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IRÈNE ET LES EUNUQUES

théurgique, le Fils dont les pieds broient le fond des mers et dont la tête reste obscurcie par les vapeurs du zénith… Et tu voudrais, Irène, qu’il te fécondât le ventre aussi, qu’il jetât sa semence humaine dans tes flancs essoufflés ; ô bestialité d’Athènes ! Immondice des païens !… Sœur de Priape !… Fille de tous les dieux morts sous qui sanglota le vice d’Aphrodite… Et pour ce plaisir, tu renoncerais à Byzance, à l’empire du monde, au droit d’établir les Archétypes dans la Magnaure des Autocrators !… Voilà ce que je sais de toi, et ce que tes paroles n’osent proférer, ô lâche Irène !

Elle avait entendu les injures sans remuer une phalange. Seulement elle serrait toujours plus fort, autour de son torse, et sur son visage convulsif, le voile bleu. Tout son corps lui pesait. Ses entrailles et son cœur étaient percés de mille pointes aiguës. Soudain sa douleur se rebiffa. Elle cessa de subir. Sans que sa raison le voulût, son être inconsciemment ripostait :

— Toi-même, ô toi-même, Prince des Hypocrites, toi-même tu soupires, la nuit, derrière ma porte. Ainsi les chevaux hennissent au vent qui disperse le fumet des cavales… Toi-même tu te martyrises, tu te ligottes dans les liens les plus solides de ta sagesse pour ne pas te ruer sur ma chair. Tu charges tes lèvres du plomb de toute la science pour qu’elles ne se tendent pas vers mes seins douloureux. Toi, toi, tu m’aimes, autant que je t’aime ! Et si je suis la fille des dieux morts, tu es leur désir survécu, projeté vers moi, depuis des ans, des ans, depuis le jour où