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IRÈNE ET LES EUNUQUES

des boules multicolores sur les marches de la maison fauve où tu reçus, Irène, ma première leçon…

— On dit que la science affranchit de l’instinct !… On dit cela… ; mais c’est un autre jeu de paroles aussi vain que le jeu de mes boules multicolores,… ô Jean, ô Mesureur de l’Abyme.

— Que le Théos étende sur toi sa main propice : tu viens de parler enfin comme il sied à la vaillance de ton esprit…

En agitant ses bras plus glabres que ceux d’une femme, il clama cette phrase victorieuse. Aussitôt Irène mesura le tort qu’elle avait eu de dissimuler avec lui. L’aspect de sa déchéance la désola. Elle se rassit près de la fontaine en s’enveloppant toute dans la pudeur de son voile bleu.

— Avoue donc, Lèvres de l’Esprit, avoue que tu préfères demeurer dans ta maison d’Athènes avec tes volumes uniformément roulés sur les planches de ta bibliothèque, avec tes sphères de bois, tes compas précis, tes billes de calcul, les tortues apprivoisées de ton jardin roussi, et… et… (mon orgueil est mort, je te l’assure !…) et ton maître ! Tu le crois pareil au faune qui saute des buissons, afin de saillir les nymphes endormies mais vigilantes pour guetter le plaisir… Oui, tu es une fille bestialement amoureuse de Jean Bythométrès parce qu’il a fécondé ton intelligence, parce qu’il a pris la virginité de ton ignorance puérile, parce qu’il t’a menée comme une épouse de son effort sur les cimes où l’on aperçoit, dans les fumées du cercle