Page:Adam - Irène et les eunuques, 1907.djvu/415

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
387
IRÈNE ET LES EUNUQUES

Les gémissements s’interrompent un instant, car voici que paraissent sous le portail du Palais Sacré Irène en sa litière, Staurakios, Aétios et Jean qui en tiennent les draperies. Au moment où les mules blanches atteignent la foule des caloyers prosternés sous l’icone, Marie d’Arménie s’érige, et, du geste, arrête les coureurs. Elle tire les tentures, regarde Irène, et, le doigt rigide, désigne solennellement le palais :

— Ici où tu l’enfantas, où ses premiers cris émurent ta jeunesse, ici tu l’as fait meurtrir !

Irène se cache les yeux :

— Marie !… Marie, ne double pas mon désespoir.

Marie, forcenée, crie :

— Toi, du désespoir… Toi, de la douleur… Toi, de la pitié ! Tu ne sens rien de cela… Comme tu m’as sacrifiée, tu sacrifies ton fils…

Irène se convulse douloureusement.

— Je n’ai pas voulu… Tais-toi…

Mais l’épouse répudiée poursuit, dans sa folie :

— Me taire… Mais je hurle ma peine à toutes forces, moi qui l’aime… Mais j’ai ressuscité du cloître, moi qui l’aime… J’ai crié si fort ma détresse que tous ont gémi avec moi ; que tous ont surgi derrière moi, de leurs cellules, des cloîtres, peut-être des tombeaux. Compte ceux qui me suivent !

— Marie… Marie !… supplie la voix déchirée de la mère.

L’Arménienne se penche encore, lui parle en plein visage :