la différence entre les deux termes répondants à et pour la différence seconde entre les trois termes répondants à et ainsi de suite.

16. Supposons maintenant que soit une fonction de deux variables et on aura dans ce cas, en faisant

La quantité donne comme ci-dessus la série

et de même la quantité donnera la série

Donc, multipliant une série par l’autre et ayant égard aux remarques faites vers la fin du no 13, on aura

Donc

c’est l’accroissement que doit prendre la fonction lorsque et y deviennent à la fois

Cette formule servira, comme on voit, pour l’interpolation des Tables à double entrée ; et elle s’accorde avec celle que M. Lambert a donnée pour le même objet dans la troisième Partie de ses Beytrœge etc.

On pourra déduire avec la même facilité, de notre équation générale, les formules pour l’interpolation des Tables à triple, quadruple, etc., entrée c’est sur quoi il ne nous paraît pas nécessaire de nous étendre davantage.

17. Nous allons donner maintenant une méthode facile et générale de trouver immédiatement les différences d’un ordre quelconque d’une fonction quelconque de plusieurs variables, sans passer par les différences des ordres inférieurs. Pour cela on considérera que, puisque désigne, en général, la différence première de la différence première de ou la différence seconde de et ainsi de suite, les valeurs successives de seront

et, en général,

De même, en désignant par les différences premières, secondes, etc., des variables on aura pour les valeurs successives de

et ainsi de suite pour les valeurs successives de

Donc, en général, si est une fonction quelconque de il est clair que, tandis que devient

deviendront

D’où il s’ensuit qu’en désignant par la valeur de en sorte que

on aura aussi

équation qui devra avoir lieu, quel que soit le nombre de sorte qu’après le développement des termes il n’y aura qu’à comparer ceux qui seront affectés d’une même puissance de et l’on aura autant d’équations qu’il en faudra pour déterminer les valeurs de chacune des différences

18. Supposons que les différences deviennent infiniment petites et qu’en même temps le nombre devienne infiniment grand, on aura dans cette hypothèse

donc, changeant la caractéristique en on aura l’équation

Ainsi, si l’on développe la fonction suivant les puissances de en sorte qu’il en résulte une série de cette forme

on aura

Par où l’on voit comment on peut trouver sur-le-champ toutes les différentielles de c’est ce que nous allons éclaircir par quelques Exemples.

19. Supposons que soit une fonction de seul, et que soit supposé constant, on aura donc dans ce cas l’équation et

de sorte qu’il ne s’agira que de développer la quantité suivant les puissances de

Soit, par exemple,

on aura

donc, comparant les termes affectés des mêmes puissances de

et, en général,

On remarquera ici, et la même remarque aura toujours lieu dans les cas semblables, que puisque l’on a l’expression générale de la différentielle de l’ordre on pourra, en faisant négatif, avoir celle de l’intégrale du même ordre ainsi l’on aura

or comme les facteurs vont en diminuant, et que le dernier doit être qui est au contraire plus grand que cela indique qu’il faut continuer la série de ces facteurs du côté opposé, en employant les divisions au lieu des multiplications, de cette manière

on aura donc en multipliant par

ce qui s’accorde avec ce que l’on sait d’ailleurs.

20. Dans le cas de l’Exemple précédent, il aurait été facile de trouver la valeur générale de par la méthode ordinaire des différentiations, mais il n’en serait pas de même si la fonction était tant soit peu plus compliquée. Supposons en effet

on verra aisément que les différentielles de seront exprimées par des séries dont il ne sera pas aisé de trouver la loi, pour avoir l’expression de suivant notre méthode il n’y aura qu’à mettre à la place de ce qui rendra égal à

de sorte que la difficulté ne consistera qu’à réduire l’expression

en une série qui procède suivant les puissances de

Faisons pour plus de simplicité

en sorte que la quantité proposée devienne

Je la développe d’abord ainsi

et il ne s’agira plus que de développer de même les différentes puissances de

Supposons qu’on veuille avoir, en général, le terme qui sera affecté de la puissance il est clair que si l’on dénote par le terme affecté de dans la puissance par le terme affecté de dans la puissance par le terme affecté de dans la puissance et ainsi de suite, il est clair, dis-je, que le terme affecté de dans la série précédente sera représenté par

or le terme affecté de dans la série

est évidemment

ainsi, comparant ces deux termes, on aura

Mais il est facile de voir que l’on aura

Donc, substituant ces valeurs, et faisant attention que

et ainsi de suite, on aura

De là on peut, en changeant en tirer la valeur de et l’on trouvera, d’après ce qui a été remarqué dans le numéro précédent,

Ainsi, faisant on aura

ce qu’on peut aisément vérifier par la différentiation.

Si dans l’expression précédente on fait on aura plus simplement

et l’on reconnaîtra facilement la vérité de cette formule en remarquant que et

21. On peut encore trouver une autre expression de laquelle reviendra au même pour le fond, mais qui pourra être regardée comme plus simple pour la forme.

Pour cela je reprends la quantité

dont il s’agit de trouver le terme affecté de et je fais pour un moment elle deviendra

je considère maintenant que

d’où il s’ensuit que si l’on fait, pour abréger,

on aura ce qui réduira l’expression précédente à celle-ci

Or la quantité

se développe d’abord en cette série

ensuite, développant encore chaque puissance de on trouvera que le terme affecté de sera représenté par la série

Ainsi cette série, multipliée par sera égale au terme

de sorte qu’on aura, en remettant à la place de et à la place de

Si dans cette formule on fait

par conséquent

on aura

C’est la formule que M. Euler a trouvée par induction dans ses Institutions du Calcul différentiel.

On peut aussi, dans la formule générale ci-dessus, faire négatif, et l’on aura alors, comme dans le numéro précédent,

Ainsi, faisant on aura

Au reste, ces formules pour les intégrations sont en quelque sorte plus curieuses qu’utiles, parce qu’elles ont toujours l’inconvénient d’aller à l’infini, même quand l’intégrale peut être exprimée d’une manière finie ; mais elles n’en sont pas moins remarquables, puisqu’elles servent à montrer de plus en plus l’analogie qu’il y a entre les différentiations et les intégrations.

22. Soit à présent une fonction de et et supposons par exemple on aura donc (18)

Donc, comparant les termes affectés des mêmes puissances de on aura

et, en général,

c’est la série que Leibnitz a donnée dans le tome cité des Miscellanea Berolinensia.

Si dans cette série on fait négatif, c’est-à-dire qu’on y mette à la place de et qu’on change en conséquence les différences dont l’exposant sera négatif en intégrales du même ordre, on aura

or si l’on suppose, ce qui est permis, que la différentielle soit constante, on aura

et, en général,

donc substituant ces valeurs dans l’équation précédente, et la multipliant toute par elle deviendra

Si dans la formule ci-dessus on met à la place de en sorte que il faudra mettre à la place de et ainsi des autres, et l’on aura

ou bien, en substituant les valeurs de et multipliant toute l’équation par

Si on aura donc

c’est la série que M. Jean Bernoulli a donnée dans les Actes de Leipsick de 1694.


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