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IRÈNE ET LES EUNUQUES

rent à la cime des vagues écumeuses. Rejaillies sur les quais, elles crevèrent, de leur assaut liquide, les magasins et les hangars, pour emporter au large les ballots, les caisses, les barils. Des matelots furent immergés dans les tavernes du port. Une eau saumâtre les gorgea, les étrangla, les asphyxia, la coupe à la main, la gouge sur le cœur.

À l’intérieur des logis les plus solides, beaucoup périrent au même instant, écrasés par les coffres, estomaqués par les bancs, brûlés par les feux des cuisines et des lampes qui brusquement incendièrent les quartiers. Elles drapèrent la ville dans les flammes sifflantes, étouffantes. Leur élan d’or enveloppa les coupoles dorées des basiliques où se réfugiaient les foules en lamentations. Dans le narthex du temple des Blachernes deux couples manichéens furent reconnus. On accusa leur hérésie d’attirer le châtiment du ciel. Ils furent sacrifiés sur les bornes par la fureur des soldats heureux d’enfoncer le glaive dans les poitrines halées, râlantes, fleuries de gerbes vermeilles qui ruisselèrent, coulèrent sur les dalles et s’épaissirent en flaques rouges, pendant que se recroquevillaient les orteils des victimes expiatoires en leurs chaussures de toile bleue.

Cependant les pierres d’émail formant les mosaïques des voûtes s’égrenèrent sur l’ambon. Les saints et les anges, là-haut figurés, semblèrent lapider ainsi, de leur propre substance, les dévots à genoux, qui psalmodiaient cette peine, et se heurtaient la poitrine à