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IRÈNE ET LES EUNUQUES

coups sincères. Soudain les flammes secouées dans les lampes des icones s’agitèrent avec la trépidation du sol. Elles s’éteignirent empestant l’air du chœur. Alors tous levèrent les bras au ciel. Ils proféraient leur désespoir. Le Théos, par ce signe manifeste, livrait à l’odeur du Sathan nauséabond le peuple coupable. Une nouvelle secousse ayant fait trembler les statues des saintes sur leurs socles, dans leurs niches, la plupart s’épouvanta. Chacun protesta qu’il avait vu les martyrs, les évangélistes s’animer, vivre et menacer, du geste, la cohue des impénitents.

On se rua dehors parce que les couronnes des lustres oscillaient furieusement au bout de leurs chaînes. Certaines s’abîmèrent avec grand bruit sur les mosaïques du pavage, blessant des catéchumènes et des vieillards maladroits pour fuir le choc. Mais dans les rues, les attelages emportés chargeaient une multitude hagarde, lamentable. Les bras serraient les cassettes précieuses, les icones tutélaires, les bijoux et les sacs pleins de monnaies. Les femmes protégeaient leurs poitrines dans la bousculade, ou bien élevaient leurs enfants au-dessus des épaules pressées, des têtes méchantes, des poings agressifs. La brise de février poussa sur cette cohue les fumées suffocantes des incendies et les vols éblouissants d’étincelles. Alors chassée de ses maisons en flammes, de ses églises empuanties et frissonnantes, de ses rues qui s’entr’ouvraient, la populace se prit à fuir éperdument vers la porte des Blachernes. Elle donnait accès dans la